Chaque année, au mois de mars, les médecins libéraux exerçant au sein d’établissements de santé privés constatent un blocage des facturations par la Sécurité sociale. Ce phénomène, bien que non inscrit dans les textes légaux, est devenu une pratique administrative récurrente depuis plusieurs années. Cependant, en 2025, une nouvelle incertitude plane : la durée du blocage reste indéterminée, laissant les praticiens dans le flou et accentuant les tensions financières.
1. Un blocage récurrent devenu une habitude administrative
Le blocage des facturations en mars n’est pas une obligation légale, mais il s’est progressivement imposé comme une pratique comptable et budgétaire de l’Assurance Maladie. Bien que difficile à dater précisément, cette situation est probablement observée depuis la mise en place de la tarification à l’activité (T2A) en 2004. La T2A a introduit un système où les financements des établissements de santé sont basés sur leur activité, avec une actualisation annuelle des tarifs au 1ᵉʳ mars.
Ce blocage n’a jamais concerné les médecins libéraux exerçant en ville, y compris les spécialistes et les généralistes, et il ne les affectera pas à l’avenir. Il reste spécifiquement limité aux praticiens libéraux intervenant en établissements de santé privés.
Ce gel temporaire des paiements s’explique par plusieurs facteurs :
- L’ajustement budgétaire en début d’année : L’Assurance Maladie doit intégrer les nouvelles dotations budgétaires votées dans la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS).
- Les contrôles sur les dépenses de l’année précédente : Avant d’engager les remboursements de l’année en cours, des vérifications sont effectuées sur les facturations antérieures.
- La mise à jour des tarifs et des conditions de remboursement : Mars est souvent une période de transition avec l’application de nouveaux barèmes tarifaires.
- Un lissage des paiements pour respecter l’ONDAM : L’Assurance Maladie gère ses dépenses en lissant les paiements tout au long de l’année pour éviter des dépassements budgétaires précoces.
2. 2025 : Une situation inédite avec une durée de blocage indéterminée
Alors que les années précédentes, la levée du blocage intervenait généralement après quelques semaines, l’année 2025 marque un tournant. Les organismes payeurs n’ont pas communiqué de date précise de reprise des paiements, laissant les médecins libéraux et les établissements privés dans l’incertitude.
Ce flou peut avoir des conséquences importantes :
- Des tensions de trésorerie accrues : Les praticiens continuent d’assurer leurs consultations et interventions, mais sans certitude sur la date de paiement de leurs actes.
- Une difficulté de planification financière : Les médecins libéraux, qui doivent assumer leurs charges fixes (loyers, matériel, assurances, salaires du personnel), risquent de rencontrer des difficultés à anticiper leurs finances.
- Un impact sur la qualité des soins : Si la situation perdure, certains établissements pourraient être contraints de limiter l’activité de certains praticiens pour éviter une accumulation trop importante de factures impayées.
3. Pourquoi s’opposer à ce blocage ne sert à rien ?
Face à cette situation, de nombreux médecins et syndicats ont déjà exprimé leur mécontentement. Toutefois, s’opposer directement à l’Assurance Maladie reste inefficace pour plusieurs raisons :
- Les contestations sont longues et rarement fructueuses : Engager une procédure administrative ou juridique contre ce blocage se révèle compliqué et n’accélère en rien le déblocage des paiements.
- Le blocage fait partie des stratégies budgétaires de l’Assurance Maladie : Il ne s’agit pas d’une erreur, mais d’une gestion comptable organisée pour lisser les dépenses sur l’année.
- Le rapport de force est défavorable aux médecins libéraux : Les établissements de santé et les praticiens libéraux n’ont pas de pouvoir direct sur les décisions budgétaires de l’Assurance Maladie.
4. Comment les médecins libéraux peuvent-ils s’adapter ?
Même si la durée du blocage est incertaine, plusieurs solutions peuvent être mises en place pour limiter ses effets :
- Anticiper l’envoi des facturations : Accélérer l’envoi des dossiers entre janvier et février pour limiter la part de factures bloquées en mars.
- Sécuriser la gestion de trésorerie : Constituer une réserve financière en prévision du retard de paiement.
- Diversifier les sources de revenus : Envisager d’augmenter les consultations en cabinet privé pour compenser les retards de paiement des actes en établissement.
- Optimiser le suivi des paiements : Utiliser des logiciels de gestion pour mieux anticiper les relances et s’assurer que toutes les factures sont conformes avant envoi.
- Maintenir un dialogue avec les établissements et les organismes payeurs : Bien que le blocage ne puisse être évité, être en lien avec les responsables administratifs peut permettre d’obtenir des informations sur une éventuelle reprise des paiements.
- Recourir à des avances de trésorerie : Certaines banques proposent des prêts courts termes basés sur les créances en attente de paiement.
5. Conclusion :
Le blocage des facturations en mars, bien que non inscrit dans les textes officiels, s’est progressivement imposé comme une contrainte incontournable pour les médecins libéraux exerçant en établissements privés. En 2025, la situation prend une tournure inédite avec une durée de blocage indéterminée, accentuant l’incertitude pour ces professionnels. Plutôt que de s’opposer vainement à cette pratique, il est plus judicieux d’adopter une gestion proactive pour limiter son impact. Ce phénomène risque-t-il de devenir la norme dans les années à venir ? Seule une réforme du financement de l’Assurance Maladie pourrait apporter une solution durable. En attendant, les médecins libéraux devront s’adapter à cette contrainte administrative pour préserver la viabilité de leur activité.