La facturation de l’activité médicale est devenue une chose complexe, au fur et à mesure des conventions, des révisions de la NGAP, de l’apparition et des révisions de la CCAM et de ses 8000 actes, des majorations de coordination, de temps, de lieu (oui nous parlons bien de nomenclature et pas de grammaire !) ou de complexité.
Les choses se complexifient encore un peu plus quand on aborde les associations : certaines sont permises, d’autres permises sous conditions, d’autres encore totalement interdites, et enfin certaines sont dans une zone grise d’incertitude qui fait que personne ne sait vraiment si on peut ou non les appliquer.
Bref rappel sur la NGAP et la CCAM
La nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) regroupe les actes cliniques médicaux et les actes des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux. Les actes sont habituellement cotés par des codes composés de 1 à 3 lettres, éventuellement affectés de coefficients multiplicateurs et de majorations de temps (fériés ou nuit)
Mais il y a des exceptions : les CNPsy et VNPsy des neurologues et psychiatres et U03 et U45 des urgentistes
La classification commune des actes médicaux (CCAM) regroupe les actes techniques réalisés par les médecins. Les actes sont cotés par des codes de 4 lettres + 3 chiffres, éventuellement majorés dans certaines conditions de temps, de spécialité, de secteur conventionnel.
Associations d’actes NGAP et CCAM
Le cas général c’est que ce n’est JAMAIS permis. Retenez-le bien, c’est une des règles fondamentales de la facturation médicale.
Mais évidemment il y a des exceptions (article 18 de la NGAP) :
- la radiographie pulmonaire pour le pneumologue ;
- l’ostéodensitométrie sur deux sites par méthode biphotonique pour les rhumatologues et les médecins de médecine physique et de réadaptatation
- l’électrocardiogramme DEQP003 (+ la majoration YYYY490 en visite) ;
- les actes de biopsies suivants, tarifés à 50% de leur valeur :
- QZHA001 : Biopsie dermoépidermique, par abord direct
- QZHA005 : Biopsie des tissus souscutanés susfasciaux, par abord direct
- BAHA001 : Biopsie unilatérale ou bilatérale de paupière
- CAHA001 : Biopsie unilatérale ou bilatérale de la peau de l’oreille externe
- CAHA002 : Biopsie unilatérale ou bilatérale du cartilage de l’oreille externe
- GAHA001 : Biopsie de la peau du nez et/ou de la muqueuse narinaire
- HAHA002 : Biopsie de lèvre
- QEHA001 : Biopsie de la plaque aréolomamelonnaire
- JHHA001 : Biopsie du pénis
- JMHA001 : Biopsie de la vulve
- du prélèvement cervicovaginal JKHD001 : Ce prélèvement n’est pris en charge qu’une fois tous les 3 ans, dans le cadre du dépistage du cancer du col utérin, après la réalisation de 2 frottis cervico-utérins annuels normaux chez les femmes de 25 à 65 ans, selon les recommandations de la HAS de juillet 2010.
Et aussi quelques rares possibilités liées à la persistance de quelques actes en K :
Le bilan ostéo-articulaire des rhumatologues par exemple est coté K8. Si le médecin le pratique ainsi qu’une exploration radiologique, il peut alors cumuler les deux.
Lorsqu’un acte CCAM et un acte NGAP sont associés, le tarif de l’acte le plus élevé est facturé à 100% l’autre est facturé à 50% de sa valeur.
Le cas de la MCU
La MCU n’est pas un acte NGAP ni un acte CCAM. La caisse réserve pourtant son utilisation aux actes NGAP, et même aux actes de consultation, visite ou APC. Elle n’est donc permise ni aux psychiatres, ni aux praticiens qui utilisent la CCAM, et en particulier aux radiologues. La FMF réclame l’abrogation de cette limitation.
Le cas discuté de la MU.
L’article 4.1 de la NGAP stipule
Lorsque le médecin exerçant la médecine générale est amené à interrompre ses consultations et à quitter immédiatement son cabinet soit à la demande du centre de réception et de régulation des appels du service d’aide médicale urgente (Centre 15), soit à la demande expresse et motivée du patient, la visite ou les actes de premier recours qu’il effectue donnent lieu en sus des honoraires normaux et, le cas échéant, des indemnités horokilométriques, à une majoration forfaitaire d’urgence.
Ce qui peut laisser penser qu’on peut coter YYYY010 + MU. Ce serait d’ailleurs logique puisqu’on peut coter YYYY010 M au cabinet.
Cette interprétation est caisse-dépendante. Vous l’utilisez donc à vos risques et périls.
Le cas spécial du FSD (Forfait de Sécurité Dermatologique)
Créé par la décision UNCAM du 19/01/2009, le FSD peut se cumuler avec certains actes CCAM (BAFA012, BAFA006, BAFA005, CAFA002, CAFA005, GAFA007, HAFA008, QZFA036, QZFA031,QZFA003, QZFA004, QZFA011, QZFA035, QZFA030) mais, ni chair ni poisson, il n’est pas un acte CCAM lui-même ni une cotation NGAP …
Dans certaines conditions, il est aussi cumulable avec QZNP086 ou QZNP259 mais c’est alors l’établissement qui le touche !
Association de plusieurs actes NGAP.
La règle générale est là aussi que ça n’existe pas. Ce qui est assez logique, la NGAP concernant les actes cliniques médicaux, il est assez rare de pouvoir les cumuler. Attention nous ne parlons pas de toutes les majorations que nous traiterons plus loins pour ne pas nous mélanger.
Il peut cependant arriver qu’on voie un patient deux fois dans la même journée, pour deux problèmes indépendants. Il est alors possible de coter deux actes NGAP dans la même journée. Le second doit alors impérativement être fait en FSP sous peine de rejet, et il est (très fortement) conseillé de noter dans le dossier du patient la justification de cette double facturation pour pouvoir la justifier en cas (quasi-systématique) de demande de la caisse pour éviter les reprises d’indus.
L’autre cas est aussi la persistance de quelques actes en K : les certificats initiaux et finaux d’Accident de travail et certains pansements de plaies et brûlures. Les K0,4, K0,7 ou K1 des certificats AT peuvent se cumuler avec une G, GS, VG ou VGS, et pour les pansements, on peut cumuler les cotations de 2 sites différents, mais alors le 2ème est affecté du coefficient 50%. De même le parage d’une plaie ou d’une brûlure de la main ou du visage se cote K9+K9/2 ou K16+K16/2 selon la taille.
Les majorations d’actes NGAP
On peut associer autant de majorations à un acte NGAP que cet acte comprend de majorations permises, pour autant que les conditions réglementaires soient respectées. Ce qui donne certes des cotations compliquées mais gérables dans la mesure où il n’y a pas de notion de coefficients à y apporter.
On peut ainsi voir VGS+MD+MSH+12IK, ou APC F+MCU, ou
Il faut donc plutôt s’attacher à comprendre et retenir les associations interdites.
Les interdictions de secteur
Les praticiens secteur II non OPTAM ne peuvent pas utiliser les majorations de coordination ou les majorations de consultations complexes ou très complexes
De même le DA est réservé aux médecins Secteur I ou secteur II OPTAM
Les majorations réservées au MT
MRT et MUT sont réservées au Médecin traitant, de même que MSH et MIC (qui peut toutefois être aussi facturée par le cardiologue habituel)
La VL est aussi réservée au médecin traitant exclusivement
Les interdictions de spécialité
En particulier pour les consultations complexes, chaque spécialité ne peut prétendre qu’à quelques consultations complexes. Se référer à la Convention pour plus de précisions
Les spécialistes hors médecine générale ne peuvent pas utiliser la MD et doivent se contenter de l’ID
Les psychiatres n’ont pas le droit d’utiliser la MCU
Associations de majorations interdites
Le DA interdit l’utilisation des majorations de coordination (ce qui est logique puisque le patient est hors parcours de soin) mais aussi du DE
Les majorations de coordination sont incompatibles avec les majorations de PDSA, en particulier régulées. Elles sont aussi incompatibles avec MCU et MUT
Les majorations de PDSA sont aussi incompatibles avec MCU et MUT
Les majorations de visite régulées sont incompatibles avec la MD.
La COE interdit l’utilisation conjointe de MEG pour les généraliste ou de NFP et FPE pour les pédiatres
La MRT est incompatible avec le DE
Associations d’actes CCAM
Pour les actes CCAM la règle générale est que l’acte le plus cher est affecté du coefficient 100% et le second acte du coefficient 50%. Et les troisième et le quatrième actes ? Ils sont gratuits !
Mais là aussi nous trouvons des exceptions.
Les actes complémentaires
Dans le (gros) catalogue des actes CCAM il y a les actes complémentaires : actes qui ne peuvent être facturés seuls mais forcément en association avec un autre acte CCAM. Ils sont facturés à 100%
Des suppléments peuvent être codés et tarifés en sus et à taux plein
Dérogations pour la chirurgie :
Pour les actes de chirurgie portant sur des membres différents, sur le tronc et un membre, sur la tête et un membre, l’acte dont le tarif hors modificateurs est le moins élevé, est tarifé à 75 % de sa valeur.
Pour les actes de chirurgie pour lésions traumatiques multiples et récentes, l’association de trois actes au plus, y compris les gestes complémentaires, peut être tarifée. L’acte dont le tarif, hors modificateurs, est le plus élevé est tarifé à taux plein, le deuxième est tarifé à 75% de sa valeur et le troisième à 50 % de sa valeur
Pour les actes de chirurgie carcinologique en ORL associant une exérèse, un curage et une reconstruction, l’acte dont le tarif hors modificateurs est le plus élevé, est tarifé à taux
plein, le deuxième et le troisième actes sont tarifés à 50 % de leur valeur.
Pour les radiologues
Pour les actes d’échographie, lorsque l’examen porte sur plusieurs régions anatomiques, un seul acte doit être tarifé, sauf dans le cas de l’examen d’organes intra-abdominaux et/ou pelviens et d’un
ou plusieurs des organes suivants : sein, thyroïde, testicules. L’acte de guidage échographique YYYY028 ne peut être tarifé qu’avec les actes dont le libellé précise qu’ils nécessitent un guidage
échographique
En cas d’association d’un acte de radiologie conventionnelle et d’un acte autre, les deux peuvent être facturés à 100%
Pour les actes de scanographie :
Lorsque l’examen porte sur plusieurs régions anatomiques, un seul acte doit être tarifé, sauf dans le cas où est effectué l’examen conjoint des régions anatomiques suivantes :
- membres et tête,
- membres et thorax,
- membres et abdomen,
- tête et abdomen,
- thorax et abdomen complet,
- tête et thorax,
quel que soit le nombre de coupes nécessaires, avec ou sans injection de produit de contraste.
Dans ce cas, deux actes au plus peuvent être tarifés et à taux plein.
Pour les anatomo-cyto-pathologistes
Ils ont longtemps coté en NGAP, mais doivent maintenant le faire en CCAM.
Les actes d’anatomie et de cytologie pathologiques y compris les suppléments autorisés avec ces actes peuvent être associés à taux plein entre eux ou à un autre acte, quel que soit le nombre d’actes d’anatomie et de cytologie pathologiques
Plus de précision dans cette circulaire de la CNAMTS
Les majorations d’actes CCAM
Un modificateur est une information associée à un libellé qui identifie un critère particulier pour la réalisation d’un acte ou pour sa valorisation. Il s’applique à une liste précise d’actes. Les modificateurs autorisés sont mentionnés explicitement en regard de chacun des actes concernés. L’application d’un modificateur conduit à une majoration du tarif de l’acte. Seuls peuvent être facturés les modificateurs se rapportant à des actes ayant un tarif.
La description de ces modificateurs figure à l’article III-2 du Livre III. Quatre modificateurs au plus peuvent être tarifés par acte. Merci au Dr Claude Bronner qui nous en a fait la liste.
Les codes O, U, P, S et F sont exclusifs les uns des autres et ne peuvent être facturés qu’une seule fois par intervenant et par patient quel que soit le nombre d’actes qu’il réalise.
Coup de gueule envers les éditeurs et les caisses
Les médecins payent cher, voire très cher, des logiciels de facturation, des abonnements, des maintenances.
Pourtant une grande partie de ces logiciels n’intègrent pas toutes les incompatibilités d’association d’actes et n’affichent pas de message d’alerte systématique en cas d’erreur de facturation. Les médecins peuvent donc penser en toute bonne foi que leur facturation est conforme, puisque le logiciel l’a accepté.
De même les anomalies de facturation ne sont pas systématiquement repérées par l’informatique (encore une fois pas à la hauteur) des caisses. Ce n’est souvent qu’à l’occasion d’un sondage ou d’un contrôle systématique qu’elles sont découvertes, et les caisses remontent alors jusqu’à 3 ans en arrière pour réclamer des indus qui peuvent parfois se chiffrer en milliers d’euros. Il y a là un manque manifeste dans la mission d’accompagnement qu’elles ont envers les médecins (ou les autres professionnels de santé d’ailleurs), favorisant le contôle au détriment de la pédagogie.