Réforme de l’assiette des cotisations sociales

L’article 18 de la LFSS 2024 (adoptée je le rappelle par la procédure 49.3, donc sans débat) introduit une profonde réforme de l’assiette des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants, et en particulier les médecins.

Les conséquences pour eux seront toutefois différentes selon d’une part le BNC (Bénéfice Non Commercial) annuel, et d’autre part le secteur conventionnel auxquels ils appartiennent.

En quoi consiste donc cette réforme ?

Petit rappel : la CSG et le CRDS ne sont pas comptabilisés dans les cotisations sociales mais dans les impôts !

Actuellement les cotisations sociales sont calculées sur le BNC (majoré des exonérations fiscales et des réductions d’impôts chèques-vacances), et la CSG et le RDS sur cette même base majorée des cotisations sociales, ce qui les augmente nettement.

A partir des revenus 2025, l’assiette des cotisations sera unifiée et simplifiée.

Elle sera calculée sur le BNC majoré des cotisations sociales et de la CSG déductible, auquel on applique un abattement de 26% qui ne peut toutefois pas dépasser  1,3 PASS (soit 60278 € en 2024). Ce qui pénalisera les très hauts revenus, puisqu’au-delà d’un BNC de 231840 €, l’abattement est plafonné, quel que soit le montant réel des cotisations sociales.

Petit calcul pour bien comprendre :

Actuellement un médecin secteur I avec un BNC de 80000 € paye environ 16000 € de cotisations sociales (dont 15000 pour la CARMF). Il paye donc sa CSG et son CRDS sur une base de 96000 €. Rappelons aussi que 30% du total CSG-CRDS n’est pas déductible ! CSG-CRDS se montent à 9500 €, donc le total avec les cotisations sociales fait 25500 €.
Nous payons donc des impôts sur une partie de la CSG et de la CSG sur les cotisations sociales !
Avec la réforme, la nouvelle assiette de prélèvement se montera à 103500 € x 74% soit 76500 €. Les cotisations sociales (au taux actuel) seraient de 15400 € dont 14600 € pour la CARMF et 800 € pour l’URSSAF, et la CSG-CRDS de « seulement » 7400 €, soit un total de 22800 € et une économie de 2700 €.
Si les taux ne changent pas mais j’y reviendrai tout à l’heure.

Le même médecin avec un BNC de 80000 € mais en secteur 2 paye lui 30000 € de cotisations sociales, donc 22000 € de CARMF et 8000 € d’URSSAF, plus 10800 € de CSG-CRDS, donc au total 40800 €.
Avec la réforme il a une assiette globale de 117500 € x 74 % soit 87000 €.
Ses cotisations sociales se monteraient alors à 22900 € de CARMF et 9000 € d’URSSAF (logique puisque son assiette augmente de presque 9%)
Par contre la CSG-CRDS ne représente plus que 8500 €, donc un total de 40400 € et un gain  quasi-nul.

Et pour un médecin Secteur I avec une partie d’activité non conventionnelle ? C’est très compliqué, et il faut voir au cas par cas.

Sauf que rien ne nous assure que les taux resteront inchangés ! Pour la CSG-CRDS on peut penser qu’ils ne changeront pas, puisque ce ce sont les même taux pour tous les revenus du travail.
Mais pour la cotisation assurance maladie ça va changer.
Pour les médecins secteur I l’impact sera très limité, puisque conventionnellement leur « reste à charge » assurance maladie est de 0,1 % quel que soit le taux réel (nous en avons payé le prix lors de la baisse de ce taux de 9,7 à 6,5 % en 2016, mais en cas de hausse ça nous protègerait), et que la CNAM prend en partie  en charge la cotisation CAF.
Par contre les secteur II subiront totalement la hausse de ces taux, alors que leur assiette augmente déjà.

Les modifications prévues par l’URSSAF sont celles-ci :

Les taux actuels sont ceux de la colonne PL/NSA : en gros retenez 6,5%, les médecins avec un BNC inférieur à 1,1 PASS sont rares.

On passe à un taux progressif, les taux de passage sont indiqués, et entre les 2 bornes c’est une profession linéaire. Le taux final s’applique à la totalité de l’assiette (pas de calcul par tranche comme pour les impôts).

Pour une assiette de 87000 € d’un BNC de 80000 € d’un secteur 2, soit 1,9 PASS, le taux AM nouvelle formule devient 7,56 % au lieu de 6,5%, donc 1,06% de prélèvement supplémentaire, soit 920 € de cotisations supplémentaires URSSAF (10% d’URSSAF en plus, 5,5 % si on prend le total URSSAF + CSG-CRDS).

Et pour la CARMF, il est spécifiquement prévu par la DSS une augmentation de 1,7 % des taux, à distribuer entre le régime complémentaire et l’ASV. Plus l’augmentation portera sur l’ASV, moins les secteur I la subiront puisque la CNAM paye 2/3 de cette cotisation. Mais la CARMF préfèrerait augmenter le régime complémentaire pour augmenter les réserves.

De fait les projections actuelles de la CARMF montrent une baisse des cotisations Secteur I de 2 à 5 % contre une augmentation de 5 % pour les Secteur II, comme le montre ce graphique des hypothèses  actuelles  (qui peuvent encore changer et sont soumises à arbitrage).

Au total : 

  • Le calcul sera plus facile et (j’espère) la DS PAMC aussi. Mais il faudra faire extrêmement attention en  2025 et 2026 aux calculs des cotisations prévisionnelles et des régularisations 2023 et 2024, puisque les modes de calcul seront différents ;
  • La quasi-totalité des médecins secteur I va se retrouver gagnante (sauf les très hauts revenus) ;
  • La quasi-totalité des médecins secteur II va y perdre et donc payer environ 5% de cotisations sociales supplémentaires ;
  • L’écart entre les médecins secteur I et II augmente donc nettement ;
  • Accessoirement (mais pas tant que ça), 2024 est la dernière année pour racheter des trimestres CARMF de régime de base et/ou de régime complémentaire avec un effet sur les cotisations réelles. A partir de l’an prochain la réduction forfaitaire gomme une grande partie de l’avantage financier.

 

Je remercie la CARMF qui m’a fourni les éléments nécessaires à la rédaction de cet article.