Au début, ces avis Google me chagrinaient ; chaque avis négatif me touchait dans mon « moi » profond. Il n’est jamais bien agréable de voir écorner son image, mais c’est encore plus blessant lorsque cela se fait publiquement, et encore davantage lorsqu’on ignore l’étendue du public. Sur Internet, on a vite fait de considérer que c’est la planète entière.
Alors, pour soigner ma blessure narcissique, j’ai fait ce que sans doute beaucoup d’entre vous ont fait, j’ai demandé à quelques amis sûrs de rédiger quelques commentaires élogieux, histoire d’augmenter ma moyenne. Parfois, lorsque je parvenais à identifier la personne, je lui téléphonais pour tenter l’aplanir le malentendu, et j’ai ainsi réussi à supprimer quelques commentaires désobligeants.
Bref, j’ai soigné ce qu’il est convenu d’appeler ma « E-réputation ».
Puis, lassé de l’exercice, j’ai laissé tomber.
Et aussi curieux que cela puisse paraitre : mes malades aussi.
Il y a d’abord très certainement un effet de mode, et le réflexe d’aller tout de suite écrire une « crasse » sur Google en sortant d’une consultation qui s’est mal passée s’est sans doute amoindri. Mais il y a également un autre phénomène auquel je n’avais pas réfléchi de prime abord ; et si ces avis négatifs nous rendaient service ?
Tout le monde ne va pas sur Google avant de choisir un médecin, je dirais même que ce comportement est très largement minoritaire. Je ne sais pas si des sociologues se sont penchés sur la question, mais ce comportement me semble correspondre à un profil psychologique assez particulier. Ce sont les mêmes qui émettent des avis et qui les lisent, et si vous êtes gratifiés d’un bon nombre d’avis négatifs avec des commentaires franchement désobligeants, ceux qui les liront (et qui sont donc susceptibles d’en émettre d’autres) vont s’éloigner. Et c’est plutôt une bonne nouvelle, car non seulement votre « ego » en sera préservé, mais en plus, comme ce sont des malades « chiants » pour la plupart, vos consultations n’en seront que plus agréables.
Cela fait assez longtemps que je n’ai pas eu de commentaire négatif, et du coup, je n’ai plus que des commentaires élogieux, et c’est là que je flippe !
Je n’en suis pas encore à demander à des copains d’aller mettre des avis négatifs, mais je reste perplexe lorsqu’un malade me dit qu’il m’a choisi parce que j’ai beaucoup d’avis positifs sur Internet.
Disons que comme il est difficile de se déjuger, j’imagine que si je déplais à quelqu’un qui m’a ainsi choisi, il n’osera pas aller l’écrire… Mais je n’en suis pas certain.
Au fond, je crois que la meilleure façon de traiter sa « E-réputation » rejoint le traitement des acouphènes, il faut la traiter par l’indifférence.
Mais, tout comme ce qui concerne les acouphènes, il faut avouer que ce n’est pas facile.
Ne dit-on pas qu’on a les oreilles qui sifflent lorsqu’on dit du mal de nous ?
Marc Barthez – ORL – Chambéry