A l’heure de la grande réforme du système de santé annoncée par le premier ministre Edouard Philippe, il est un chantier qui n’a pas été envisagé : celui du temps nécessaire pour le soin. Pourtant, il est grand temps de donner du temps au soin.
Une sincère écoute des soignants de France devrait sans doute en premier lieu énoncer l’intention de renforcer, en ville comme à l’hôpital ou dans les EHPAD, le sens de l’humanité dans le soin ainsi que la déontologie et l’éthique du soignant, garante de l’efficience et de la qualité de sa mission. Privilégiera-t-elle du temps pour les soignants pour expliquer, apaiser, accompagner ? Dans cette médecine 2.0, le colloque singulier qui fait la richesse et l’efficience du traitement sera-t-il préservé ? L’examen clinique ne risquera-t-il pas d’être complètement relégué devant la technique connectée ? La parole, qui sait panser les plaies du cœur, aura-t-elle un prix ? Le temps d’accompagnement du patient dans son parcours de soin sera-t-il valorisé ? L’évaluation comptable ne primera-t-elle plus sur les besoins des patients et la sérénité des soignants ?
Notre premier ministre parle d’un chantier de la qualité et de la pertinence des soins, celui-ci n’est pas à construire car la qualité de la médecine française est indéniable. Il faut juste sécuriser ce chantier et stopper les pressions administratives et comptables qui commencent à dégrader son exercice et à épuiser les soignants par souci de rentabilité et d’économies sur les budgets de personnel.
Il faut commencer par améliorer leurs conditions de travail et celle de l’accueil des patients. Il vaut valoriser le temps de soin et lui redonner son sens. Prendre soin prend du temps. Etre bien organisé fait gagner du temps. Et le temps bien géré doit faire gagner de l’argent, aussi bien à la ville qu’à l’hôpital. L’organisation de leurs temps de soin regarde les soignants, on doit les laisser maîtres de ce temps.
La pertinence des soins a été battue en brèche dans les médias et les études d’économistes de santé loin de la réalité du métier de soignant. Ce dernier a un attachement indéfectible à choisir le soin le plus pertinent pour son patient et le mieux adapté au temps « t » de la consultation. Chaque choix résulte d’un équilibre de funambule entre l’analyse des données personnelles du patient, l’avancée des données scientifiques, l’explication due au patient, l’obligation de moyens et l’application de la plus stricte économie. Cet équilibre singulier, non formatable, engage la compétence et la responsabilité du soignant : le patient ne délivre pas tout de lui d’emblée, ni physiquement, ni psychiquement, son état fluctue sans toujours se formater à ce que la science a appris, la technique évolue et les avancées scientifiques changent, le dossier médical n’est pas organisé entre les divers intervenants et le réassembler demande de la patience. Cet exercice d’équilibriste du médecin est au cœur de la pertinence du soin, il exige compétence et formation continue, disponibilité, humanité et sérénité. La réforme sur cette qualité et pertinence doit passer par une valorisation de tous ces indices et par une organisation territoriale concertée et partagée.
L’article 1 de la loi de modernisation de la santé indique que l’état est responsable de la politique de santé, il faut donc que l’état donne les moyens à chaque territoire de valoriser ses soignants sans les épuiser, sans les dénigrer. Accordez-leur du temps humain dans leur mission, de l’aide dans les tâches administratives annexes, de la reconnaissance financière et médiatique, pour le plus grand bénéfice de la population sur son bien-être physique, psychique et sociétal, pour un accès aux soins pertinent aussi bien en hôpital qu’en cabinet, pour favoriser l’orientation professionnelle de nos jeunes et pour la réduire le chômage dans un territoire. Car le soin est une richesse et non une dépense, et ceux qui la produisent servent toute la société