La CPAM 93 a anticipé la nouvelle convention pour la tarification des urgences notamment en MMG !

La Permanence Des Soins (PDS) est réglementée par de nombreux textes:

«…Il est du devoir du médecin de participer à la permanence des soins…» est-il écrit dans les codes de santé publique (art. R4127-77) et de déontologie médicale (art. 77). Notez qu’il n’est pas précisé «  du seul médecin libéral » !

«…Tout autre médecin ayant conservé une pratique clinique a vocation à y concourir…» peut on également toujours lire dans le CSP (art. L6314-1). Nombreux sont les médecins à exercice exclusif à avoir demandé la compétence en médecine générale auprès de leur CDOM même si l’exercice exclusif dans la spécialité est de mise.

«…Les médecins participent à la permanence des soins sur la base du volontariat…» CSP (art. R6315-4)

La PDS n’est donc pas réservée au seul médecin libéral qui peut de surcroît se déclarer non volontaire.

Pourtant, lorsque les planning de gardes présentent des trous, les CDOM adressent aux ARS des listes de seuls généralistes libéraux et généralement s’étant déclarés comme non volontaires pour la PDS et cela a été déclaré illégal par le TGI de Lyon (affaire TARPIN).

L’organisation de la PDS en France n’est donc pas clairement établie sur le plan juridique. Sur le plan assurantiel, c’est encore pire, et les responsables tant sur le plan institutionnel qu’assurantiel, quand ils ont répondu aux interrogations de la FMF, ne l’ont pas fait clairement.

La PDS est une mission de service public (art. L6314-1) assurée, notamment sur le terrain par des médecins libéraux, régulateurs et effecteurs, ces derniers se rendant sur le terrain sans bénéficier de la couverture assurantielle du service public auquel ils concourent mais travaillant sous le couvert de leurs assurances privées comme l’a confirmé le 20 octobre 2011 la Cour Administrative d’Appel de Paris (n°11PA01228 – affaire KISSELEWOSKI) ; et bien entendu ils ne peuvent prétendre qu’à ce pourquoi ils ont souscrit un contrat !

Dans les années 80 les généralistes qui s’installaient en libéral ne pouvaient vivre qu’en enchainant les gardes de nuit, de dimanche et de jours fériés en plus de leur activité de semaine. Le système fonctionnait au travers d’associations de garde (comme l’APMR sur Lyon dont je me souviens) à qui le « 15 » renvoyait les actes qu’il jugeait ne pas avoir à assurer: souvent le généraliste était confronté à des actes mal régulés avec des adresses mal renseignées ou imprécises … J‘ai même eu un canular une nuit de 31 décembre avec un appel pour des patients qui n’avaient pas contacté le 15 ! Sans doute un farceur dont l’humour n’était pas partagé par le médecin assurant la garde de nuit de surcroît un jour de la Saint Sylvestre !

Depuis le mouvement des coordinations des généralistes en 2004, de nombreuses Maisons Médicales de garde (MMG) se sont installées partout en France. Elles fonctionnent avec des généralistes volontaires, en leur donnant un cadre plus sécurisé, pour offrir une réponse théoriquement à l’urgence, aux heures où les cabinets libéraux sont fermés.

La population s’y est habituée en s’y rendant maintenant de façon spontanée comme dans les services d’urgence des hôpitaux. Et tout le problème réside à ce niveau, le caractère « URGENT » de ces consultations n’étant, la plupart du temps, pas RÉGULÉ, c’est-à-dire pas VÉRIFIÉ. C’est comme si le SAMU envoyait une équipe mobile sur TOUS LES APPELS reçus au 15 ! Débauche de moyens, le gaspillage est quand même moindre en MMG qu’à l’hôpital. Mais à l’hôpital comme en MMG c’est “OPEN BAR“, la notion d’urgence étant remplacée la plupart du temps par celle d’URGENCE RESSENTIE ou d’ÉXIGENCE PERSONNELLE sauf que la tarification pour l’assurance maladie reste celle d’un acte d’urgence à un horaire de nuit ou de jour férié !

Récemment certaines CPAM dont celle du 93 ont décidé d’agir à ce niveau en rappelant les règles de tarification et en :

·      Refusant les majorations CRN et CRD pour les actes non régulés, c’est-à-dire la majorité des actes pratiqués à ces horaires en MMG (CRN : majoration spécifique de nuit 20h00 à 0h00/06h00 à 08h00 en cas de consultation au cabinet, permanence des soins dans le cadre de la régulation et CRD : majoration spécifique de dimanche et jours fériés en cas de consultation au cabinet, permanence des soins dans le cadre de la régulation). Des notifications conséquentes d’indus (> 50 000€) ont été adressées aux médecins,

·      Refusant également les majorations N et F lorsque la notion d’urgence n’était pas établie (sur quels critères ?), sauf qu’en recevant directement un patient en MMG, sans régulation préalable, le médecin ne peut savoir si l’acte était urgent qu’après l’avoir reçu et examiné !

Cette situation ne peut perdurer avec des médecins acceptant de travailler les jours fériés et la nuit et qui seraient rémunérés au tarif de la journée au risque de ne plus avoir du tout de volontaire !

Un préavis de grève générale et illimitée des 9 MMG de Seine-Saint-Denis à compter du 10 juin 2024 à 20h00, a été déposé le 4 juin à l’ARS. La CJ de la FMF comprend et soutient ce mouvement.

Et la nouvelle convention qui vient d’être signée risque de renforcer le mouvement : En effet, aux horaires de la PDSA, la tarification prévue est :

·      Actes effectués par le médecin de garde sur régulation, les majorations habituelles CRN et CRD s’appliquent,

·      Actes effectués par un autre médecin (dont le médecin traitant) sur régulation : les majorations régulées s’appliquent aussi (plus de la nouvelle convention),

·      Actes effectués par le médecin de garde sans régulation : disparition du F, remplacé par 5 euros en consultation et 6,50 € en visite (je rappelle que le F était côté 19,06 € par la convention 2016; il  s’agit donc là non d’une « revalorisation » mais d’une «  RÉGRESSION » de 74% pour les consultations et de 66% pour les visites à domicile !) Je rappelle ici qu’un salarié travaillant un jour férié bénéficie d’une majoration de son salaire de 100%.

·      Actes effectués par un autre médecin (dont le médecin traitant) sans régulation : le F ne peut s’appliquer que dans le cadre strict d’une « suspicion d’urgence vitale ».

 

On voit là les limites à vouloir à la fois satisfaire les patients et leurs associations, Bercy, l’assurance maladie qui doit équilibrer les finances et les médecins à qui il est imposé des conditions de travail qu’aucun salarié ne pourrait accepter. On voit également là l’estime et le respect accordés à la médecine libérale à qui il est demandée d’être « partenaire » avec l’assurance maladie !

Il paraît donc évident qu’en l’absence d’une régulation stricte à l’accès en MMG les médecins vont se dégager massivement de la PDSA.

 

 

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, CELLULE JURIDIQUE FMF