« Burn-out » noté dans les « éléments d’ordre médical justifiant un arrêt de travail en maladie » ne constituerait pas une faute déontologique selon l’appréciation du CE

Le volet n°1 d’un arrêt de travail, destiné exclusivement au service médical de l’assurance maladie est régulièrement instrumentalisé autant par les patients que les employeurs :

  • Les premiers photocopient le volet n°1 de la liasse papier remise par le médecin, ou réclament le volet n°1 d’un arrêt réalisé sur AMELI PRO à l’assurance maladie (ils en ont le droit aux termes de la Loi n°2002-303 du 4 mars 2002) et l’exploite lors des procédures Prud’homales.
  • Les seconds, à l’échange des pièces au moment d’une procédure, se retrouvant en possession de ce volet n°1 déposent systématiquement plainte contre le médecin rédacteur devant l’ordre pour « certificat de complaisance» !

Certificat « de complaisance », contraire à l’art R4127-28 du code de la santé publique (La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite), selon les employeurs et leurs défenseurs, le médecin ne pouvant certifier que ce qu’il a personnellement constaté, alors que le médecin traitant n’intervient pas sur le lieu de travail. Seul le médecin du travail se trouverait en capacité de constater ce qui s’y passe !

Les CDOM se trouvent ainsi surchargés par ces dossiers où le médecin est mêlé, malgré lui, dans un conflit employeur-employé. Cela représente plusieurs dossiers chaque mois.

Lors des conciliations, les conseillers ont beau argumenter :

  • Que la symptomatologie psychologique est subjective et que le médecin ne peut établir son diagnostic que sur les symptômes rapportés et le récit du patient,
  • Que les psychiatres spécialisés en psychopathologies du travail ne pourraient alors plus donner leur avis lorsqu’ils sont interrogés par les médecins traitants ou ceux du travail,
  • Que si le médecin propose à l’assurance maladie une qualification « Accident du travail / Maladie Professionnelle» (AT/MP) le seul fait d’utiliser cet imprimé établit de facto la relation avec le travail,
  • Qu’il revient alors à l’assurance maladie et non au médecin de qualifier l’arrêt en maladie ou AT/MP,

Rien n’y fait, et les avocats défendant les employeurs refusent systématiquement tout lien entre une pathologie, notamment psychologique, et l’activité professionnelle, ce qui place en situation difficile notamment les psychiatres spécialisés dans les psychopathologies au travail qui sont interrogés sur le sujet par les médecins du travail et ce retrouvent alors systématiquement poursuivis. Leurs courriers en réponse au médecin du travail sont de la même manière instrumentalisés : Tout ce qu’un médecin écrit, y compris à un confrère, est considéré comme un certificat !

C’est dans ce contexte que le CE vient de rendre le 28 mai une décision importante qui vient éclairer cette problématique (CE, 4-1 chr, 28 mai 2024, n° 469089), consultable ici :

 

Le Conseil d’État a été saisi en cassation après une décision de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins (22/09/2022) qui est venue confirmer la sanction de l’avertissement infligée à Mme C… par la chambre disciplinaire de première instance (CDPI) de la région Grand Est (09/10/2020).

Mme C…, praticien en Moselle, contestait cette décision au motif que la chambre disciplinaire a inexactement qualifié les faits en considérant qu’elle avait établi un certificat tendancieux ou de complaisance en mentionnant le syndrome d’épuisement professionnel sur l’arrêt de travail d’un salarié.

Le Conseil d’État donne raison à Mme C.., estimant que la mention du syndrome d’épuisement professionnel ne caractérise pas un certificat tendancieux ou de complaisance. La décision de la chambre disciplinaire nationale est donc annulée et l’affaire est renvoyée devant cette même chambre.

Le Conseil d’État condamne également la société Envie 2 E Lorraine (employeur du salarié) à verser une somme de 3 000 euros à Mme C… au titre des frais de justice.

Les élus ordinaux de tout le pays attendent avec impatience la décision de la chambre disciplinaire nationale qui va devoir rejuger cette affaire.

 

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, CELLULE JURIDIQUE FMF