C’est passé un peu inaperçu mais le Bulletin Officiel du Ministère de la Santé et des Solidarités a publié en octobre 2019 l’Instruction n° DGOS/DIR/CNAM/2019/218 du 9 octobre 2019 portant dispositions et modalités d’accompagnement à proposer aux porteurs de projets des communautés professionnelles territoriales de santé (pages 250 et suivantes du texte) dont nous vous proposons l’intégrale utile (122 pages tout de même !) en fin d’article.
Il paraît plus qu’indispensable aux promoteurs des CPTS, ou même aux médecins intéressés par le sujet, de s’y reférer pour savoir à quoi ils doivent s’attendre de la part des « partenaires » ARS et CPAM.
Il est déjà intéressant de noter que si le texte de l’ACI CPTS a bien fait l’objet au moins de négociations minimales, celui qui régit l’application de la mise en œuvre et de la gouvernance des CPTS est imposé par le Ministère de la Santé sans aucune concertation.
On y trouve enfin des éléments tangibles et pratiques sur les modalités de contractualisation, sur le calendrier de mise en place des missions socles et complémentaires, et sur le calendrier des financements des CPTS éligibles à l’ACI.
Mais on y trouve aussi un certain nombre d’éléments intéressants, qui laissent penser que le cadre des CPTS sera bien plus contraint que ce que pourraient souhaiter les professionnels de santé libéraux, souvent adeptes d’une certaine souplesse d’organisation.
La structure tripartite est mise à mal dès son instauration :
Il est rappelé que chaque réunion tripartite doit être précédée d’un échange préparatoire bilatéral entre l’agence régionale de santé et la caisse d’assurance maladie, et le cas échéant la Mutualité sociale agricole, afin de pouvoir tenir une position commune et concertée devant les représentants des communautés professionnelles.
Une structure tripartite dans laquelle deux des parties s’entendent OBLIGATOIREMENT avant de négocier avec la troisième (le collège professionnel) engendre obligatoirement aussi un déséquilibre du rapport de force.
Il ne sera pas possible de mettre en œuvre une CPTS sans signer l’ACI :
Les CPTS déjà constituées à la date de l’accord doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement, afin de leur permettre d’adhérer rapidement à l’ACI. Des échanges doivent donc être organisés pour les conduire à ajuster, le cas échéant, leur projet de santé en fonction des missions-socles définies dans l’ACI. Une équipe professionnelle qui refuserait catégoriquement cette perspective n’a pas vocation à conserver l’appellation CPTS. Il convient alors soit de cesser de la soutenir, soit de l’accompagner vers une autre structuration et d’autres lignes de financement en fonction de sa composition et de son projet (équipe de soins primaire, équipe de soins spécialisée, association de prévention…).
Même si les CPTS sont (théoriquement) à l’initiative des libéraux, leur structure se doit d’être inclusive ; il n’est donc pas possible à l’intérieur de la CPTS de refuser certains professionnels de santé, ou des personnes morales, ou de limiter la circulation de l’information en fonction du statut de chaque professionnel :
La dynamique de la CPTS est inclusive, c’est-à-dire que celle-ci est ouverte à toutes les catégories de professionnels de santé (médecins généralistes et d’autres spécialités, autres professions médicales, pharmaciens, paramédicaux etc.), et quel que soit leur mode d’exercice. Cette exigence est reflétée par les statuts de la CPTS et la méthode d’élaboration du projet de santé.
Elle s’applique également aux outils déployés, par exemple les plateformes numériques de mise en relation, qui doivent être ouvertes à tous les effecteurs sans exclusion liée à leur statut juridique ou professionnel. Elle se matérialise par des démarches entreprises ou prévues par les porteurs de projets à destination de l’ensemble des professionnels de santé de leur territoire pour les informer du projet ;
À ce titre, s’il ne peut pas être exigé de chaque CPTS qu’elle intègre dès le départ au sein de ses membres ou partenaires, des personnes morales (établissements de santé ou médico-sociaux), il ne pourra en revanche pas être validé de projet excluant a priori ce type d’organisation ;
CPAM et ARS ont à cœur de garder un rôle de tutelle :
La fonction de régulation doit rester l’apanage des institutions.
Le Ministère admet enfin que le statut d’ssociation loi 1901 ne PERMET pas de rémunérer les professionnels de santé ; l’interêt financier pour ces derniers apparaît donc très ténu.
Forme juridique des CPTS
Aucune forme juridique n’est imposée pour la constitution d’une CPTS mais une structure juridique doit être créée.
Les acteurs sont libres de s’organiser comme ils le souhaitent.
Le statut associatif apparait le plus adapté pour structurer les projets
Il répond quasiment à tous les besoins à une exception : ce statut ne permet pas de rémunérer les professionnels de la CPTS dans l’hypothèse où ils sont effecteurs de soins pour la CPTS (ex actes réalisés dans le cadre d’une mission de prévention organisée par la CPTS) ; pour la rémunération de ces actes au nom de la CPTS en tant qu’effecteur de soins nécessité de créer en plus un autre statut juridique (en plus de l’association)
Il n’est donc pas prévu de rémunérer individuellement les membres des CPTS ; le budget est a priori intégralement dévolu à la structre et à son fonctionnement.
D’ailleurs à aucun moment le texte n’aborde ce volet des CPTS ; il évoque bien des « avantages professionnels », mais ces derniers ne sont JAMAIS pécuniaires.
On y trouve aussi des perles qui porteraient presque à sourire :
Pour promouvoir et faciliter l’installation des professionnels de santé notamment dans les zones en tension démographique, la communauté professionnelle peut ainsi organiser des actions de nature à mettre en avant le caractère attractif d’un territoire…
On se demande pourquoi, si un territoire est attractif, il se retrouve en situation de « tension démographique » et pourquoi il est nécessaire d’en faire la promotion !
On y voit aussi que les ARS et les CPAM sont intéressées au premier chef par le déploiement des CPTS, au point de former spécifiquement des référents et des promoteurs au sein de leur personnel, pour aller porter la « bonne parole ».
L’exercice coordonné sous toutes ces formes (équipes de soins primaires – ESP, équipes de soins spécialisées – ESS5, MSP, commission des soins – CDS, CPTS) a vocation à se généraliser progressivement. Il est donc important que l’ensemble des représentants des réseaux assurance maladie (régime général et régime agricole) et ARS, qui sont amenés à échanger avec des acteurs de santé du territoire (professionnels de santé, structures d’exercice coordonné, structures et services sanitaires et médico-sociaux, etc.) puissent disposer du niveau de connaissance suffisant pour répondre aux interrogations de ces acteurs en matière d’accompagnement du développement de l’exercice coordonné.
Il est donc important aussi que les médecins libéraux, que la FMF représente, s’approprient ces textes et sachent où ils vont, quelles questions ils sont en droit de poser, et quelle aide ils peuvent espérer obtenir pour monter leurs projets, sans en voir la gouvernance leur échapper au profit des tutelles.