Quand la FMF, MGFrance et le Bloc ont signé l’actuelle Convention en 2016 c’était dans l’espoir d’améliorer la condition des médecins libéraux. Le texte proposé à la signature comportait beaucoup d’inconnues et de points négatifs, mais les tutelles nous promettaient 1,3 milliards d’euros par an de revalorisations pour la médecine libérale. Soit 13000 € en moyenne pour chacun des 100000 médecins libéraux conventionnés.
De même la signature de l’avenant 1 devait permettre, entre le Forfait MT et la ROSP, d’apporter 15000 € par an aux pédiatres.
Presque 3 ans après, où en est-on ?
Notons déjà trois points de « détail » :
- on parle évidemment de revalorisations en honoraires « bruts », le bénéfice ne représente que la moitié environ de ces sommes ;
- sur les 1,3 milliards mis sur la table par la CNAM, 300 millions sont représentés par l’économie qu’elle fait annuellement par la baisse de 9,7 à 6,5 % des cotisations Assurance Maladie des médecins secteur I, qui ne payent que 0,1%, le reste étant un avantage conventionnel à la charge de la CNAM, mais dont la baisse n’a jamais été répercutée sur les médecins ;
- les revalorisations en question ont commencé à être mises en place seulement au 1er mai 2017, et de façon progressive jusqu’à la dernière revalorisation de l’APC au 1er juin 2018 ; les majorations MCU et MUT ne sont permises que depuis le 1er janvier 2018, et les consultations complexes ont été mises en place progressivement fin 2017
Donc en réalité le « cadeau » de la CNAM ne représente plus que 1 millard, et seulement à partir de 2018 (ne chipotons pas sur les 2€ d’APC des 5 premiers mois) qui représente la première « année pleine » ; c’est donc le bon moment pour faire un premier point. La Convention a-t-elle tenu les promesses de la CNAM ?
Clairement non ! si on prend les chiffres de la CARMF, le BNC moyen des généralistes est passé de 75550 € à 77243 € entre 2016 et 2017 (+1,49 %), et celui des spécialistes de 107749€ à 111161€ (+2,86%).
Pour 2018 on ne dispose pas encore des chiffres de la CARMF, mais l’UNASA (Union nationale des associations agréées) et la conférence des ARAPL ont publié les leurs et font état d’une DIMINUTION de 0,9 à 1,3% du revenu des généralistes, ce qui efface quasiment la progression de 2017, alors que les spécialistes s’en sortent majoritairement mieux et voient leurs revenus progresser.
Etrange paradoxe pour une Convention dont il avait été dit qu’elle faisait la part belle aux généralistes, raison entre autres pour laquelle la CSMF et le SML avaient refusé de la ratifier en 2016.
Clairement la majoration de 2€ de la consultation et de la visite (92% des actes des généralistes selon la DREES) n’a pas suffi à compenser les flops de la ROSP et du Forfait Structure, décevants pour la plupart des praticiens, la douche froide de la ROSP pédiatrique qui tient souvent plus de l’argent de poche que d’autre chose (115 € en 2019 pour les généralistes, 730 € pour les pédiatres ! ), le vieillissement et la féminisation de la population médicale :
On travaille plus quand on est jeune, qu’on a plus d’énergie et plus de charges à payer (emprunts, maison, enfants, installation). Mais l’exercice libéral actuel ne fait plus rêver les jeunes. Le maintien de la rémunération face à une nomenclature (trop) complexe passe le plus souvent par une multiplication des actes, surtout en secteur I , et les généralistes sont passé « à côté » de la CCAM, des consultations complexes, des majorations MSH et MIC, même des majorations MUT puisque la CNAM recense 2 fois plus de MCU facturées par les spécialistes que de MUT facturées par les généralistes. Les majorations MRT sont anecdotiques, il est rarissime que le 15 ou le 116-117 appelle un médecin traitant pour qu’il voit un de ses patients dans la journée, et la CNAM refuse de principe l’extension de cette majoration à la prise en charge des Soins Non Programmés.
Les spécialistes, peut-être plus habitués à manier une nomenclature complexe, ont plus tiré leur épingle du jeu. Ils ont trusté la très grosse majorité des consultations complexes et bénéficié de la revalorisation de l’APC. Mais ils sont loin tout de même d’une augmentation de 13000 € de leur chiffre d’affaire, et l’avenant 1 est loin d’avoir boosté les pédiatres de 15000€ par an.
Si le but de la Convention était de rendre l’exercice libéral attractif, c’est clairement raté.
L’attractivité passe clairement par plus de simplicité. La Convention 2016 et ses annexes, c’est plus de 600 pages ! contre 35 pour la première Convention de 1971 … c’est tout dire. Auxquelles il faut rajouter les complexes avenants 1 à 7 (dont la télémédecine et les assistants), et l’ACI CPTS. Tout ceci est plus de nature à faire fuir l’exercice libéral qu’à y attirer de nouveaux médecins. S’il est exact que l’exercice regroupé semble avoir les faveurs de la jeune génération (80% des moins de 50 ans), il est aussi vrai que l’âge moyen des médecins libéraux est de 55 ans. Il va devenir urgent de renouveler toute la génération du baby-boom qui va partir à la retraite et pour cela séduire de nouveaux praticiens. Et on ne séduit pas avec des honoraires peu attractifs, des horaires à rallonge, des obligations qui s’accumulent et une complexité administrative qui augmente de façon exponentielle.