Chers amis,
Je vous préviens tout-de-suite, ce Point Hebdo, ça va être du lourd. Âmes sensibles, s’abstenir ! Pas de préliminaires, j’entre dans le vif du sujet. Voici ce qui nous attend pour la prochaine Convention si on l’acceptait.
D’abord la ROSP (Rémunération sur Objectifs de Santé Publique). Vous n’en vouliez plus, elle s’impose. Avec des indicateurs toujours aussi stupides, tels que par exemple prescription d’antidépresseurs pendant au moins 6 mois. Le patient ne les supporte plus ? Il est apparu des contre-indications rendant le bénéfice-risque défavorable ? Pas grave, il faut persister 6 mois. L’avantage, c’est qu’avec l’Espace-santé des patients, vous pouvez maintenant y laisser subrepticement une ordonnance, charge à lui de l’utiliser ou pas. Et pour le médecin double effet : des points pour la ROSP + des points pour le forfait-structure parce que vous avez communiqué avec le patient via MonEspaceSanté. Parce qu’écrire sur l’Espacesanté, c’est beaucoup mieux que de téléphoner au patient, ou pire, de lui parler en face à face lors d’une consultation !
Ah au fait, puisqu’on parle ROSP, le portail déclaratif est enfin ouvert depuis le 10 janvier et le restera jusqu’au 10 février. Aucun intérêt médical bien-sûr, mais glanez quelques cents d’euros tant que vous le pouvez.
Ensuite le forfait-structure. Il se décompose désormais en 2 forfaits, le classique et le numérique. Pour le classique, l’actuel, les pré-requis deviennent chaque année plus nombreux, comme déjà expliqué dans des précédents Points Hebdos. Pour 2022, nous aurions dû ainsi valider une adhésion à une CPTS (Communauté Professionnelle Territoriale de Soins). A contrecœur, la Caisse a dû déroger pour cette année, vu que de nombreuses zones ne sont pas couvertes par une CPTS. Mais il faut toujours 1) télétransmettre à plus des 2/3 des actes 2) avoir un logiciel de télétransmission dernière version 3) avoir un logiciel d’aide à la prescription 4) avoir une messagerie sécurisée 5) afficher ses horaires sur Ameli.
Mais cela n’est rien par-rapport au forfait numérique prévu dès l’an prochain. Il nous contraindra à 1) déposer des documents (examens et consultations) dans le Dossier Médical partagé (DMP) des patients, déposé sur leur EspaceSanté 2) établir des ordonnances dématérialisées à envoyer sur un serveur pour les pharmaciens. Et surtout, tenez-vous bien, pour accéder à ces « services », il nous faudra impérativement vérifier l’Identité Nationale de Santé (INS) des patients, et indiquer à partir de quelle pièce d’identité nous l’avons fait ! Après agents de la Caisse pour les remboursements, scribouillards pour certificats en tout genre, nous voici devenus contrôleurs d’identité. Et si le numéro ne correspond pas, que devons-nous faire ? Refuser de soigner, dénoncer aux autorités ?
Et vous n’avez pas encore tout vu ! Gardez de la place pour le dessert. La caisse a inventé un 4ème forfait : le forfait d’engagement (suite). C’est bien connu, les médecins, surtout libéraux, ne pensent qu’à eux et se fichent totalement des patients. On va donc leur imposer d’accepter encore et toujours des nouveaux patients, en devenant médecin-traitant et en acceptant les autres (file active), de faire des gardes, de participer à l’inénarrable SAS=Service d’Accès aux Soins (donner une partie de votre agenda au 15 pour le remplir de patents inconnus), d’être actif dans une CPTS, voire pour les meilleurs élèves de participer à une réserve libérale mobilisable au bon gré des ARS. Evidemment tout cela obligatoirement en secteur 1 (ou avec un nombre minimal d’actes au tarif opposable). Oh bien-sûr, ce contrat d’engagement est optionnel. Sauf qu’une petite phase sibylline indique qu’il « donne accès aux tarifs supérieurs de consultations ». Pas de signature, 25 euros à vie.
Et encore, quand je dis 25 euros, rien n’est moins sûr. La Caisse voudrait définir 4 niveaux de consultations, à tarifs croissant. Soit, pourquoi pas. Mais à ce jour aucun chiffre n’est annoncé : ni montants, ni pourcentages de consultations. Et appeler le 1er niveau « Niveau 0 » incite à la méfiance. On ferait donc des consultations niveau 0, ras les pâquerettes ? Monsieur Fatôme (Directeur de l’Assurance Maladie) n’essaierait-il pas de négocier certains actes à la baisse ? Quant aux « tarifs supérieurs », ils ne s’appliqueront pas à la complexité du contenu des consultations, mais à la complexité des patients. Cadre vérifiable et modifiable à tout moment par la Caisse.
Vous croyez avoir tout vu ? Que nenni, l’offensive est sur tous les fronts ! L’Assemblée Nationale vient de voter en premier passage la Loi Rist permettant l’accès direct aux Infirmiers de Pratique Avancée (IPA), sans adressage par le médecin-traitant. Il ne s’agit plus d’approfondir des consultations, de faire de l’éducation thérapeutique, mais bel et bien d’assurer des consultations de premier recours, avec prescriptions d’examens complémentaires et de médicaments. Pour les arrêts de travail et les certificats enfant-malade, là par-contre il faudra revenir voir le médecin. Attention, la Loi Rist, c’est Stéphanie Rist, députée. A ne pas confondre avec Grégoire Rist, son mari. Madame fait voter une Loi pour développer les IPA, monsieur lui, dirige une société qui …, je vous le donne en mille, assure des formations pour devenir IPA. Euh …, ce ne serait un petit conflit d’intérêt, ça ?
Après tout ça, on peut presque considérer comme négligeable la validation d’un amendement de notre cher Frédéric Valletoux, député mais surtout ex-président de la Fédération Hospitalière de France (FHF), qui va rendre obligatoire les gardes pour tous les professionnels de santé. Hospitaliers et libéraux, médecins et non médecins, allez, tous les soignants sur le pont nuit et jour, 7 jours sur 7. Vous croyez vraiment que c’est la meilleure façon d’améliorer la démographie médicale, et soignante en général ?
Alors certes, tous les syndicats ont quitté la table des « négociations » dès la première demi-heure jeudi dernier 19 janvier. Et ont publié un communiqué inter-syndical contre la Loi Rist. Mais quand-même ! Si le gouvernement ose nous proposer de telles mesures, c’est qu’il a déjà sondé et qu’il sait que certains syndicats seraient capables de signer cette Convention. Vous savez que je ne fais habituellement pas de prosélytisme, mais là vraiment, je vous le demande : participez à votre défense, rebellez-vous, et faites-le savoir en adhérant à un syndicat combatif telle la FMF qui travaille de concert avec la Coordination Médecins Pour Demain. Nous sommes dans un rapport de forces, et la seule question qui peut faire bouger en haut lieu est : La contestation ? Combien de divisions ?
Cette fois-ci je n’ose même plus vous souhaiter une bonne semaine. Ne me haïssez pas trop, je ne suis que la messagère des mauvaises nouvelles.