Cela fait des années que les médecins, les syndicats et le Conseil de l’Ordre demandent au gouvernement de clarifier les choses sur les garanties assurantielles pour les praticiens participant à la permanence des soins (PDS). En vain. La FMF (Fédération des médecins de France) a donc décidé de saisir directement les ministres concernés. Elle attend une réponse pour la rentrée faute de quoi elle prévoit de durcir son action.
« Depuis 2005, nous saisissons chaque année les ministres de la Santé, de la Justice et de l’Intérieur sur la question, sans jamais obtenir de réponse claire », raconte le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, en charge de la cellule juridique à la FMF. Cette fois encore, il va tenter le coup. Sait-on jamais, l’échéance du 6 mai 2012 peut peut-être faire émerger une prise de conscience chez certains. « On veut savoir ce qu’il en est précisément pour les médecins qui s’engagent à participer à la PDS, on veut de vraies garanties assurantielles. »
Assurance personnelle
Actuellement, un médecin libéral qui participe à la PDS au titre d’une mission de service public est couvert au niveau de sa responsabilité civile professionnelle. En revanche, il expose sa personne et ses biens, ce qui veut dire que s’il est agressé, s’il a un accident de voiture et qu’il ne peut pas exercer pendant un certain temps, il n’est en aucun cas couvert par l’Etat, sauf à avoir pris une assurance personnelle auprès d’un organisme privé.
Et c’est justement ce qui pose problème. On se souvient ainsi de ce praticien de Corse du Sud qui avait été victime, en 2007, d’un grave accident sur la voie publique alors qu’il était de garde et qu’il intervenait à la demande du Centre 15. Le conseil national de l’Ordre avait dû réclamer au ministère de la Santé de prendre en charge les conséquences financières de cet accident. Aujourd’hui, l’Ordre des médecins se tourne de nouveau vers le gouvernement pour lui demander d’intervenir sur le sujet.
Charnière
Un amendement a ainsi été déposé avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, par le député du Loiret, Jean-Pierre Door, après avoir eu écho de plusieurs « exemples dramatiques d’accidents survenus lors de la permanence des soins. Cela écarte de fait du dispositif les médecins libéraux qui seraient volontaires pour y participer comme la loi l’a prévu, a expliqué l’élu devant les autres députés. Je propose, par cet amendement, que les médecins bénéficient d’une couverture assurantielle dès l’instant où ils entrent dans le système de permanence des soins. » Adopté en commission des affaires sociales de l’Assemblée, l’amendement a finalement été « retoqué » pour des raisons constitutionnelles et n’a jamais été débattu en séance.
L’Ordre
demande donc au gouvernement de « le reprendre à son compte, comme le lui permet la Constitution. Le conseil de l’Ordre des médecins sera attentif à la réponse faite à sa demande et rappelle que les médecins victimes d’accident dans le cadre de leur mission n’ont jamais été pris en charge sur le plan financier », insiste l’institution.
2012 verra-t-elle enfin ce problème pris en main par les pouvoirs publics ? « C’est une année charnière, où, si rien n’est fait, tout le système va exploser, prévient le Dr Garrigou-Grandchamp. Nous sommes dans une situation inextricable. Les médecins sont tentés de se désengager et il y a de moins en moins de volontaires pour assurer la PDS. » Il cite ainsi l’exemple d’un médecin, mère de cinq enfants, souvent réquisitionnée, qui a baissé les bras et est partie exercer à l’hôpital.
Effet boule de neige
Il y a aussi ce généraliste du Finistère qui a demandé au conseil départemental de l’Ordre de le rayer de la liste des volontaires parce qu’il n’était pas assuré lors de ses gardes. « Ça a un effet boule de neige sur les confrères qui restent, mais qui vont aussi à leur tour se désengager peu à peu. Du coup, il y a beaucoup de régions où ça coince et où les réquisitions sont légion », constate le responsable de la FMF.
Et là encore, la question de l’assurance du médecin participant à la PDS sous réquisition se pose puisque le code des Assurances indique que « la réquisition entraîne de plein droit la suspension des effets des contrats d’assurance » (article L160-7). De même, qu’en est-il pour le médecin qui prend sa garde après une journée de travail sans s’arrêter ? Sa responsabilité civile professionnelle fonctionnera-t-elle toujours alors que le code de Santé publique stipule que le médecin « ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées » ?
Tout autant de questions qui n’ont pas encore trouvé de réponses. Pessimiste, Marcel Garrigou-Grandchamp s’interroge : « Faudra-t-il attendre une affaire dramatique pour que la législation évolue ? »