En Commission Paritaire Régionale (CPR) Auvergne Rhône-Alpes a été évoqué une nouvelle campagne de « sensibilisation » des médecins gros prescripteurs d’indemnités journalières (IJ). La crise sanitaire n’est pourtant pas encore terminée, et la croissance des IJ dans notre région se situe aux alentours de 5,8% contre 9,1% au national !
Cette action devrait mettre à contribution nos confrères du service médical qui rencontreront dans le cadre d’entretiens dits « confraternels » ces médecins pour évoquer quelques cas de patients en arrêt de longue durée.
En séance un confrère a posé une intéressante question concernant le secret médical, son partage, les missions de contrôle de l’assurance maladie, et la sollicitation en aval du patient. Une réponse bien succincte a été donnée en CPR par le service médical que j’ai complétée rappelant la complexité de l’arsenal juridique du droit français avec une analyse qui est beaucoup plus complexe qu’il n’y parait de prime abord.
La service médical a évoqué l’art 315 du code de la sécurité sociale, le « secret partagé » et de mon côté j’ai rappelé le code de déontologie médicale (art 50) repris dans le code de la santé publique (art. R.4127-50).
Le « secret partagé » au sens juridique, concerne selon moi plus l’équipe de soins (les professionnels qui concourent aux soins d’un patient), que la médecine de contrôle : le secret peut être partagé entre les membres des professions de santé, si le patient est pris en charge par une équipe de soins, par exemple dans un établissement de santé, dans une maison de santé pluridisciplinaire ou par une structure territoriale (CPTS, réseau ou équipe de soins primaires à domicile).
La notion de « secret partagé », inscrite par nécessité dans le quotidien médical en particulier dans les établissements de santé, est consacrée par la loi dites Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, codifiée à l’article L. 1110-4 al. 3 du code de la santé publique :
« Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d’assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe » . La conjonction de deux conditions autorise donc le secret partagé :
- La communication des informations a pour but la continuité des soins ou la recherche de la meilleure prise en charge thérapeutique possible, (NDLR, notez qu’il s’agit bien d’une phase de soins et non de contrôle)
- l’accord du patient. « La personne, dûment informée, peut refuser à tout moment que soient communiquées des informations la concernant à un ou plusieurs professionnels de santé » .
Je propose ci-dessous un rappel des textes traitant du sujet, avec quelques commentaires personnels :
1) La Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (1)
Article 3
Art. L. 1110-4. – Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
« Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tout professionnel de santé, ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.
« Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d’assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe. »
Article 6
NDLR : il concerne le service médical en complétant l’art 315-1 d’un point V :
L’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale est complété par un V ainsi rédigé :
« V. – Les praticiens-conseils du service du contrôle médical et les personnes placées sous leur autorité n’ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l’exercice de leur mission, dans le respect du secret médical. »
Article 7
NDLR : il concerne l’ARS :
L’article L. 1414-4 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les médecins experts de l’agence n’ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l’exercice de leur mission d’accréditation lors de leur visite sur les lieux, dans le respect du secret médical »
Article 8
NDLR : il concerne l’IGAS :
Après le deuxième alinéa du III de l’article 42 de la loi no 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres de l’Inspection générale des affaires sociales titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre permettant l’exercice en France de la profession de médecin n’ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l’exercice de leur mission lors de leur visite sur les lieux, dans le respect du secret médical. »
Section 3
NDLR : concerne l’ONIAM :
« Dans le cadre de sa mission, le collège d’experts ou l’expert peut effectuer toute investigation et demander aux parties et aux tiers la communication de tout document sans que puisse lui être opposé le secret médical ou professionnel, s’agissant de professionnels de santé ou de personnels d’établissements, de services de santé ou d’autres organismes visés à l’article L. 1142-1. Les experts qui ont à connaître ces documents sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »
2) L’Article L315-1
Modifié par LOI n°2009-1646 du 24 décembre 2009 – art. 90
J’en parlais plus haut, la Loi de 2002 a rajouté le point V consacré au service médical, notez que l’at L315-1 concerne l’analyse d’activité c’est-à-dire une phase quasi pré contentieuse :
« I.-Le contrôle médical porte sur tous les éléments d’ordre médical qui commandent l’attribution et le service de l’ensemble des prestations de l’assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l’action sociale et des familles.
II.-Le service du contrôle médical constate les abus en matière de soins, de prescription d’arrêt de travail et d’application de la tarification des actes et autres prestations…
IV.-Il procède également à l’analyse, sur le plan médical, de l’activité des professionnels de santé dispensant des soins aux bénéficiaires de l’assurance maladie, de l’aide médicale de l’Etat ou de la prise en charge des soins urgents mentionnée à l’article L. 254-1 du code de l’action sociale et des familles, notamment au regard des règles définies par les conventions qui régissent leurs relations avec les organismes d’assurance maladie ou, en ce qui concerne les médecins, du règlement mentionné à l’article L. 162-14-2. La procédure d’analyse de l’activité se déroule dans le respect des droits de la défense selon des conditions définies par décret.
V.-Les praticiens-conseils du service du contrôle médical et les personnes placées sous leur autorité n’ont accès aux données de santé à caractère personnel que si elles sont strictement nécessaires à l’exercice de leur mission, dans le respect du secret médical. »
3) L’Article 50 (article R.4127-50 du code de la santé publique)
Les points importants :
- Le médecin autorise « sauf opposition du patient »
- et les renseignements médicaux « strictement indispensables »
« Le médecin doit, sans cèder à aucune demande abusive, faciliter l’obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit. A cette fin, il est autorisé, sauf opposition du patient, à communiquer au médecin-conseil nommément désigné de l’organisme de sécurité sociale dont il dépend, ou à un autre médecin relevant d’un organisme public décidant de l’attribution d’avantages sociaux, les renseignements médicaux strictement indispensables ».
Il ressort de ces différents textes 2 notions :
- Le patient peut s’opposer à la communication de renseignements médicaux le concernant.
- Ne peuvent être communiqués par le médecin traitant que les « renseignements médicaux strictement nécessaires ou indispensables » à la mission des divers confrères en charge de contrôles d’indemnisations ou d’analyses dans le cadre de la santé publique.
Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, Lyon 3è, Cellule Juridique FMF