Mon cher confrère,
J’ai été étonné et contrarié de votre courrier, reçu en recommandé avec AR, se voulant un rappel à a réglementation.
Au bout d’une digestion longue de plusieurs jours je vous en propose d’en partager le décryptage en un résumé succinct, et d’en partager mes conclusions.
Vous ouvrez cette lettre par un « Cher confrère, », suivi par une énumération d’une page de règlements et de codes.
Puis, vous affirmez que pour mon patient Monsieur Bernard D. :
…toutes prescriptions confondues 1 lecteur(s) de glycémie a(ont) été présenté(s) en trop au remboursement
et vous prétendez que j’ai enfreint la réglementation.
Enfin vous me clouez en me mettant
…en garde contre la poursuite de telles pratiques qui obligerait la caisse à de suites contentieuses
prétextant du fait que j’aurais prescrit
…au moins deux lecteurs de glycémie à un adulte…
Peut-être conviendrez-vous que le style en apparence incertain cache des accusations bien graves, ainsi cette lettre que d’un jet je lus ce matin-là , me sauta à la figure en me déclarant : contrevenant vous êtes, et votre ingrate attitude alourdit le travail et les dépenses de votre caisse, qui va être obligée de 1 vous condamner, 2 vous punir !
Diable.
Me voici coupable.
Heureusement votre organisme social démontre sa clémence, pour une fois ça passe : tout ceci n’est que rappel à la réglementation.
Malgré tout pour un médecin consciencieux quelle situation inconfortable de se voir accuser d’une faute méritant poursuite.
La réception d’un pli est souvent le sujet de surprise mais quand il est recommandé une certaine inquiétude vous prend et malgré la lourdeur de ma journée de travail, ayant dû pour y retirer le courrier, me rendre à la poste dans le village voisin, je découvris ma forfaiture.
Quelle faiblesse t’a donc pris, me dis-je, toi qui notes habituellement dans tes dossiers la date exacte de prescription tout matériel dont la LPP est scrupuleusement définie par la HAS, aurais-tu failli ?
De retour au cabinet, entre deux consultations je visitai le dossier de M. Bernard D. dans sa totalité, et n’y trouvai la référence que d’une seule prescription d’un tel appareil, le 25 novembre 2015, entre autres ordonnance et courriers réalisés pour les cinq problèmes à résoudre ce jour-là pour le patient.
Je n’aurais fait qu’une prescription
Impossible, le Docteur de la Caisse, formel , dit que tu avais «… prescrit au moins 2 lecteurs de glycémie à un adulte, … »
D’ailleurs il a noté comme preuve :
« …vous trouverez ci-dessous les codes LPP, les libellés des lecteurs, les dates de prescription et les date de remboursement de ceux que vous avez prescrits :
-23NOV2015 1198033 AUTOCONTROLE DU SUCRE DANS LE SANG, SET D’AUTOSURVEILLANCE DE LA GLYCÉMIE
-05JAN2016 1198033 AUTOCONTROLE DU SUCRE DANS LE SANG, SET D’AUTOSURVEILLANCE DE LA GLYCÉMIE
Un peu dépassé et me grattant la tête devant ce charabia je réfléchis :
Voyons Charles, tu dois comprendre,
si « AUTOCONTROLE DU SUCRE DANS LE SANG, SET D’AUTOSURVEILLANCE DE LA GLYCÉMIE » doit vouloir dire LECTEUR DE GLYCÉMIE,
alors « -23NOV2015 1198033 » doit être un raccourci pour « …les codes LPP, les libellés des lecteurs, les dates de prescription et les date de remboursement de ceux que vous avez prescrits ».
Pourtant on pourrait penser que 23NOV2015 correspond à la date de ma prescription, faite le 23 novembre 2015 ?
Alors 1198033 , correspondrait aux « … codes LPP, les libellés des lecteurs(…) et les date de remboursement » ?
Mais non voyons « 1198033 » c’est le code LPP, on le retrouve sur le tableau présenté en première page.
Mais alors à quoi correspond la ligne suivante « -05JAN2016 1198033 » ?
Qu’est-ce que cette date, le 5 Janvier 2016 ?
Intrigué autant que désappointé, tandis que les bruissements de la salle d’attente se muaient de murmures en roulements puis de roulements en clameurs je décidai de téléphoner au patient, qui me dit que : « non vous ne m’avez pas prescrit deux, mais l’appareil ne me convenait pas, alors je suis allé le changer le 5 janvier … »
… Il y aurait eu deux facturations …
… Je n’aurais donc fait qu’une seule prescription…
Mais la caisse prétend que j’en ai fait deux …
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Reprenant la lettre à son début j’ y vois « Le service du contrôle médical de la caisse RSI de Picardie a procédé à un contrôle de facturation des dispositifs médicaux (…) Pour mon patient, M. D. Bernard , toutes prescriptions confondues sur la période du 01/07/2013 et le 30/06/2016, 1 lecteur(s) de glycémie a (ont) été présenté(s) en trop au remboursement »
Donc la caisse fait des contrôles des facturations et non de prescriptions !
Le raccourci est vite fait : relever deux factures a suffi pour juger que deux prescriptions ont été faites , et donc que faute commise par le médecin !
En l’occurrence preuve est faite que ce n’est pas le médecin le fautif mais ce raccourci utilisé, le RSI et son contrôle médical.
Cela méritait d’être dit , mais il me faut aussi après avoir abordé le fond de votre courrier parler de la forme.
Votre courrier est implacable dans sa construction :
1) énumération des lois sous la forme de codes et règlements
2) énoncé de la faute, preuve ( ?) à l’appui
3) énoncé de la peine.
De prime abord le destinataire se dit qu’il ne lui reste qu’à se bien tenir.
Texte de pouvoir indiscutable.
Le style utilisé laisse penser qu’il est produit par une machine , ou destiné à être employé en série , l’imprécision quant au statut du nombre du sujet «… 1 lecteur(s) de glycémie a(ont) été présenté(s) en trop au remboursement » et l’usage des parenthèses en permettant le choix, permettant d’en varier la quantité.
Ce courrier est probablement un courrier type, réfléchi, prémédité.
Les mots utilisés ne sont pas neutres « vous avez prescrit au moins 2 lecteurs de glycémie à un adulte » ; ce « au moins » sous-entend que j’en ai prescrit plus, et pourquoi n’avoir pas écrit « vous avez prescrit au plus » ? Enfin ce délicieux « … je vous mets en garde contre la poursuite de telles pratiques… », de telles pratiques , pourquoi ce pluriel ?
D’une pratique ce sont des pratiques que l’on, que vous m’imputez ! Me voici délinquant au sens large , pourquoi me soupçonnez-vous d’exercer, pire de poursuivre de telles pratiques délictueuses ?
Ce « … qui obligerait la caisse à des suites contentieuses … » qui obligerait la caisse à me poursuivre , elle se verrait dans l’obligation de …, c’est à dire que ma (mauvaise ) conduite serait la seule responsable de la tournure des évènements.
Je suis décidemment un mauvais élément, mais heureusement la caisse est bienveillante et tout ceci n’est qu’un rappel à l’ordre…
Au Total
Quel sens donner à votre action, programme prémédité d’intimidation ?
Quelles contraintes pèsent sur notre pratique, pensez-vous que nous avons le temps ou les moyens de disposer des alarmes pour borner la prescription de ces matériels ?
Pensez-vous que cela soit la tâche du médecin de tenir ces comptes ?
Que de contraintes, que de risques administratifs , récupérations d’indus, objectifs obsolétes ou discutables à atteindre ?
Croyez-vous que votre démarche augmente la confiance entre médecins et caisses ?
En tant que Maitre de Stage des Universités je me dois de montrer d’apprendre toutes les facettes de la pratique à nos jeunes internes.
Pensez-vous que cet exemple soit porteur ?
Enfin et pour conclure je vous pose la question :
le contrôle médical agit-il de manière confraternelle ainsi ?
Dans l’attente de vos excuses je vous prie de recevoir mes salutations néanmoins confraternelles