Chère consœur, cher confrère,
Il ne vous a pas échappé que notre métier part en lambeaux, comme on dit quand on veut rester poli.
Les vaccinations aux infirmières et aux pharmaciens, les entorses aux kinés, les lombalgies aux chiros, la pilule aux sages-femmes, … et j’en oublie. Bizarrement, la délégation des tâches ne concerne jamais la paperasse. Pour remplir les 8 pages des dossiers MDPH, par exemple, nous restons seuls compétents. Les actes simples qu’on nous retire, l’administratif qui s’hypertrophie, cela revient à compliquer notre travail, déjà difficile et mal rémunéré. On devrait donc logiquement voir augmenter la valeur de la consultation, non ? Eh bien justement, non, l’acte de base est bloqué, au contraire, ou alors augmenté dans quelques cas complexes ou rarement appliqués. Et les augmentations éventuelles sont liées à des « Rémunérations Sur Objectifs », stupides à pleurer, dont la vraie raison d’être est de nous soumettre au bon vouloir des caisses.
Résultat de ce sabotage de nos conditions de travail : les jeunes ne veulent plus s’installer, beaucoup de ceux qui ont tenté l’aventure libérale abandonnent et se tournent vers le salariat.
Bof, répondront certains (très nombreux, d’ailleurs, vu la démographie catastrophique de notre profession) Bof, je prends bientôt ma retraite tout ça ne me concerne plus !
EH BIEN SI, JUSTEMENT !!!
Parce que le coup de pied de l’âne à notre beau métier, l’estocade, l’outrage ultime, c’est la disparition de notre caisse de retraite, et le vol des réserves que nous avons constituées, durement, ces vingt-cinq dernières années, par notre travail.
Ces réserves, avec celles des autres libéraux comme les avocats, vont permettre au gouvernement de faire passer la pilule de la réfome, en servant une retraite majorée dans les premières années de sa mise en place.
Mais il n’y en aura que pour deux ans, trois au maximum, et après, une fois les caisses vidées, toutes les pensions baisseront. Et on nous dira alors qu’il est trop tard pour revenir en arrière.
Comment a-t-on pu en arriver là ?
Avant tout, il faut bien l’avouer, par l’incroyable inertie des confrères. La médecine libérale est sans doute la profession qui se défend le moins, à qui l’on peut tout faire. « Cocus, mais contents », telle semble être notre devise.
En partie aussi, par les divisions soigneusement entretenues par nos dirigeants, en saupoudrant quelques avantages par-ci par là, avec quelques belles paroles et médailles en chocolats. Et également en offrant des prébendes aux responsables syndicaux qui ont bien tenu le troupeau tranquille durant leur mandat !
Et pourtant. Nous restons indispensables à la société. Notre travail si dénigré et mal compris dans les ministères ne peut être fait uniquement par l’hôpital, à 200€ par passage.
C’est certainement la dernière occasion qui nous est offerte de sauver la médecine libérale, et de permettre à nos patients d’être soignés par des professionnels compétents, consciencieux, et heureux d’exercer. Sinon, demain, vous risquez d’être réduits à travailler jusqu’au bout de vos forces, pour tenter de maintenir un niveau de vie correct, ou d’aider vos enfants, ou simplement par fidélité pour vos patients qui ne trouveront plus de soignant compétent. Ce n’est pas le scénario catastrophe d’un mauvais film, c’est exactement ce qui va se passer si vous ne vous remuez pas, pour une fois, le derrière !!
Et donc, que pouvons-nous faire ?
Il faut bien l’avouer, la seule action qui ait des chance de faire bouger les choses, le seul moyen de faire comprendre à ces messieurs – dames des ministères que notre travail est indispensable à la nation, c’est justement d’arrêter de l’exercer. Je ne parle pas d’une grève dure, où les médecins partent en vacances tous en même temps (bien que ce serait certainement le moyen le plus rapide et le moins coûteux d’être enfin écoutés), mais nous avons tous des patients fidèles dont l’état de santé ne nous permet pas de les abandonner, et des charges fixes qu’il faut bien honorer.
Non, mais un « allègement » de notre travail, en refusant l’administratif (revenir aux anciens formulaires, disponibles sur le net), en ne consultant qu’un jour sur deux (ou moins), en refusant les nouveaux patients, en envoyant le patients aux urgences dès que possible,… ferait déjà réfléchir en haut lieu. Il faut aussi agir dans ma durée, une grève d’un jour ne sert qu’à nous faire perdre de l’argent et à réjouir les autorités.
Et il ne faudrait pas se limiter à la revendication de sauver la CARMF, pour une fois que nous nous levons pour refuser les mesures indignes prises contre la médecine libérale, il faut demander également une vraie revalorisation des actes, pour s’approcher du standard européen, la fin de la ROSP, des prescriptions réservées, etc
La liste de nos revendications est longue et pourra faire l’objet d’un autre texte
Contre le vol de notre caisse de retraite et pour sauver la médecine libérale, levons tous le pied à partir du 3 février prochain.