La majoration SNP a décidément une vie chaotique.
Née sans aucune concertation le 11 juillet 2022, théoriquement décédée le 30 septembre 2022 (mais dans les faits les CPAM avaient consigne de continuer à l’accepter), ressuscitée le 9 décembre 2022 avec effet rétroactif (une grande première encore) à titre provisoire « en attendant la signature de la nouvelle convention » (qui n’a jamais eu lieu), elle connaît, enfin, une existence légale depuis le règlement arbitral et surtout depuis la réunion du 11 mai 2023 de la CHAP qui l’a validée, et la parution au Journal Officiel du 14 mai 2023, qui inscrit un nouvel article 14.1.3 à la NGAP.
Ouf pouvait-on dire.
Mais en fait non. Parce que le feuilleton n’est pas fini.
Le nouvel épisode, c’est cette curieuse décision de certaines CPAM de refuser l’association SNP + CCAM en général, et SNP et DEQP003 (l’ECG 12 dérivations) en particulier.
Par exemple la CPAM 62 affirme que cette association n’est plus possible depuis le 21 avril 2023.
Déjà il ne s’est RIEN passé le 21 avril 2023 justifiant cette affirmation. Même pas la parution du Règlement Arbitral puisqu’elle a eu lieu le 28 avril 2023.
Une circulaire interne de la CNAM ? Peut-être, mais alors sans aucun fondement juridique.
Et sur le fond ?
Sur le fond on a déjà en premier lieu le texte de l’arrêté du 11 juillet 2023 qui dit :
les médecins exerçant à titre libéral bénéficient, jusqu’au 30 septembre 2022, d’un supplément de rémunération de 15 euros pour tout acte de soins non programmés réalisé au profit d’un patient dont ils ne sont pas le médecin traitant dans les 48 heures après régulation par le service d’accès aux soins ou le service d’aide médicale urgente, en dehors des horaires de la permanence de soins ambulatoire
Ce qui permet à l’évidence de dire que dans l’esprit du Ministre, SNP et CCAM sont parfaitement compatibles. Y compris pour des sutures, des extractions de corps étrangers ou des échographies. Et évidemment des ECG.
Cette interprétation est d’ailleurs renforcée par les deux instructions ministérielles du 10 juillet 2022 et du 17 novembre 2022.
Ce libellé a perduré jusqu’au Règlement Arbitral, qui lui écrit :
La consultation réalisée sous 48 heures par le médecin correspondant autre que le médecin traitant sollicité par le médecin régulateur du Service d’accès aux soins, est valorisée par la création d’une majoration spécifique, dénommée SNP d’un montant de 15 €. Le nombre de majorations SNP pouvant être cotées par un médecin par semaine est limité à 20.
Ce qui est déjà un peu plus restrictif.
Ce libellé est aussi repris quasiment mot pour mot par la nouvelle version de la NGAP ; vous remarquerez que dans la liste des incompatibilités, il n’est absolument pas fait mention de la CCAM :
Art. 14.1.3. – Majoration pour la prise en charge par un médecin correspondant non médecin traitant pour un patient adressé par le médecin régulateur du Service d’accès aux soins (SAS) pour une prise en charge dans les 48 heures.
La consultation réalisée sous 48 heures par le médecin correspondant autre que le médecin traitant sollicité par le médecin régulateur du Service d’accès aux soins, ouvre droit, en sus des honoraires, à une majoration, dénommée “soins non programmés (SNP)”.
Le nombre de majorations SNP pouvant être cotées par un médecin par semaine est limité à 20.
Cette majoration ne s’applique pas aux psychiatres qui bénéficient pour une prise en charge dans les 48 heures sur adressage du médecin régulateur d’une valorisation spécifique prévue à l’article 15.2.4.
La majoration SNP ne se cumule pas avec :
– la majoration de coordination du médecin généraliste dans le cadre des soins non urgents ;
– les autres majorations dédiées aux soins urgents (y compris la MU de l’article 14.1 de la NGAP) ou PDSA ;
– les consultations complexes et très complexes du champ des soins non programmés ;
– les consultations de soins non programmés réalisées pour les patients de la patientèle médecin traitant.
Alors la CNAM va ergoter qu’il est écrit Consultation, et pas autre chose (et les visites alors ??), que SNP est un acte NGAP, et que NGAP et CCAM sont incompatibles.
Mais c’est alors oublier un peu vite qu’il y a des actes CCAM et NGAP compatibles, et qu’ils sont précisément listés dans l’article 18 de la NGAP :
Les actes de consultation ne se cumulent pas avec ceux d’autres actes effectués dans le même temps, à l’exception :
- de la radiographie pulmonaire pour le pneumologue ;
- de l’ostéodensitométrie sur deux sites par méthode biphotonique pour les rhumatologues et les médecins de médecine physique et de réadaptation ;
- de l’électrocardiogramme ;
- du prélèvement cervicovaginal (JKHD001).
- des actes de biopsies suivants (dans ce cas, l’acte technique est tarifé à 50% de sa valeur) :
- QZHA001 : Biopsie dermoépidermique, par abord direct
- QZHA005 : Biopsie des tissus souscutanés susfasciaux, par abord direct
- BAHA001 : Biopsie unilatérale ou bilatérale de paupière
- CAHA001 : Biopsie unilatérale ou bilatérale de la peau de l’oreille externe
- CAHA002 : Biopsie unilatérale ou bilatérale du cartilage de l’oreille externe
- GAHA001 : Biopsie de la peau du nez et/ou de la muqueuse narinaire
- HAHA002 : Biopsie de lèvre
- QEHA001 : Biopsie de la plaque aréolomamelonnaire
- JHHA001 : Biopsie du pénis
- JMHA001 : Biopsie de la vulve
Donc l’ECG est compatible avec les consultations, SNP est compatible avec la consultation, les trois sont donc mutuellement compatibles.
Sinon on en arrive à cette incongruité que la cystite ou la rhino-pharyngite adressée par le SAS sera valorisée 40 €, alors que dans le même temps le problème cardiaque adressé par le SAS ne vaudra QUE 39,26 € !!!!
Et même ! SNP n’est pas un acte, mais une majoration. C’est même une majoration de régulation, comme CRP, CRN, CRM, VRD, VRN, VRM. Et justement ces dernières sont, d’après la CNAM justement, parfaitement compatibles avec la CCAM.
Alors un peu de logique à la CNAM ne nuirait pas ! SNP est évidemment compatible avec la cotation DEQP003, et même avec les autres cotations CCAM. Toute autre interprétation n’est qu’une interprétation, qui ne s’appuie sur aucun texte. Comme d’habitude, de l’intimidation des médecins libéraux qui s’appuie uniquement sur des arguments d’autorité.
Fort logiquement, la FMF UG a donc interpellé M. Thomas Fatôme, directeur de l’UNCAM, à ce sujet, pour lui demander de préciser les choses de façon conforme aux textes et de donner des instructions dans ce sens :
Mise à jour du 1er août 2023
Nous n’avons bien évidemment eu AUCUNE réponse de la CNAM à notre réclamation.
Cependant, nous avons reçu de la DGOS (Direction générale de l’Offre de Soins) un mail le 1er août qui admet que l’association est possible :
Mesdames les Présidentes, Messieurs les Présidents,
Suite aux différents échanges et afin de permettre le déploiement le plus large des Services d’Accès aux Soins (SAS) dans cette période estivale, nous nous proposons d’accepter une lecture extensive des textes concernant les cumuls d’actes avec la majoration SNP.
Aussi, à compter du 1er août, la majoration SNP :
- sera cumulable avec une consultation seule (comme c’est le cas depuis sa création) ;
- sera cumulable avec une consultation + un acte CCAM (dans la liste des actes cumulables avec une consultation : ECG, biopsies,…) ;
- restera non cumulable avec les autres actes CCAM (maintien du rejet de facture dans cette situation).
Le réseau de l’Assurance Maladie est informé de cette décision.
Pourtant la rédaction de cette « décision » est quand même assez étonnante : c’est écrire « Nous avions tort mais nous nous refusons à l’admettre et donc nous jouons les grands seigneurs et nous vous accordons ce que vous nous avez demandé ». Peur d’un éventuel boycott du SAS ?
Parce qu’il ne peut pas y avoir une lecture extensive d’un texte. Il y a ce qui est écrit et puis c’est tout.
J’incite donc tous les médecins qui se sont vu refuser cette cotation entre le 21 avril et le 31 juillet 2023 à réclamer la prise en charge rétroactive de leurs actes.