Pourquoi limiter la prescription de Saxenda est une incohérence majeure dans la lutte contre l’obésité et ses complications ?

En 2024, les chiffres de l’OFÉO (Observatoire Français d’Épidémiologie de l’Obésité) sont plus alarmants que jamais : près de la moitié des adultes en France (48,7 %) sont concernés par le surpoids ou l’obésité, et 18,1 % sont en situation d’obésité, ce qui représente près de 10 millions de personnes. Cette situation est non seulement une crise de santé publique, mais aussi une bombe à retardement pour les dépenses de santé à venir.

L’obésité est bien connue pour son rôle dans le développement de nombreuses maladies chroniques. Selon la DREES en juillet 2024, 44 % des cas de diabète de type 2 sont attribuables à une surcharge pondérale.

Pour illustrer la gravité de la situation, 4,2 millions de Français sont actuellement pris en charge pour un diabète, dont 97 % pour un diabète de type 2, une maladie aux complications multiples et souvent coûteuses. Si les tendances actuelles se poursuivent, l’Insee prévoit environ 500 000 nouveaux cas de diabète de type 2 d’ici 2027. La CNAM rappelle dans Charges et Produits 2023 l’enjeu d’un diagnostic précoce du diabète, à un stade moins avancé de la maladie, avant l’apparition de complications spécifiques pour réduire le poids sanitaire et économique de la pathologie.

Le Saxenda (liraglutide) est un médicament destiné à aider les patients souffrant d’obésité ou de surpoids avec comorbidités (prédiabète, hypertension, etc.) à contrôler leur poids, en complément d’un régime hypocalorique et d’une activité physique accrue. Ce traitement n’est pas remboursé par l’assurance maladie, ce qui signifie qu’il ne représente aucun coût direct pour les finances publiques.

Pourtant, l’accès à ce médicament est restreint : seuls les spécialistes en endocrinologie, diabétologie ou nutrition peuvent initier une prescription de Saxenda, tandis que le Victoza (même molécule, liraglutide) mais indiqué pour le diabète de type 2 peut être prescrit directement par les médecins généralistes.

Avec seulement 848 endocrinologues libéraux en France en 2023, il est évident que cette restriction va créer un goulet d’étranglement  dans la prise en charge des patients souffrant d’obésité. Face à des délais d’attente souvent très longs pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, les patients risquent de voir leur situation se détériorer, augmentant ainsi le risque de développer des maladies chroniques graves comme le diabète de type 2.

Cette politique de restriction mène à des paradoxes :

  1. Des coûts de santé évitables : En empêchant les médecins généralistes de prescrire un médicament comme le Saxenda en prévention, nous augmentons le risque de complications graves associées à l’obésité, comme le diabète, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. Ces complications coûtent cher au système de santé en soins de longue durée et en hospitalisations.
  2. Une action retardée et inefficace : Les médecins généralistes sont en première ligne pour détecter et intervenir tôt auprès des patients obèses. Les priver de la possibilité d’initier un traitement comme le Saxenda revient à laisser progresser l’obésité jusqu’à ce que des maladies graves se développent, rendant les interventions futures plus lourdes et probablement moins efficaces.
  3. Une approche inadaptée à l’urgence sanitaire actuelle : Avec près de 10 millions de personnes en situation d’obésité et une prévalence du diabète qui ne cesse de croître, restreindre l’accès à des solutions de gestion de poids est un choix incohérent. Cette approche va à l’encontre des objectifs de santé publique visant à réduire les maladies chroniques et à améliorer la qualité de vie des patients.

Conclusion : Un besoin urgent de cohérence et de flexibilité dans la prise en charge de l’obésité

Cette mesure de restriction de prescription du Saxenda pour les médecins généralistes est une incohérence qui ne prend pas en compte l’urgence d’agir contre l’obésité et ses complications. Attendre que les patients développent un diabète avant de pouvoir proposer un traitement de perte de poids est absurde, surtout pour un médicament non remboursé. Cette limitation, en empêchant une intervention précoce et accessible, va à l’encontre de tout objectif de prévention et de gestion efficace des risques liés à l’obésité.

Et pour rire un peu, comparons les cartes de la prévalence de l’obésité et de la répartition des endocrinologues :

Il y a comme un hiatus…