La Commission des Pénalités Financières (CPF), c’est le passage obligé des procédures de Mise Sous Accord Préalable (MSAP) lorsque les médecins n’ont pas eux-mêmes validé leur culpabilité dans la prescription d’arrêts de travail en acceptant une MSO ! Cela pose d’ailleurs problème quant à leur indépendance professionnelle (art 4127-5 du code de la santé publique).
Aussi la FMF a déposé un recours en annulation des art R148-1 et suivants (introduisant la MSO) auprès de la Première Ministre et du Ministre de la santé le 27 octobre 2023. Sans réponse sous un délai de 2 mois (27/12/2023) il reviendra au Conseil d’État de se prononcer sur cette opposition entre deux textes réglementaires.
La CPF n’est pas une commission conventionnelle, elle est composée de deux sections de 5 membres, une section sociale (représentants du conseil de la CPAM), et une section professionnelle (représentants des syndicats professionnels désignés en Commission Paritaire Locale). La CPF ne peut valablement siéger qu’en présence d’un quorum de 6 membres. La CPAM assure le secrétariat de la commission
Conformément aux art. L162-1-15, L114-17-2 et R148-7 du code de la sécurité sociale, la CPF doit rendre un avis sur la nécessité d’une MSAP et sa durée qui ne peut excéder 6 mois. Cet avis n’est que consultatif et le directeur peut décider ne pas le suivre.
La CPF a aussi pour mission de décider du montant de la pénalité infligée au médecin ayant accepté une MSO et n’ayant pas atteint l’objectif fixé. Le montant maximum est de 2 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 7 332 € en 2023.
Le nom de la commission où apparaît le terme « pénalités » et cette dualité de fonctions sont particulièrement gênants pour l’assurance maladie qui veut promouvoir la MSO, moins chronophage pour elle, la qualifiant volontiers « d’accompagnement », à tel point que sur mon département une commission convoquée au mois de juin 2023 avait été rebaptisée « commission de MSAP », en lieu et place de « commission des pénalités financières » J
Pourtant la réalité montre que l’article L114-17-2 se situe au niveau du chapitre « contrôle et lutte contre la fraude » du code de la sécurité sociale !
Tout au long de l’été la Cellule Juridique (CJ) de la FMF a accompagné en visio conférence de très nombreux confrères dans la plupart des départements devant les CPF. La nouveauté pour la campagne 2022/2023 était l’apparition du critère nombre d’IJ/patients actifs, sauf qu’il ne fait pas partie du texte que la CNAM entend opposer aux médecins (L162-1-115) !
L’accueil et la tenue des débats avec la section sociale étaient département dépendant. Nous avons tout vu et tout entendu, des propos à la limite de la courtoisie aux silences gênés devant des consœurs et confrères « craquant » en direct sous la pression émotionnelle. Plus ils sont investis et consciencieux et plus ils sont affectés par ce qui s’apparente à du harcèlement.
Manifestement pour les syndicats patronaux MEDEF, CGPME, les médecins sont à priori coupables d’arrêter leurs salariés et ils doivent être punis pour cela !
Plus étonnant, lorsque ce représentant du patronat agressif est aussi membre de l’UNAPL censée défendre les libéraux que sont aussi les médecins !
Plus étonnant quand les syndicats de travailleurs, voire même les associations de patients se rangent du côté des organisations patronales ? Comment ne se rendent-ils pas compte qu’ils « se tirent une balle dans le pied » et qu’au travers des médecins ce sont eux malades, travailleurs qui sont visés ?
Tous nous parlent de sécurité sociale solidaire et de sa pérennité, mais comment peuvent-ils imaginer que les Médecins Généralistes (MG) comme les autres professionnels de santé du premier recours n’en sont pas conscients ?
Qui mieux que le MG sait que nous sommes tous des malades en puissance ?
Qui mieux que ces professionnels de santé n’est au contact de la souffrance, de la maladie, de l’isolement et des problèmes sociaux ?
Ont-ils la moindre idée du rôle social des MG, des Infirmiers (IDE)… et me revient en mémoire ces TV réglées, ces ampoules changées, ces appels téléphoniques non médicaux, l’aide aux courriers, à la rédaction du chèque pour l’EDF …
Ont-ils conscience qu’ils sont en train de détruire cela en dissuadant les jeunes de l’exercice en libéral et en poussant les plus anciens encore en cumul emploi-retraite vers la l’arrêt total de l’activité ?
Sont-ils conscients que la gestion des IJ fait appel à de nombreux acteurs même si c’est le médecin qui signe la prescription d’arrêt !
Que MG n’a pas de « baguette magique » pour résoudre les problèmes où les autres acteurs sont impuissants : service médical, médecine du travail et leurs problèmes de démographie, employeurs (ETS toxiques), médecine de second recours et ses délais (ARS et autorisations)… Mais le législateur n’a prévu qu’eux SEULS soient pénalisés !
Peuvent-ils imaginer à quel point cette campagne a déstabilisé les MG ?
Se rendent-ils compte du problème de timing, la campagne MSO/MSAP 2022/2023 a démarré juste après que le directeur ait demandé aux MG de prendre en file active des patients en affection Longue Durée (ALD) sans Médecin Traitant (MT) !
La fin de campagne de ces CPF a été marquée par l’absence de quorum dans un département du Nord empêchant la tenue de la commission, et le refus de la visio conférence pour la CPF de la CPAM de la Gironde, manifestement la CJ de la FMF gênait voire était vécue comme hostile !
Et des directeurs de CPAM passant outre l’avis des CPF, se sentant « obligés » de remonter quelques MSAP au national avec je dois dire ma région qui se distingue notamment sur la Loire avec je crois 100% de MSAP contre l’avis de la CPF, et l’Isère qui envoie en MSAP 15 médecins sur 25 ciblés, 60% !
Ce « tour de France » des CPF a bien mis en lumière l’incapacité du service médical de l’assurance maladie, faute d’effectifs, à remplir sa tâche de contrôle médical qui se reporte alors sur le médecin traitant. Aussi je m’interroge sur sa capacité à valider demain un à un les arrêts de travail des médecins placés sous MSAP ! Dans l’expérience passée de la CJ, 99% des arrêts sont validés ce qui en est bien la preuve.
L’analyse et le ressenti de la CJ de la FMF montre que le ciblage de la CNAM n’a retenu que des MG ayant une activité atypique. Mais est-ce pourtant délictuel ? Ce qui compte n’est-il pas que l’arrêt soit médicalement justifié ?
Cela la statistique a du mal à le traduire, et à titre personnel je persiste à penser que l’art. L162-1-15 et son « activité comparable » sont inapplicables en l’état car mal écrits. Comparer avec efficience l’activité des médecins est une « mission impossible » à fortiori à partir d’une requête statistique !
Alors tout ça pour ça ?
Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, CELLULE JURIDIQUE FMF
Les textes législatifs:
L162-1-15: https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000046811311/2023-10-04
L114-17-2: https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000046803642
R148-7: https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037262097