Chers amis,
Pour une fois, je ne vous parlerai pas vaccins car rien à dire hormis que Moderna arrive dans nos cabinets, mais au compte-goutte (1 flacon de 10 doses toutes les semaines au mieux). Et que plus aucun argument scientifique ne tiendra bientôt pour nous refuser Pfizer.
Mais nous avons hélas beaucoup d’autres raisons d’être chagrins cette semaine, avec cette instruction de la Direction Générale de l’Offre de Soins (1ère sur la liste) parue le 17 mai concernant les soins non programmés.
Déjà sur la forme, le gouvernement explique que n’ayant pas pu obtenir l’accord des représentants médicaux, il utilise la voie de l’ordonnance. Idem pour la rémunération prévue, il court-circuite la procédure conventionnelle habituelle (appelée CHAP). Bon…
Sur le fond ensuite, ce texte n’est que mépris pour notre travail de clinicien. Il met en application des protocoles de prise en charge de pathologies par les para-médicaux :
- Entorse de cheville et lombalgie aiguë par le kiné
- Cystite, angine, varicelle, rhino-conjonctivite allergique saisonnière par l’infirmier ou le pharmacien
Comme si c’était si simple. 1 symptôme=1 traitement, le même pour tout le monde. Mais pourquoi diable avons-nous besoin de 10 années d’études pour être opérationnels alors que la médecine peut s’exercer à coups de protocoles écrits par des administratifs ?
Quant à la rémunération : forfait de 25 euros pour l’ensemble de l’équipe. Car ces protocoles ne peuvent se mettre en place pour le moment que dans les Maisons de santé ou les Communautés Professionnelles Territoriales de Soins (CPTS). Donc 25 euros pour le travail supplémentaire du/de la secrétaire qui doit s’enquérir du motif de consultation et proposer un RDV avec le para-médical au lieu du médecin, + pour l’acte lui-même. Et tenez-vous bien, ces 25 euros englobent également l’acte du médecin si d’aventure le soignant estime au final qu’un avis médical s’avère nécessaire. Ce qui signifie que lorsque la situation est plus complexe que prévue, le médecin est payé 0 euros ! Pour parfaire le tout, le paiement n’interviendra qu’à échéance de 6 mois. Il fallait oser quand-même. Certains diront que « c’est à ça qu’on les reconnaît »… Y aura-t-il une équipe, même une seule, qui accepte de signer de tels protocoles ?? Pour le moment ils restent optionnels. Pour le moment …
Un autre décret va intéresser les généralistes et pédiatres : celui du 18 mai qui acte la suppression du certificat de non-contre-indication au sport pour les mineurs, arguant des visites soi-disant obligatoires récemment instaurées jusqu’à l’âge de 16 ans. Le certificat reste néanmoins obligatoire si les parents ont mentionné une pathologie sur le questionnaire médical, ou lorsqu’il s’agit de sport « à contraintes particulières » (rares chez les enfants). Pourquoi pas ? Sauf qu’en pratique personne n’est au courant de ces visites, et qu’elles ne sont pas honorées à la juste valeur d’une vraie consultation de prévention comme nous le rappelle Richard Talbot.
Avec la fin de l’urgence sanitaire au 1er juin revient la suspicion permanente envers les médecins. Vous avez tous reçu le message de votre CPAM vous indiquant que toutes les télétransmissions en mode dit « dégradé », c’est-à-dire en l’absence de la Carte Vitale du patient, doivent de nouveau être accompagnées d’une feuille de soins papier signée dudit patient. Car c’est bien connu, nous allons régulièrement subtiliser des Cartes Vitales d’inconnus dans la rue pour les passer dans la machine et facturer des actes fictifs. A noter que les téléconsultations sont exemptées de cette obligation.
Autre nouvelle contrainte : à partir du 24 mai, la prescription de Prégabaline doit se faire sur ordonnance sécurisée. Par-contre, elle n’est pas limitée à 28 jours mais peut être renouvelable jusqu’à 6 mois. A ce rythme, on va bientôt revenir à écrire toutes nos ordonnances à la main !
Enfin, pour ceux que l’éthique intéresse, un communiqué nous a appris cette semaine le nouveau partenariat entre le logiciel de gestion des dossiers-patients à l’hôpital Maincare et la plate-forme de RDV Doctolib. Nous voyions bien les approches délicates, mais nous pensions que cela mettrait plus de temps. Eh bien non, Doctolib va pouvoir désormais avoir accès aux dossiers améliorer la prise en charge des patients comme indiqué dans la conférence de presse. Quelle grandeur d’âme !
Question au terme de ce Point Hebdo : que reste t’il des valeurs de la Médecine qui nous honoraient en France ?
Je vous souhaite malgré tout une belle semaine et portez-vous bien.