4 ans après la signature de la convention 2016, 3 ans 1/2 après son application, 2 ans après les dernières revalorisations tarifaires (et oui, ça s’est fait piano piano), il est temps d’en faire le bilan. Qu’on pourra comparer à l’analyse du texte AVANT son adoption, avec évidemment des différences, puisque seuls les faits tranchent au final.
Cette convention a-t-elle tenu ses promesses, tant au plan financier, qu’au plan des relations avec l’UNCAM, de l’utilité des CPx et des contentieux avec les services médicaux ?
Tout d’abord un point de détail qui n’en est pas vraiment un : les syndicats ont signé en grande partie parce qu’après le marchandage traditionnel l’UNCAM a mis sur la table 800 millions, puis 1 milliard, puis 1 milliard 300 millions de revalorisations d’honoraires par an.
Mais il s’agit en tout état de cause, au moins pour les médecins secteur I et au moins en partie, d’un marché de « dupes ».
Petit rappel : le 21/12/2015 paraît au JO la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2016 qui abaisse le taux de cotisation Assurance maladie de 9,70 à 6,50% (mais instaure scélératement une surcotisation de 3,25% pour les activités non conventionnées des seuls secteur I). L’article 84 de cette loi, par un tour de passe-passe, modifie le texte conventionnel de 2011 et pérenise à la place le taux effectif de cotisation de 0,1% pour les médecins secteur I, laissant le différentiel à la charge de l’Assurance Maladie. Opération transparente pour ne pas dire invisible aux yeux des médecins qui ne voient pas leurs cotisations changer, mais rentable au plus haut point pour l’Assurance maladie qui économise ainsi la différence de 3,20% sans la reverser aux médecins, alors que conventionnellement les avantages conventionnels correspondent à des honoraires « différés ». Bilan : 285 millions d’euros d’avantages conventionnels disparaissent chaque année. Soit 22% des revalorisations d’honoraires théoriques proposées par la convention.
On a donc payé en partie ces revalorisations avec les économies faites sur le dos des médecins secteur I, tout comme en 1996 on a payé la prime à l’informatisation des médecins avec la taxe spéciale instituée les deux années précédentes.
Ceci dit, la rémunération des médecins libéraux a-t-elle vraiment bénéficié de l’application de la nouvelle convention ?
Cette rémunération (et sa progression) est finalement assez difficile à évaluer car elle est « explosée » entre le paiement des actes, les divers forfaits, les aides dans les Zones d’Intervention Prioritaire, et les avantages conventionnels pour les médecins secteur I ou les secteur II OPTAM.
1,3 milliards d’euros par an devraient valoir 13000 € de plus en moyenne à chacun des 100000 médecins libéraux.
L’activité à l’acte :
Remercions la CNAM qui nous fournit des données très (voire trop) complètes sur l’activité des médecins. Les dernières publiées sont celles de 2018.
Elle en fait de même avec les honoraires (il faut bien que les SNIR, même faux, servent à quelque chose). Les dernières données sont également celles de 2018.
Malheureusement les données des années précédentes ne sont pas accessibles, ni les données portant sur les dépenses professionnelles, pour pouvoir avoir les BNC, seules données vraiment utiles. Mais on peut y avoir accès via les données des AGA.
Les actes de base :
On peut déjà en extraire les données des généralistes, qui sont un groupe un peu plus homogène que celui des spécialistes de second recours. L’activité moyenne d’un généraliste en 2018 était de 4828 actes « de base » (consultations + visites). Ce nombre tombe à 4572 si on inclut les MEP. On peut noter que c’est en net recul par rapport aux 5100 actes en moyenne relevés en 2011 dans le rapport de la DREES ; ce rapport indiquait que les femmes avaient en moyenne toujours un nombre d’actes inférieur de 25% à celui des hommes, et la féminisation progressive de la profession explique peut-être cette baisse.
Mécaniquement, la hausse de 2 € des actes de base (MMG rajouté au C(S) et au V(S) pour les transformer en G(S) et VG(S) ) devrait donc avoir ajouté 9656 € de chiffre d’affaire (CA) à chaque généraliste.
Pour la CNAM, le CA moyen des généralistes était de 160 258 € en 2018 (159 899 € si on inclut les MEP). Ce qui met donc l’acte moyen en médecine générale, en intégrant TOUTE l’activité (donc les actes, mais aussi les forfaits, les dépassements, les actes complexes, les aides aux zones fragiles, les majorations de garde) à 33€. Très loin donc de la moyenne européenne.
Pour les spécialistes, c’est plus compliqué car (beaucoup) plus hétérogène. Il faut surtout noter que l’augmentation équivalente de 2 € ne s’applique qu’à la MCS qui est passée de 3 à 5 €, et donc uniquement aux actes qui sont compatibles avec la cotation MCS : on écarte donc les actes en secteur II non OPTAM supérieurs au tarif opposable, les actes en CCAM, les pédiatres, bref une grosse partie de l’activité des spécialistes, voire la majeure partie de l’activité des spécialités techniques et des PTL. Cette augmentation est donc mécaniquement moins intéressante pour les spécialistes que pour les généralistes.
Mais il est vrai aussi qu’on a beaucoup reproché à cette convention d’être une convention pour les généralistes et d’avoir oublié les spécialistes, en particulier techniques.
Par contre, la convention 2016 a vu la disparition en catimini de la C ALD, qui pourtant aurait été pour les médecins l’occasion de réaliser le Volet Médical de Synthèse que la CNAM voudrait tant nous voir mettre dans le DMP … gratuitement …
Sur un plan plus particulier, on a vu enfin l’alignement des tarifs NGAP de tous les DOM à 20% au-dessus des tarifs métropolitains pour pallier le coût de la vie outre-mer.
Les actes de second niveau
Ce sont les actes « coordonnés » donc avec retour d’information au médecin traitant. C’est à ce niveau qu’intervient la majoration de la MCS des spécialistes, et la majoration aussi des APC et APY des avis de second recours, du moins tant que ces actes sont facturés au tarif opposable. Depuis 2018 les médecins secteur Ils peuvent en bénéficier aussi pour les actes qu’ils pratiquent au Tarif Opposable (TO) strict.
Mais aussi, et c’est là la nouveauté, l’extension de la MCG pour les généralistes (qui peuvent aussi coter APC, mais ça reste très anecdotique). Qui a cependant montré le peu de considération qu’a la CNAM pour les négociations et les généralistes. Puisqu’après avoir annoncé en grande pompe que la MCG était applicable pour les enfants même sans Médecin Traitant, elle a subrepticement annulé cette disposition, mais uniquement pour les généralistes, à l’occasion d’une décision UNCAM, donc sans aucune concertation.
Les actes de troisième et quatrième niveau
Ce sont les fameuses consultations complexes et très complexes. Complexes surtout par leur difficulté d’application, le référentiel de chacune étant très « cadré », et chaque spécialité ne pouvant en utiliser que quelques-unes, avec des contraintes temporelles importantes, ce qui fait qu’elles restent sous-utilisées.
Quelques-unes toutefois sont bien utilisées : les COE des consultations obligatoires enfants pour les pédiatres et les généralistes, CCP des consultations de contraception pour les gynécologues et les généralistes (et les sages-femmes), MIS de consultation d’annonce pour les oncologues et tous les spécialistes s’occupant de cancérologie, VL pour les patients dépendants revalorisées et passées à 3 par an pour les généralistes (seuls à faire des visites en pratique), et plus récemment et pour un court laps de temps PCV pour la consultation de sortie de déconfinement qui s’arrêtera le 15 septembre 2020.
Les actes techniques en CCAM :
Impossible de bien s’y retrouver entre les plus par ci, les moins par là, les baisses autoritaires de tarifs des actes de radiologie, les majorations de certains actes chirurgicaux, les augmentations sous réserve de respect d’objectifs de qualité ou de l’enveloppe globale de rémunération.
La seule avancée nette a été la possibilité de cumul de la consultation et du frottis à taux plein, qui a bénéficié aux gynécologues, aux généralistes faisant de la gynécologie … et aux sages-femmes.
Les limites de la rémunération à l’acte
C’est tout bête : elle dépend du nombre d’actes réalisés. Or les consultations sont de plus en plus complexes car la population vieillit, les prises en charges se complexifient, les motifs multiples de consultion explosent … bref il n’est pas possible de multiplier les actes si l’on veut continuer à travailler correctement. Ce que semble d’ailleurs aussi indiquer justement la baisse de l’activité moyenne des médecins entre 2011 et 2018. Ou alors il faut pouvoir embaucher du personnel, pour déléguer certaines tâches, décharger le médecin du travail administratif ou répétitif, « libérer du temps médical ». Le niveau de rémunération en France ne le permet pas. C’était théoriquement le but affiché de l’avenant 7 ou du moins des articles de l’avenant 7 qui portent sur les assistants médicaux. Las ce texte est très en deça des espérances minimales de la FMF qui a donc décidé de ne pas le signer.
Le seul moyen de maintenir la rémunération est donc la hausse du prix des actes. Et non pas un simple rattrapage de l’inflation, qui ne devrait d’ailleurs pas exister : en toute logique, plutôt que d’être figés pour toute la durée de la Convention, les tarifs devraient être indexés chaque année ou tous les deux ans sur l’inflation… trop simple probablement pour les énarques de la CNAM. Qui d’ailleurs semblent considérer que l’inflation n’existe pas quand on considère la (très) faible progression des actes en CCAM et la non-revalorisation des IK depuis … plus de 20 ans !
Et on a bien vu de mars à juillet 2020 le côté pervers de cette rémunération : la chute brutale de l’activité de tous les médecins libéraux a entraîné une chute aussi brutale de leur chiffre d’affaire, obligeant la CNAM à proposer un mécanisme de compensation des charges très (trop) partiel, rien que éviter la faillite de nombreux cabinets.
Les rémunérations forfaitaires
Elles ont nettement évolué dans cette convention, plus à la demande de la CNAM qu’à celle des syndicats.
Elles sont justement censées amortir les variations de la rémunération à l’acte, mais ont-elles vraiment atteint leur but ?
Le Forfait Patientèle Médecin Traitant (FPMT)
Il a certes été réévalué, au moins en ce qui concerne la prise en charge par la CNAM du temps non-médical de chaque patient, en particulier âgé, et inclus désormais la patientèlede moins de 16 ans. Cette réévaluation est toutefois fortement diminuée par la disparition concommittante de la MPA pour les médecins traitants. Ceux qui ont une forte activité gériatrique ont vu pour la plupart cette rémunération diminuer. Et de toute façon elle reste dans les faits assez anecdotique, puisque ne représentant que quelques minutes de temps médecin par patient et par an.
Et surtout le FPMT ne concerne que les généralistes et maintenant un peu les pédiatres depuis la signature de l’avenant 1, mais les autres spécialités en sont quasiment totalement exclues.
La ROSP
Sans conteste la rémunération qui cristallise le plus de mécontentement, tant son fonctionnement est opaque, les objectifs décriés, le mode de calcul incompréhensible.
Et surtout le fiasco de 2018 concernant la ROSP 2017 a mis en évidence son inefficacité pour revaloriser l’exercice médical. Sans la clause de sauvegarde elle aurait perdu en 2018 40 à 50 % par rapport à 2017. A tel point qu’il a fallu inclure rapidement dans l’avenant 6 la révision des items et des modes de calculs, pour au final ne réussir qu’à péniblement maintenir la ROSP au même niveau.
Quant à la ROSP pédiatrique, elle ne représente que des clopinettes. Comme la ROSP des endocrinologues, mise en place aux forceps après 6 ans de négociations, et qui loupe totalement son objectif de revalorisation de cette spécialité sinistrée.
Restent deux ROSP de spécialité, celle des cardiologues et celle des gastro-entérologues.
Pour les autres spécialités, pas de ROSP, pas de rémunération.
Le Forfait Structure :
C’est le forfait qui concerne (théoriquement) toutes les spécialités et tous les médecins sans dépendre de l’activité ni de la taille de la patientèle.
Et le seul qui soit réellement réévalué depuis 3 ans.
Mais qui laisse quand même 25% des médecins sur le bord du chemin en raison du mécanisme de « tout ou rien » du socle obligatoire dont TOUS les items doivent être validés.
Et quels résultats pour ces rémunérations forfaitaires ?
Les données nous ont été obligement fournies par la CNAM sur les années 2014-2019
Intéressons-nous aux chiffres 2019 (rémunérations versées en 2019 sur les résultats de 2018)
ROSP Adulte | Forfait Structure | ROSP enfants | ||||
Effectif rémunéré | Rémunération moyenne | Effectif rémunéré | Rémunération moyenne | Effectif rémunéré | Rémunération moyenne | |
MG | 50785 | 4915 € | 40721 | 2517 € | 39646 | 153 € |
MEP | 4317 | 2236 € | 2842 | 2235 € | 1492 | 105 € |
Pédiatres | 1056 | 9 € | 1425 | 2224 € | 1388 | 730 € |
Cardiologues | 4326 | 2146 € | 1932 | 2188 € | 0 | 0 € |
Gastroentérologues | 2012 | 1405 € | 895 | 2312 € | 0 | 0 € |
Endocrinologues | 811 | 1084 € | 425 | 2139 € | 0 | 0 € |
Autres spécialistes | 11223 | 15 € | 11321 | 2055 € | 7 | 8 € |
TOTAL | 74530 | 3655 € | 59561 | 1392 € | 42533 | 170 € |
Et si on regarde les rémunérations totales :
Effectif rémunéré | Rémunération moyenne | |
MG | 51653 | 6934 € |
MEP | 4963 | 3527 € |
Pédiatres | 2106 | 1991 € |
Cardiologues | 4358 | 3100 € |
Gastroentérologues | 2022 | 2422 € |
Endocrinologues | 815 | 2194 € |
Autres spécialistes | 19758 | 1186 € |
TOTAL | 85675 | 4927 € |
Plusieurs choses sautent aux yeux :
- La ROSP pédiatrique est une douce plaisanterie, même pour les pédiatres, dont 1/3 ne la touche d’ailleurs pas ;
- La ROSP des endocrinologues ne concerne que la moitié des endocrinologues, pour un montant qui ne risque pas de remonter leur retard de rémunération ;
-
¼ des médecins ne touche pas le Forfait Structure ;
- la rémunération totale moyenne ne dépasse que de 950 € le total de la ROSP et du volet organisationnel de 2017 correspondant aux résultats de 2016, dernière année avant la nouvelle convention. Ce qui ne recouvre que l’augmentation (prévisible et prévue) du Forfait Structure, après 2 années en net retrait par rapport au volet organisationnel. Comme la ROSP elle-même stagne, le total ne bouge quasiment pas … surtout pour les exclus du Forfait Structure.
Clairement les forfaits n’ont donc pas joué leur rôle de revalorisation des honoraires.
L’OPTAM et l’OPTAM-CO :
L’OPTAM et l’OPTAM-CO sont un grand succès … pour la CNAM. Le but pour elle est atteint, puisque plus de 50% de la cible potentielle des médecins éligibles a opté pour le dispositif et que la part des dépassements d’honoraires des médecins secteur II ne cesse de reculer depuis 2012, sans que le total lui-même baisse puisque le nombre de médecins spécialistes secteur II augmente lui régulièrement, contrairement à celui des généralistes secteur II qui baisse inexorablement (-5,5 % lan dernier) puisque le secteur II leur est fermé sauf pour les rares anciens Chefs de Clinique Assistants.
La CNAM communique largement sur les « primes » versées, mais oublie pudiquement de préciser que le mécanisme est plus complexe que celui du CAS qui n’était déjà pas simple, que l’intérêt de signer est loin d’être évident même si les DAMs font outrageusement de la publicité pour, et que le mécanisme de recalcul des limites de dépassement en fonction des revalorisations conventionnelles est très défavorable aux médecins.
Et si on prend une calculette, les sommes que la CNAM met en avant ne correspondent qu’à 2,5 à 3 €par acte effectué au tarif opposable. Est-ce vraiement intéressant ?
L’OPTAM correspond beaucoup plus à un service rendu aux patients qu’à une affaire financière pour les médecins.
Et finalement, quel impact sur la rémunération ?
Pour s’en rendre compte, il ne faut pas s’en tenir au chiffre d’affaire, mais analyser aussi l’évolution des dépenses et du bénéfice, données qu’on retrouve dans les bilans des AGA.
Pour les généralistes : la convention 2016 était théoriquement prévue pour eux.
Le chiffre d’affaire moyen a certes augmenté, de 147700 € en 2016 à 156400 € en 2018, mais ça ne represente QUE 8400 € … bien loin donc des 13000€ attendus.
Pour le bénéfice, c’est bien pire : nous passons de 79500 à 83900 €, soit 4400 € seulement.
En cause l’augmentation des dépenses, notamment des honoraires des comptables (la comptabilité devenant de plus en plus compliqués et les contrôles de plus en plus tatillons), les loyers (on voit l’impact des nécessaires investissements des propriétaires pour l’accessibilité), des frais de personnels et donc des charges salariales.
Et aussi, de façon surprenante, l’augmentation des charges sociales personnelles. La CSG est passée en moyenne de 5250 à 7350 €, ce qui correspond à l’augmentation de 1,8 % de cet impôt, dont une partie n’est pas déductible !
Mais les charges sociales personnelles autres n’ont baissé que de 300 €, passant de 18350 à 18050 €. Alors même que les grands calculateurs de la CNAM nous avaient promis une équivalence parfaite avec l’avenant 5, malgré la démonstration plusieurs fois faite que le compte n’y était pas, comme l’a brillamment montré le Dr Olivier Petit. Mieux même, c’est la CNAM qui fait 104 millions d’euros de bénéfice sur notre dos, diminuant encore ainsi les avantages conventionnels sensés compenser nos tarifs « maîtrisés ».
Et pour les pédiatres et les endocrinologues ?
Ce sont les deux spécialités censées en théorie avoir bénéficié le plus de la convention.
Les pédiatres ont vu leur CA passer de 144168 à 146538 €, soit seulement 2500 € de progression seulement. Et leur bénéfice a progressé de 72842 à 74132 €, soit 1300 €. Où sont les 15000 € promis par Nicolas Revel ?
Et pour les endocrinologues ce n’est guère mieux. Leur CA est passé de 112147 à 119837 €, leur BNC de 51349 à 56010 €.
Ces deux spécialités restent donc très à la traîne pour leur rémunération, très loin de la moyenne des généralistes !
Et 2020 ne risque pas d’inverser la donne, puisque tous les libéraux ont connu au moins un trimestre proprement calamiteux, du fait d’une communication également calamiteuse des autorités pendant la crise sanitaire.
Au final, sur les 1,3 milliards annuels promis par la CNAM, on peut estimer que seuls les 2/3 soit 860 millions ont trouvé le chemin des libéraux. Donc il ne reste véritablement que 471 millions directement à la charge de la CNAM (et des assurances complémentaires puisque nous parlons de CA brut), et 389 millions indirectement financés par les médecins secteur I ! |
Les relations conventionnelles
Les commissions paritaires
Elles ont mal commencé d’emblée, puisque les CPL, CPR et CPN ont commencé par mettre à l’ordre du jour de la première commission le vote du Réglement Intérieur (RI). Le hic est que ce réglement intérieur est fixé et gravé dans le marbre par l’annexe 23 de la convention, qu’on ne peut pas le discuter, ni même l’amender. On peut juste l’accepter « en bloc ».
Certaines CPL un peu frondeuses ont bien réussi à imposer quelques modifications, puis ont voté le RI. Mais ces votes ont donc été invalidés par la CNAM : c’est pratique, la démocratie n’est acceptable que tant qu’elle va dans le sens du pouvoir …
Les sections professionnelles de ces CPL frondeuses ont donc refusé par la suite de voter le RI, qui ne l’a donc été que par les sections sociales … et validé par la CNAM.
Et si encore ce RI s’imposait aux caisses. Mais elles l’ignorent joyeusement quand ça les arrange. Par exemple quand le SML et la CSMF ont signé l’avenant 6 et donc réintégré la convention et les CPL, certaines caisses ont voulu imposer un nouveau vote de désignation des président•e•s de CPL, en contradiction totale avec le RI. A Paris les choses ne sont d’ailleurspas réglées et une procédure judiciaire et en cours.
De même, les caisses ignorent joyeusement les délais réglementaires concernant les convocations, les transmissions de documents, les validations d’Ordre du Jour par les deux présidents, de validation des PV de séances aussi par les deux présidents. Il faut une section professionnelle (très) combative pour pouvoir imposer le respect de ces points, et la CPN ne montre pas l’exemple puisque l’habitude est de fournir les documents sur lesquels va travailler la commission … à l’ouverture de la séance. Ça ne correspond donc absolument pas à des Commissions Paritaires, mais bien plus à une manière pour les caisses d’imposer leurs messages et leurs points de vue.
Et surtout la considération de la CNAM pour la FMF, pourtant présidente de la section professionnelle de la CPN, a fondu dès lors que la CSMF et le SML sont revenus dans le jeu conventionnel ; la FMF avait demandé et obtenu que les avenants 3 et 4 soient scindés car se rapportant à des sujets très (trop) différents, mais dès l’avenant 6 nous avons assité au retour des avenants fourre-tout, sans autre choix que de valider ou rejeter « en bloc » le texte proposé à la signature.
Les négociations conventionnelles
C’est le « cœur » de la vie conventionnelle. Depuis la signature, 8 avenants ont été signés, et un neuvième est déjà prévu.
Prévu dès la signature de la Convention, l’avenant 1 a mis en place le Médecin Traitant de l’enfant, permis l’intégration des enfants dans le Forfait Patientèle MT, et ouvert la possibilité de la ROSP pédiatrique pour généralistes et pédiatres. Il devait normalement d’après la CNAM permettre de dégager 15000 € annuels de rémunération supplémentaire pour ces derniers…
L’avenant 2, avenant quasi-technique pour mettre en place l’augmentation des actes des généralistes, la COE, et le tout début de la télémédecine, uniquement pour les EHPAD à ce stade.
L’avenant 3 a mis en place l’Avantage Supplémentaire Maternité et enfin permis à nos consœurs de s’arrêter dans des conditions décentes pour leurs grossesses, il n’a toutefois pas été jugé suffisament important pour être signé par le SML et la CSMF.
L’avenant 4 a nécessité 6 ans de négociations ardues et techniques pour enfin mettre en place la ROSP des endocrinologues, spécialité clinique sinistrée au niveau de ses honoraires. Sans beaucoup de résultats non plus malheureusement, comme nous l’avons vu.
L’avenant 5 : là aussi quasiment 9 mois de réunions et de propositions avec l’irremplaçable Dr Olivier PETIT, référent FMF des questions de protection sociale, pour faire comprendre à la CNAM (et aux autres syndicats) la problématique de la compensation de la hausse de la CSG pour les praticiens Secteur I ! et aboutir à l’avenant 5, qui, s’il n’est pas parfait, permet au moins la neutralisation mathématique pour les praticiens secteur I de cette hausse, à défaut de la rétrocession intégrale des économies réalisées par la CNAM à cette occasion, écornant ainsi un peu plus le contrat conventionnel.
L’avenant 6 est un fourre-tout, avec les deux sujets principaux que constituent la vraie mise en place de la télémédecine et le toilettage de la ROSP et surtout du mode de calcul des indicateurs cible, qui a permis de sortir de la nécessité d’utilisation de la clause de sauvegarde, mais qui bien souvent n’a pas été bien compris par les médecins.
L’avenant 7 est le premier avenant non signé par la FMF, mais il est quand même validé par le vote des autres syndicats. Au menu de cet autre avenant fourre-tout il faut noter surtout la mise en place des assistants médicaux, dans des conditions réglementaires kafkaïennes, et la suppression à partir de 2022 du Forfait Structure pour les médecins qui auront le malheur de ne pas vouloir rentrer dans le cadre contraint de l’exercice coordonné tel qu’il est conçu par la CNAM.
L’avenant 8 mélange allègrement la télémédecine, les assistants médicaux, les soins dentaires et des modifications techniques liées à la fusion de la CMU et de l’ACS dans la nouvelle Couverture Santé Solidaire (C2S)
Et l’avenant 9 ? il n’est pas encore négocié mais est sur les rails. Le maître mot de cet avenant sera la coordination.
A la sauce des tutelles évidemment. Et la place de la négociation sera très réduite puisque le contenu de cet avenant est déjà très précisément défini par la lettre de cadrage du Ministre Olivier Veran et les revalorisations tarifaires … inexistantes. A la lecture de cette lettre de cadrage, on a nettement l’impression que l’avenant 9 est déjà écrit et n’attend plus que la signature des syndicats en bas à droite.
Les bonnes résolutions avortées
Sur demande de la FMF des commissions mixtes paritaires de conciliation ont été mises en place dans 10 départements-test, pour essayer de trouver des solutions consensuelles en cas de risque de procédures conventionnelles, pour justement ne pas en arriver aux procédures conventionnelles. Avec d’excellents résultats et à la satisfaction de tous.
Ces commissions de conciliation devaient être généralisées.
Las, cette promesse s’est perdue, et nous attendons toujours sa concrétisation.
Les négociations « hors convention »
Retraites
Evidemment LE gros morceau de l’année 2019, avec encore un très gros travail du Dr Olivier Petit, qui arrive à clarifier les brouillards dans lesquels le haut Commissaire essaie de nous perdre.
En point d’orgue la manifestation du 16 septembre, en lien avec Le Bloc et l’UFML, et le collectif SOS-retraite, qui a permis de faire suspendre le décret inique confiant à l’ACOSS le recouvrement des cotisations des libéraux, avant même la mise en place de la réforme des retraites.
L’ACI MSP
L’ACI MSP remplace avantageusement, malgré ses défauts, le règlement arbitral auquel il succède. Il permet aux structures organisées en MSP ou en PSLA qui le souhaitent de toucher l’argent correspondant aux Nouveaux Modes de Rémunération, pour des missions de coordination et de santé publique.
Mais la FMF déplore la lourdeur admnistrative du dispositif et les contrôles tâtillons des ARS et des CPAM qui n’aident pas à son déploiement optimal.
L’ACI CPTS
L’ACI CPTS, c’est la même chose, mais à l’échelon d’une CPTS, donc d’un territoire de santé. Tout comme l’avenant 7 il a fait l’objet d’une campagne interne et d’un vote, qui a aboutit au rejet du texte, en raison des contraintes beaucoup trop importantes pesants sur les seuls médecins et plus particulièrement sur les généralistes.
Comme l’avenant 7 il a toutefois été validé par la signature de MGF, de la CSMF et du SML, et sera donc appliqué, y compris dans les CPTS fondées à l’initiative de membres de la FMF, si toutefois elles le souhaitent et remplissent le cahier des charges.
Répétons une fois de plus que la FMF n’est pas contre les CPTS, mais contre l’ACI… et regrette d’être exclue des commissions paritaires sous prétexte de cette non-signature, ce qui est un non-sens total.
Un premier avenant a déjà été négocié, mais est en attente de validation.
La compensation de la baisse d’activité de la période de confinement.
La négociation de cette compensation a été emblématique des négociations vues de la CNAM. A aucun moment les syndicats n’ont eu l’impression d’être écoutés.
Au contraire
- La CNAM a décidé des modalités (compensation partielle des charges)
- La CNAM a décidé du taux de charge moyen de chaque spécialité, sans s’occuper des éléments divergents des siens que nous lui avons fournis
- La CNAM a décidé du taux de compensation en fonction de l’activité résiduelle pendant le confinement
En pratique la CNAM a imposé cette compensation partielle des charges (pendant que la Féderation de l’Hospitalisation Privée, avec peut-être plus de poids que les libéraux, obtenait une compensation totale de la perte de chiffre d’affaire) et a juste consenti du bout des lèvres à étudier le cas des remplaçants … qui attendent encore que ce soit mis en place dans la réalité.
La négociation qu’on n’a pas eu …
Le 1er mars 2019 les modalités des examens obligatoires des enfants ont évolué. 3 ont été rajoutés entre 6 et 16 ans, avec des modalités médicalement intéressantes … mais un cahier des charges lourd, et aucune revalorisation tarifaire. Cette dernière devait être mise à l’odre du jour d’un avenant conventionnel, pour pouvoir les coter COE en tant qu’examen à haute valeur de santé publique.
La promesse de la CNAM a disparu dans les méandres de l’administration. Ce qui fait que les examens obligatoires des plus de 6 ans ne seront jamais faits, faute de reconnaissance réelle.
Au final, qu’en retenir ? et que proposer pour la prochaine convention ?
La convention 2016 n’a pas tenu ses promesses, ni du point de vue de la réévaluation des rémunérations, ni du point de vue des relations conventionnelles, ni du point de vue des négociations, conventionnelles ou extra-conventionnelles.
Et surtout, le plus grand reproche qu’on puisse lui faire, c’est d’être extraordinairement compliquée, et donc inapplicable pour une grande majorité des médecins.
Il est probable que la prochaine convention attende 2022 pour être négociée, soit avec au moins un an de retard … année pendant laquelle évidemment aucune revalorisation n’interviendra puisque nos tarifs sont « gravés dans le marbre » pour toute la durée de la convention actuelle.
Le Ségur de la Santé a mis sur la table 7 milliards d’euros pour l’hôpital dont le rôle est certes fondamental, mais qui ne prend en charge que neuf pour mille des pathologies (c’est le carré de White …), et même un pour mille pour les CHU.
Il ne serait que justice qu’une somme équivalente soit mise sur la table pour la médecine libérale, moitié pour les généralistes et moitié pour les spécialistes.
Le rôle des syndicats et donc de la FMF est de faire des propositions pour mettre en pratique cette revendication tarifaire globale :
- Quelle part pour les actes et les forfaits ?
- Quelles pistes pour le simplification ?
- Quelles possibilités pour les honoraires « libres » ?
- Quel avenir pour les dispositifs de maîtrises que sont l’OPTAM et l’OPTAM-CO ?
- Quelle place pour une indexation sur l’inflation ?
- Quelle place pour un intéressement à la prescription de produits moins onéreux ?
- Quelle place pour une renégociation d’avantages conventionnels dignes de ce nom ?
Quelles concessions les médecins sont-ils prêts à faire ?
- Soins non programmés ?
- Tiers payant ?
- Restrictions sur l’installation ?
- Coordination ?
- Obligation de formation ?
Nous pouvons évidemment proposer des pistes :
- Il n’y a pas que des consultations complexes, mais aussi des patients complexes. Les patients âgés, polypathologiques, en difficulté sociale, sont beaucoup plus difficile à prendre en charge. Pourquoi pas un forfait MT par ALD ? un forfait MT réévalué pour les patients bénéficiant de la C2S ? Pour les nourrissons ?
- Toutes les consultations obligatoires des enfants méritent une vraie cotation ;
- L’acte de base lui-même est nettement sous-évalué si on veut arriver à la moyenne annuelle des rémunérations européennes ;
- Le dipositif des assistants médicaux est nettement sous-dimensionné et ne correspond pas aux attentes des médecins ;
- Le télésoin par téléphone doit être créé ;
- L’alimentation du DMP doit aussi être valorisée à la hauteur du service rendu ;
- L’assurance accident de travail pourrait être incluse sans surcoût dans la protection sociale des médecins libéraux.
- Les IJ (indemnités journalières) pourraient revenir à la CNAM et démarrer à J3 comme pour les salariés, au lieu dêtre de la responsabilité de la CARMF à partir de J91.
Il appartiendra à l’Assemblée Générale de la FMF de débattre de ce sujet et de faire ses propositions, démocratiquement. Un adhérent, une voix, c’est une réalité chez nous, pas juste un slogan de campagne.
La FMF remercie Jean Margaritora pour la mise à disposition de son interprétation du célèbre tableau d’Edvar Munch : « Le Cri ».