Sans surprise (malheureusement) les préfets et les ARS continuent à réquisitionner « sauvagement » les médecins généralistes pour la PDSA.
Nous avons des remontées dans les Côtes d’Armor, le Morbihan, en Corrèze, en Haute-Vienne, en Dordogne. Dans ce dernier département, les médecins ont reçu le message suivant :
Un des derniers épisodes dans les Côtes d’Armor montre la brutalité de la procédure :
- Appel du CDAM à 14 h le vendredi pour le dimanche 8 h comme effecteur mobile
- puis fax du SAMU pour confirmer
- et enfin les policiers en tenue et gilet pare-balle débarquent au cabinet pour notifier la réquisition en main propre
Evidemment personne ne s’est posé la question de savoir si un médecin ayant déjà effectué 50 heures de travail dans sa semaine peut enchaîner une garde de dimanche puis une nouvelle semaine de travail ; s’il n’est pas malade ; s’il n’a pas prévu de partir en vacances, en week-end, ou d’aller voir sa mère âgée ; s’il a une solution de garde pour ses enfants ; si même il a une voiture ou le permis de conduire (ce n’est pas obligatoire pour être médecin).
Et toujours cette anomalie flagrante de réquisition en référence à l’article L2215-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), alors que le trouble à l’ordre public n’est absolument pas avéré. Et la réquisition se limite à la réquisition du médecin. Rien par rapport à son matériel ni à son véhicule, qui donc devraient en bonne logique être fournis par l’autorité requérante.
Et rien non plus sur la manière dont cette réquisition sera indemnisée. En fait même quand on pose la question personne ne sait. En fait le médecin sera payé sur le budget de la PDSA, à 180 € pour une astreinte de 12 h, et pour les actes qu’il effectuera. C’est donc totalement gratuit pour l’autorité requérante, bonne affaire !
Mais ce qui est le plus intéressant, c’est la suite.
Le médecin réquisitionné reçoit, par SMS, la liste de ses missions et du matériel obligatoire.
Une notion importante c’est que « L’application des directives listées sur ce document ne se conçoit qu’après élimination d’une urgence, justiciable de l’AMU par le médecin régulateur. Au moindre doute, une telle affaire doit être basculée vers le régulateur hospitalier. » Pourquoi donc exiger que le médecin effecteur se promène avec une pharmacie comprenant de la morphine injectable, des stylos Anapen® (dont l’indication est « choc anaphylactique », donc qui devrait déclencher l’envoi du SAMU, un BAVU (Ballon Autoremplisseur à Valve Unidirectionnelle, même remarque que pour l’Anapen), des injectables. La procédure de la PDSA est que le médecin effectue sa consultation, et fait sa prescription, qui est délivrée par la pharmacie de garde. Comme en semaine. Se faire le fournisseur des patients n’obéit qu’à une logique consumériste. Surtout quand on y voit des produits aussi indispensables que le Tanganil®, dont le Service Médical Rendu est tout juste modéré.
Quant aux sutures, il y a beaucoup de médecins dont la dernière suture remonte à … des années. Qui n’ont donc pas de kits de suture. Ou n’osent plus suturer. Surtout qu’on remarquera que la liste du matériel ne comprend pas d’anesthésique, et qu’on est donc censé suturer « à vif ». Ou alors sous morphine ?
Deux autres points : si le médecin n’a pas tout ce matériel « indispensable », comment se le procure-t-il un vendredi soir pour le dimanche matin ? Et qui paye ? Les deux boîtes d’Anapen® obligatoires coûtent la bagatelle de 125 € (et se périment très vite), un BVU à usage unique 30 à 40 €, un BAVU réutilisable 250 € … quand l’astreinte de garde de 12 h se monte royalement à 180 €. Faut-il donc travailler à perte ?
Et enfin la liste des missions :
- On envoie l’effecteur mobile quand la situation sociale du patient ne lui permet pas de se déplacer ! mais le SAMU devrait peut-être relire l’arrêté du 11/07/2022 qui précise :
Jusqu’au 30 septembre 2022 inclus, par dérogation au 4° de l’article R. 6311-2 du code de la santé publique et à l’article R. 322-10 du code de la sécurité sociale, les services d’aide médicale urgente et les services d’accès aux soins peuvent organiser le transport vers tout cabinet médical, centre de santé, maison de santé pluriprofessionnelle ou maison médicale de garde en faisant appel à une ambulance, un véhicule sanitaire léger ou une entreprise de taxi
- Il est prévu d’envoyer l’effecteur mobile sur des actes administratifs !
- L’effecteur mobile doit savoir suturer et avoir le matériel nécessaire
- Le contre-appel pour rendre compte est obligatoire et contractuel.
Tout ceci semble établir de façon claire qu’il y a là un lien de subordination entre la médecin effecteur mobile et le SAMU qui impose ses directives et sa manière de faire. On peut donc argumenter que la mission n’est plus de la PDSA libérale, mais pourrait être requalifiée en salariat déguisé. Mais sans aucun des avantages du salariat : couverture assurantielle, limitation des horaires, rémunération garantie.
Et au-delà de toutes ces interessantes considérations, c’est envoyer un très mauvais message aux médecins non installés, totalement contre-productif quant à une éventuelle installation.
À l’heure où la démographie médicale est en berne, où la priorité devrait être de rendre l’exercice libéral attractif, il n’est question que d’obligation (s) et de coercition.
Si j’étais aujourd’hui un jeune médecin fraîchement thésé, je ne m’installerais surtout pas en libéral, alors que les possibilités d’exercice sont multiples.