Au décours des publications d’AmeliActu, on découvre des pépites qui valent leur pesant de cacahuètes.
Dans le numéro de juin 2019, on trouve cet encart sur la coordination des soins :
Le volet de synthèse médicale, élément clé de la prise en charge coordonnée
Le volet de synthèse médicale (VSM), résumé du parcours de soins des patients, constitue un outil essentiel à la coordination des professionnels de santé. Il peut être généré en un clic à partir des informations entrées dans le logiciel métier du praticien. Le médecin traitant y partage les éléments clés qui permettent à l’ensemble des professionnels de santé de mieux prendre en charge les patients.
Alors non AmeliActu, le VSM ne se génère pas d’un clic dans le logiciel métier. Un logiciel ne peut ressortir que ce qui a été patiemment entré, de façon réfléchie et structurée afin de pouvoir facilement le retrouver.
Les logiciels qui proposent cette fonction se comptent (au mieux) sur les doigts d’une main. Évidemment les éditeurs ne demanderont pas mieux que de la développer, contre paiement par les médecins-clients ; mais ils se heurteront rapidement au fait que chaque médecin a SA manière de collecter, retranscrire et ranger l’information, ce qui rend le développement de l’outil éminemment complexe.
Il est effectivement possible pour quelques médecins un peu geeks et un peu fous de programmer une telle fonction dans leur logiciel … mais au prix d’une réflexion préalable longue et importante, et d’un travail de structuration également long et important.
Là où nous sommes d’accord, c’est sur la valeur médicale du VSM. Ameli le développe d’ailleurs longuement sur son site en plaidant pour que les médecins traitants intègrent ce VSM dans le DMP. Le VSM est effectivement la pierre angulaire du DMP et son intérêt médical et sa valeur ajoutée médicale sont évidents. Malheureusement, contrairement à ce que croit la CNAM, l’intérêt pour la coordination est fortement réduit, les services d’urgences n’étant pas configurés pour consulter le DMP ! Et le point de désaccord le plus évident c’est la rémunération de ce travail. Pour la CNAM l’alimentation du DMP est indemnisée par le Forfait Patientèle Médecin Traitant (FPMT) :
Depuis le 1er janvier 2018, le forfait patientèle médecin traitant (« FPMT »), défini à l’article 15.4.1 de la convention nationale des médecins, se substitue aux différentes rémunérations forfaitaires qui vous étaient versées jusqu’à présent pour le suivi de vos patients, en votre qualité de médecin traitant (MPA, FMT, RMT), ainsi qu’à la valorisation prévue pour l’établissement du « volet de synthèse médicale » de vos patients, qui était incluse dans la Rosp.
Outre le fait que le FPMT recouvre d’autres missions que l’établissement du VSM, sa valeur est totalement insuffisante pour ce travail, puisqu’elle ne correspond qu’à 4 minutes de temps médecin par an. L’URPS AURA a pour sa part évalué le coût du VSM à 70 €, soit celui d’une visite longue, et un médecin de la FMF a évalué le temps nécessaire à l’alimentation du DMP de ses 1450 patients à 2 mois 1/2 à raison de 52 heures par semaine … temps pendant lequel lui ne sera pas rémunéré et ses patients ne seront pas pris en charge. Les médecins sont-ils faits pour soigner leurs patients ou remplir des dossiers informatisés ? La réponse semble assez évidente. Historiquement le VSM est l’héritier de la consultation approfondie.
Cotée 26€ à son origine en 2002 pour une consultation dédiée alors que le C était à 20 €, elle n’a jamais été revalorisée quand le tarif de la consultation est passé à 22, puis 23, puis 25 €. Puis elle a été purement et simplement supprimée à la mise en place de la dernière convention.
Alimenter le DMP est une tâche chronophage (rien que le temps nécessaire à paramétrer les autorisations initiales est conséquent), donc à l’opposé de l’objectif de « rendre du temps médical aux médecins » affiché par l’Avenant 7 et la mise en place des assistants médicaux. Surtout que de nombreux médecins ne disposent encore pas à l’heure actuelle de logiciel DMP-compatible …
Rappelons que travailler plus de 10 h par jour plus de 50 jours par an augmente de 29% le risque d’AVC … et qu’il faut que les médecins prennent aussi soin d’eux-mêmes. A l’heure actuelle, il n’est pas possible de remplir le DMP au fil d’une consultation. Soit on le fait à la place de cette consultation, et le patient n’est pas soigné, soit on le fait bénévolement en plus de son temps de travail, au détriment de sa santé, de sa famille, de ses loisirs, bref de sa vie.
Pourtant on découvre aussi que l’alimentation du DMP est une obligation légale prévue à l’article L1111-15 du Code de la Santé Publique, tant pour les médecins traitants que pour les spécialistes de second recours, qui auront le plaisir de le faire gracieusement, puisqu’aucune rémunération n’est prévue pour eux, et même pour les établissements hospitaliers tant publics que privés, pourtant déjà bien en peine d’envoyer les comptes-rendus d’hospitalisation dans des délais compatibles avec la coordination des soins. Alors même qu’actuellement le DMP n’est touours pas indexable ni doté d’un outil de recheche digne de ce nom.
Le contenant du DMP a déjà coûté la bagatelle de 500 millions d’euros au bas mot pour des résultats encore très timides, 6 millions de DMP ouverts avec en moyenne 0,3 document en dehors de l’historique des remboursements, mais le DMP n’a strictement aucun intérêt s’il n’y a pas de contenu dans le contenant. La CNAM écrit elle-même que le VSM est la pièce maîtresse du DMP mais voudrait que les médecins fassent ce travail bénévolement ? Ce n’est évidemment pas acceptable.
Eu égard au coût évalué, et au travail nécessaire, la FMF réclame la création d’une Consultation Longue valorisée au moins à hauteur des consultations complexes, voire très complexes, soit 46 à 60 €, pour la première alimentation du DMP. Ce ne serait que justice, et le seul vrai moyen de faire enfin décoller l’Arlésienne du DMP.