Le 13 octobre la médecine libérale s’arrête.

Le 13 octobre la médecine libérale s’arrête.

Sans date de retour.

Comment en est-on arrivé là ?

La profession est fatiguée, vieillissante, déconsidérée.

En butte à des injonctions contradictoires permanentes :

  • Prenez en charge plus de patients MAIS n’augmentez pas les arrêts de travail ;
  • Tenez compte de la souffrance au travail MAIS n’arrêtez pas les patients ;
  • Utilisez les traitements les plus modernes MAIS ne coûtez pas trop cher à la société ;
  • Regroupez-vous en cabinets pluriprofessionnels MAIS installez-vous là où même l’Etat et le service public se désengagent ;
  • Ne vous installez pas dans les zones touristiques MAIS répondez aux besoins d’une population multipliée par 10 l’été ;
  • Assurez le suivi de vos patients chroniques MAIS répondez à la demande croissante de soins non programmés ;
  • Passez plus de temps auprès de vos patients MAIS participez aux missions de réflexion en organisant les CPTS.

Les médecins sont des hommes et des femmes comme les autres. Ils exercent un métier difficile, pour lequel ils ont fait de longues études, sacrifié une partie de leur jeunesse, mais qui reste un métier, et pas un sacerdoce. Nous sommes au service des patients et de leur santé, nous ne sommes pas leurs serviteurs.

Nous sommes en butte tous les jours à des ruptures de médicaments essentiels, à des difficultés de rendez-vous d’imagerie ou de spécialistes, à des impossibilités d’hospitalisation faute de places et de personnel hospitaliers, qui entraînent des retards de prise en charge parfois catastrophiques.

De toute part nous subissons des attaques : associations de patients, associations de consommateurs, députés. Tous nous demandent d’en faire plus, d’élargir nos missions, de passer plus de temps au travail … sans nous donner les moyens de le faire.

La date du 13 octobre n’a pas été choisie au hasard : c’est la date de présentation au Sénat de la proposition de loi Valletoux-Garrot, déjà votée en première lecture à l’Assemblée nationale, et qui multiplie les contraintes pour les libéraux : contrainte à l’installation, contrainte de participation à la permanence de soin, contrainte de participation aux CPTS, contrainte de déclaration anticipée de cessation d’activité, contrainte de délégation de tâches sans délégation de responsabilité. N’en jetez plus la coupe est pleine !

On veut transformer notre exercice médical, d’un dialogue patient-médecin, à la prise en charge par une équipe dans laquelle le médecin n’est plus un vrai soignant, mais le coordonateur d’une kyrielle d’exécutants divers : assistants, secrétaires, paramédicaux, pharmaciens. Ce n’est pas le métier que nous avons appris et auquel nous avons été formés.

La crise du Covid a été un révélateur pour beaucoup : on nous a beaucoup demandé, nous avons beaucoup assumé, nous nous sommes organisés, nous avons été réactifs, nous avons inventé des solutions, nous avons rajouté des créneaux de vaccination dans nos plannings, nous avons adopté de nouvelles façons d’exercer en investissant les téléconsultations, nous nous sommes formés au dépistage, nous avons éduqué et expliqué sans relâche … pour au final nous voir reprocher le dérapage des dépenses de santé.

Les médecins se sont donc légitimement posé la question de leur engagement. Est-il normal dans la société des 35 heures et des congés payés de devoir travailler 55 heures ? de travailler la nuit et le week-end sans repos compensateur ? de poursuivre son activité largement au-delà de l’âge de la retraite ?

Posez-vous une unique question : pourquoi une profession qui théoriquement réunit tous les avantages : considération, indépendance, rémunération élevée, voit-elle ses effectifs baisser inexorablement, n’attire-t-elle plus les jeunes et voit-elle les plus âgés fuir vers la retraite ou un exercice salarié moins rémunérateur mais plus facile ?

Le mouvement des médecins libéraux, contrairement à ce qu’on a pu lire, n’est pas un mouvement corporatiste uniquement centré sur des considérations financières. C’est avant tout l’expression du désespoir d’une profession qui n’a plus les moyens d’assumer ses missions et n’arrive pas à se faire entendre.

 

Cette tribune est aussi publiée sur Doctissimo