Point-hebdo FMF du 16-03-2025

Chers amis,

Le fil directeur de ce Point Hebdo pourrait être « Comment le gouvernement essaie t’il d’éteindre les incendies qu’il a lui-même allumés, par négligence ou par vue à trop court terme ? » Sauf que, tel un enfant qui tente de masquer ses ratures en les gommant, le gros pâté qui en résulte devient pire que l’erreur initiale.

On commence par les violences aux soignants, qui ont fait l’objet de rassemblement dans plusieurs villes mercredi 12 mars, à l’appel d’un Collectif rassemblant des médecins militants et quelques syndicats dont la FMF représentée par Franck Clarot (voir communiqué). Peu de participants, mais bonne couverture médiatique, et une délégation a été reçue par le Ministre de la Santé Yannick Neuder. Certes le phénomène est mondial, certes le gouvernement n’est pas responsable directement de ces violences, mais comment demander aux patients de nous respecter lorsque les responsables politiques accusent régulièrement les médecins de tous les maux du système de santé comme nous le rappelle Jean-Paul Hamon ? De même, cette habitude bien française de répondre aux gens « allez voir votre médecin pour avoir un certificat » dès qu’ils émettent la moindre demande (annulation de voyage, changement d’appartement, …), nous fait passer pour des prestataires de service, bien loin des compétences que nous confèrent nos 10 ou 12 ans d’études suivis de nos années d’expérience entretenue par la Formation Médicale Continue (FMC).

Ces violences sont aussi le fruit de la pénurie médicale et des difficultés d’accès aux soins. Qui ne vont pas s’améliorer avec le Projet de Loi (PPL) dit Garot prévu en discussion à l’Assemblée Nationale le 31 mars. Le nouveau projet est un peu différent de celui présenté dans le Point Hebdo de décembre, avec notamment la disparition de l’obligation d’installation après 4 années de remplacements, ou la suppression du secteur 2. Mais il reprend 2 mesures stupides :

  1. l’ARS a le pouvoir (devoir ?) d’interdire de nouvelles installations de médecins dans les zones suffisamment pourvues, le but étant d’effacer les soi-disant inégalités d’accès aux soins. Pour ces députés, il vaut mieux avoir du désert partout que garder quelques endroits verts.
  2. le rétablissement des gardes obligatoires pour tous les libéraux (en fait, les généralistes).

Ils s’émeuvent de la faible participation (38%) des médecins, même si 97% des territoires sont couverts par la PDSA (Permanence des Soins Ambulatoire). Comment leur expliquer que lorsque la moyenne d’âge des médecins atteint 60 ans, et qu’ils ont déjà travaillé déraisonnablement 50 heures par semaine, il devient dangereux de leur imposer du travail de nuit supplémentaire ? Rappelons que travailler après moins de 6 heures de repos équivaut à exercer avec 0,5 grammes d’alcool dans le sang.

La FMF a été reçue pour une audition sur ce projet à l’Assemblée Nationale, en compagnie des autres syndicats médicaux. La séance a été lunaire, où l’on a pu mesurer le fossé creusé entre la population et ces députés rivés à leur politique. Le summum a sans doute été la réflexion de l’une d’entre elle, expliquant que son mari, vétérinaire, travaille 24H/24 et 7 jours/7 ! Sans doute une jeune mariée qui voit son mari comme un héros, jamais fatigué, jamais faim, jamais soif.

Toujours dans le même objectif de vouloir lutter contre les difficultés d’accès aux soins, une loi sur le Métier infirmier a été votée en 1ère lecture à l’Assemblée Nationale le 10 mars. La délégation de compétences aux infirmiers, une saga pire qu’une série Netflix ! On y lit qu’un infirmier peut faire de la prévention ou de l’éducation thérapeutique (ça oui, c’est bien), prescrire le matériel nécessaire au maintien à domicile ou à leurs soins (très bien), mais aussi établir des diagnostics, prescrire des examens complémentaires, et orienter le patient si besoin. Là on tousse un peu, surtout lorsqu’on entend l’inénarrable M. Valletoux expliquer qu’il n’y a pas besoin de voir un médecin pour suivre son diabète. C’est vrai quoi ! Pour un arrêt de travail de 3 jours sur une gastro, ou un certificat de non contre-indication au yoga, là oui, il faut un médecin bac +10 ; mais pour un suivi de malade grave, un infirmier fera très bien l’affaire. Afin de bien se border pour autoriser des prescriptions médicamenteuses, les députés avaient demandé l’avis de la HAS et l’avis de l’Académie de Médecine. Pas de chance, les deux ont répondu qu’il fallait d’abord un diagnostic médical. Qu’à cela ne tienne, il est prévu dans cette loi de passer outre ces avis, et d’autoriser à prescrire des médicaments inscrits sur une liste prévue ultérieurement par décret et mise à jour tous les 3 ans. Du coup les infirmiers ne sont pas contents non plus, qui voudraient un accès immédiat et à l’ensemble de la pharmacopée. Enfin, quand je dis « les infirmiers », ce sont surtout les syndicats d’infirmiers. Parce que sur le terrain, ils sont beaucoup moins chauds pour prendre en charge les patients sur le plan médical. Et dernier rebondissement, la députée Stéphanie Rist, à l’origine de la Loi initiale en 2023 sur ces délégations, a dit qu’elle n’était pas d’accord avec une prescription sans diagnostic médical. Allez comprendre ….

Passons maintenant à un sujet un peu technique : la FMC. L’IGAS vient de publier un rapport sur l’Agence Nationale du DPC (ANDPC), qui pointe exactement tout ce que les médecins libéraux dénoncent depuis des années :

  • les thèmes sont bien trop restrictifs et souvent limités à 1 spécialité ;
  • les indemnisations sont trop faibles pour inciter les médecins à s’inscrire (pensez : 22 euros/h pour une formation en ligne en soirée !) ;
  • la qualité des formations n’est pas suffisamment évaluée ;
  • le fonctionnement de l’ANDPC ne laisse pas assez de place aux professionnels.

Total, seulement 25% des professionnels de santé sont formés via le DPC. Heureusement, l’IGAS a reconnu que l’on pouvait se former aussi par d’autres canaux. Un regret cependant, le rapport ne parle pas de la dérive qui a résulté du mode de fonctionnement de l’ANDPC imposé par sa directrice : la rigidité du cadre et la sur-administration ont favorisé le développement des sociétés commerciales, vous savez, celles qui vous démarchent plusieurs fois par jour dans l’espoir de vous inscrire à une formation en ligne niveau zéro mais qui va vous manger tout votre budget annuel. Ces boutiques avalent 80% des fonds du DPC, pourtant abondés par l’Assurance-Maladie donc les cotisations des assurés. Est-ce bien normal ? Cerise sur le gâteau, l’obligation de certification arrivant (officiellement obligatoire depuis début 2023 …), le DPC fait doublon avec ses volets « formation » et « évaluation des pratiques ». Du coup, l’IGAS préconise de fermer l’ANDPC pour se recentrer sur les méthodes de certification. Ce qui serait plutôt une bonne chose, à condition que les médecins puissent être entendus sur l’organisation de la certification. A suivre …

C’est dans ce contexte que les syndicats signataires de la Convention et l’Assurance-Maladie vont mettre en place les Groupes d’Amélioration des Pratiques (GAP), destinés à diminuer les dépenses améliorer la qualité des prescriptions. Sur le principe, nous sommes tous d’accord. La pertinence des prescriptions est meilleure lorsque les médecins se l’approprient que lorsqu’elle nous est imposée à coup de chiffres et d’objectifs. Mais la déclinaison par le Directeur de la CNAM Thomas Fatôme ne nous convient pas. Il veut que tous ces GAP passent par un appel à projet de l’ANDPC, avec 1 seul organisme élu par région (consortium possible, mais 1 seul porteur officiel), et donc 1 seul modèle admis, rigide évidemment : travail bibliographique en amont, réunions de 10 à 15 médecins, 5 ou 10 fois dans l’année, avec compte-rendu stéréotypé, … Et bien sûr un budget réduit à 750 médecins formés par région. Sachant que les sociétés commerciales remportent en général les appels à projet, car bien mieux outillées que les organismes médicaux pour remplir les bonnes cases. C’est pourquoi la quasi-totalité des syndicats ont demandé plus de souplesse, en laissant possibles plusieurs modèles déjà existants et ayant fait leurs preuves, plusieurs organismes offreurs de GAP, et un dispositif mieux adapté pour certaines spécialités. Nous admettons en revanche, que les financements ne concerneront, au moins dans un 1er temps, que les sujets inscrits dans les 15 programmes de pertinence de la Convention. A nous de démontrer ensuite que c’est un bon modèle d’amélioration des pratiques, qui vaut pour tous les sujets. Nous rappelons aussi que le FAF-PM (Fonds Actions Formation – Professions Médicales), géré par l’ensemble des syndicats dans une communauté constructive, peut largement participer à valider ces GAP, en excluant de fait toute ingérence commerciale. A condition d’annuler l’appel à projet de l’ANDPC qui resterait une voie possible de validation mais non exclusive.

Je termine en vous informant que les prescriptions de Tramadol et codéine doivent se faire sur ordonnances sécurisées (avec le QR-code ou à la main) depuis le 1er mars. Il y a une tolérance jusqu’au 31 mars, mais les pharmaciens nous les exigent déjà.

Et que depuis le 1er mars également les tests antigéniques ne sont plus pris en charge, ni en terme de rémunération, ni même en terme de délivrance gratuite. En clair, ça signifie que le C1,5 a disparu et que nous devons payer nous-mêmes les tests, sans avoir le droit d’en répercuter le coût sur les patients. Autant dire que nous n’en ferons plus.

Voilà, j’ai encore des choses à dire, mais je sais que je vous ai fatigués. Je vous retrouve bientôt et vous souhaite une bonne semaine.