La télémédecine (hors exceptions comme la régulation, la réalisation des fond d’œil par un orthoptiste et analysés par un ophtalmologiste, et quelques expérimentations ponctuelles) a été mise en place par l’avenant 6, puis précisée par les avenants 8 et 9.
Les téléconsultations, après un départ timide, ont été boostées et même mises sur orbite très rapidement par le confinement lié au Covid, qui a obligé les médecins à s’approprier cet outil (aidés aussi par une prise en charge dérogatoire totale par l’AMO), et un certain nombre les ont maintenant intégrées dans leur pratique quotidienne. Malheureusement les sociétés commerciales se sont aussi engouffrées dans la brèche et on voit se multiplier les « cabines de téléconsultation » sans aucun contrôle.
Les téléexpertises quant à elles peinent à décoller et n’ont pas encore trouvé leur créneau. Pourquoi ? Probablement parce que les médecins n’ont pas encore compris le potentiel de cet outil, et aussi parce que beaucoup se sont émus d’une cotation qui leur a fait penser qu’on leur demandait de faire des consultations « sous-payées ».
L’avenant 9 effectif depuis le 1er avril peut-il changer la donne ?
Toutes les modifications se retrouvent dans les articles 14.9.4 et 14.9.6 de la NGAP :
- Tout professionnel de santé peut solliciter un médecin pour une téléexpertise
- Tous les patients peuvent être concernés
- Un seul tarif TE2 à 20€
- Tarification à l’acte pour le demandeur RQD à 10€ au lieu du paiement forfaitaire 12 à 18 mois plus tard invérifiable
- Suppression de la nécessité de connaissance préalable du patient par le médecin requis.
L’obligation d’échange sécurisé, donc par messagerie sécurisée ou via une plateforme dédiée comme on commence à en voir apparaître reste bien évidemment de mise, comme la possibilité de coter TE2 en cas de changement de médecin traitant pour les patients en EHPAD pour les deux médecins concernés.
La définition est simple :
Une téléexpertise est une expertise à distance sollicitée par un professionnel de santé dit « professionnel de santé requérant » et donnée par un médecin dit « médecin requis », en dehors de la présence du patient concerné.
En pratique le médecin « requérant » envoie sa demande et facture 10 € (acte RQD), le médecin « requis » répond et facture TE2. Les deux facturations doivent se faire en mode « Sesam sans Vitale » ou à défaut en dégradé et sans la carte vitale, le cahier des charges SesamVitale comprenant de façon très stricte les mots « en dehors de la présence du patient concerné », et il n’y a pas besoin d’envoyer de duplicata papier à la caisse de référence.
Les limites sont de 4 demandes de téléexpertise par an et par médecin pour un même patient, et de même 4 téléexpertises par an et par médecin expert pour un même patient. Et ces actes sont compris dans la nouvelle limitation à 20% des actes par an (en nombre d’actes, pas en valeur ! attention !) pour les actes à distance. Nous allons prochainement voir apparaître dans le tableau de bord Ameli un indicateur trimestriel nous renseignant sur là où chacun en est.
Mais le plus intéressant reste : qu’allons-nous en faire ? Et bien, ce que nous voulons et pensons utile à nos patients, il n’y a aucune définition restrictive du contenu des téléexpertises dans la NGAP. Donc ça recouvre toutes les questions que vous avez pour un correspondant, qui ne nécessitent pas la présence du patient, donc de l’examiner, ni une réponse urgentissime … en gros tout ce que vous demandiez habituellement par téléphone à ce même correspondant, mais avec quelques avantages :
- pas de temps perdu à essayer de joindre le correspondant
- lequel correspondant n’est pas dérangé pendant sa consultation
- vous pouvez prendre le temps de rédiger clairement la question et d’y joindre les documents utiles
- le correspondant répond tranquillement quand il a le temps
- c’est tracé dans le dossier du patient, éventuellement dans son DMP
- les deux médecins sont rémunérés
et tout ça même si la réponse du correspondant se résume à un lapidaire « il faut que je le voie, je lui donne rendez-vous dans 3 (ou 8 ou 15) jours » ou « pas de problème c’est normal ».
Par contre il ne faut pas y voir un substitut de consultation à bas coût. Par exemple on ne peut pas demander à un dermatologue un diagnostic précis sur une photographie de qualité insuffisante (même si la réponse « c’est suspect je préfère le voir pour biopsier » reste totalement adéquate) ou à un cardiologue de donner un avis tranché sur un ECG douteux.
La téléexpertise sera ce que nous voudrons en faire. Il faut juste changer de point de vue, s’approprier cet outil, prendre l’habitude d’échanger par protocoles sécurisés (les généralistes ayant l’habitude de recevoir mais peu d’émettre, et inversement les spécialistes écrivant beaucoup mais ne regardant pas toujours leur boîte de réception), établir avec les infirmières, les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les sages-femmes, les orthoptistes des protocoles d’échanges sécurisés, en un mot apprendre à communiquer mieux.
Un dernier mot pour les paramédicaux : ils peuvent demander des avis, mais pas se faire rémunérer, sauf les orthophonistes qui peuvent facturer DQP 2 fois par an pour un patient.
Et quant aux sages-femmes, elles peuvent évidemment solliciter des téléexpertises, mais pour l’instant pas se faire payer ces demandes. C’est pourtant bien prévu par l’avenant 5 de leur convention, ainsi que la possibilité d’effectuer elles aussi des téléexpertises et des les coter TE2 (dans la limite de 2 par an). Mais comme cet avenant n’a été publié au Journal Officiel que le 19 mars 2022, il leur faudra attendre fin septembre pour pouvoir en bénéficier.
Et pour rire un peu, que penser de la demande via Echanges Sécurisés Améli d’un médecin-conseil à un médecin traitant de renseignements sur un patient, lequel répond par la même voie ? Techniquement c’est une demande :
- d’un médecin
- à un autre médecin
- hors de la présence du patient
- par un protocole sécurisé et tracé
donc ça correspond exactement au cahier des charges. Qui tente la facturation ? pour le fun ?