Olivier Véran, appuyé par le Premier Ministre Edouard Philippe, l’a promis le 23 mars dernier :
Aux soignants qui tombent malades, je le dis : le coronavirus sera systématiquement et automatiquement reconnu comme une maladie professionnelle et c’est la moindre des choses. Il n’y a aucun débat là-dessus.
Il n’y a aucun débat, mais il y a des questions : Qui ? Quand ? Comment ?
Qui ?
La reconnaissance de maladie professionnelle (MP) pour les salariés ne pose pas de problème a priori : l’assurance Accident de Travail – Maladie Professionnelle (ATMP) est incluse pour eux dans leur « pack » de protection sociale.
Il est est tout autrement pour les libéraux : pour eux cette assurance est facultative et volontaire. Il faut (comme d’habitude) remplir un CERFA incompréhensible ; vous ne saurez même pas en le remplissant quelle sera votre cotisation :
Le taux de cotisation de l’assurance volontaire est égal à 80% du taux de cotisation d’accident du travail/maladie professionnelle habituel fixé pour le même type d’activité.
Donc 80% de quoi ? du taux de cotisation ATMP des personnels de cabinets médicaux ? lequel change tous les ans et selon les régions administratives en fonction du nombre d’AT déclarés dans la branche. Ou du taux ATMP des médecins hospitaliers ?
Et la base de calcul de la cotisation est fixée « à l’appréciation du médecin » en fonction d’un salaire annuel fictif (sur lequel seront calculées les indemnités éventuelles) qui peut aller de 18631,28 € à 41136 € (en 2020).
Donc un système très opaque … et totalement inconnu de la plupart des libéraux.
Mais il y a une question commune aux libéraux et aux salariés : qui pourra être reconnu en MP ? tous les médecins ayant été infectés ou seulement ceux ayant dû s’arrêter ? être hospitalisés ? ou ayant des séquelles durables de l’infection ? Comment l’infection sera-t-elle reconnue ? sur des prélèvevents PCR dont on connait le nombre élevé de faux négatifs ou sur des sérologies dont on ne sait actuellement rien ?
Et pour les libéraux, la reconnaissance MP sera-t-elle réservée aux médecins ayant souscrit cette assurance volontaire ATMP, ou sera-t-elle étendue à tous ?
Quand ?
Quand les médecins infectés pourront-ils faire valoir leurs droits à la MP ? Cette question n’est pas que rhétorique, nombreux sont les soignants à être infectés depuis le début de l’épidémie, ayant dû interrompre leur activité, ayant été hospitalisés, ou même ayant payé de leur vie leur implication dans la « guerre du Covid-19 ».
Le reconnaissance en MP entraîne de facto une meilleure indemnisation des arrêts de travail ou des séquelles ou des décès.
Nous recevons des appels de plus en plus nombreux de médecins ou de familles désemparés, car ils ne savent pas où s’adresser. Et c’est bien normal, puisque l’infection par le coronavirus ne fait partie d’aucun tableau de maladie professionnelle. Et donc dans les CPAM personne ne peut leur répondre, puisque le cas n’est pas prévu, donc n’existe pas. Aucun texte (décret, circulaire, loi) n’a été publié. Donc la MP COVID n’a aucune existence légale.
Supposons maintenent qu’un tel texte soit publié demain. Sera-t-il rétroactif au début de l’année ? ou ne concernera-t-il que les contaminations postérieures à sa publication ?
Comment ?
Pour un salarié, la reconnaissance de MP est simple : il suffit que les conditions d’exposition, de temps d’exposition et de délai d’apparition d’un trouble correspondent aux critère du tableau des maladies professionnelles publié par l’INRS (les deux séries de tableaux en réalité, puisqu’il en existe une pour le régime général et une pour le régime agricole) ; les MP infectieuses y sont très limitées en nombre et en possibiltés de reconnaissance (travaux et expositions très limitatifs).
Pour les libéraux, c’est encore plus compliqué, puisque nous devons faire la preuve que l’AT ou la MP est bien lié à l’activité professionnelle.
De toute façon, puisque l’infection au coronavirus ne figure dans aucun des deux tableaux, la MP COVID n’existe pas.
Si demain elle est rajoutée aux tableaux de MP, quelle sera la procédure à suivre et à qui devrons-nous nous adresser ? Évidemment à ce jour nous n’en savons rien … et les CPAM non plus.
En conclusion :
Nous n’avons aujourd’hui qu’une promesse verbale (de bonne foi nous n’en doutons pas) du Ministre de la Santé. Mais aucune décision réelle visible.
Il y a urgence M. Véran à répondre à toutes nos questions. Et à leur apporter des réponses satisfaisantes. Les soignants, eux, n’ont pas hésité à s’engager dans la lutte contre l’épidémie. Il faut donc des réponses à la hauteur de cet engagement.