« Tiens, tu es encore là, toi ? »
Eh oui, j’aime bien ces assises de Nice, et je dirais d’autant plus qu’elles se passent à Cannes, ça fait un petit côté festival qui n’est pas désagréable.
Et on est tout autant étonné de s’y retrouver, que de retrouver les copains qu’on pensait être partis à la retraite. Disons que ceux qui sont partis ne viennent pas nous rencontrer, mais ils ont tort, ils devraient.
Et si je reste toujours très admiratif devant l’exposé, vidéos à l’appui, de techniques chirurgicales que je ne ferai jamais. Tout comme l’an dernier, je me suis plutôt intéressé à ce qui continue de faire mon exercice quotidien. C’est ainsi que mon attention a été attirée vers un atelier sur les troubles de l’équilibre de la personne âgée.
Cette question me met souvent en grande difficulté : Je garde en mémoire cette grand-mère hospitalisée en service de rééducation suite à une fracture du col du fémur, qui m’a été amenée en fauteuil et qui ne tenait pas debout, elle souffrait de troubles cognitifs, et décrivait une séméiologie fonctionnelle atypique, qui certes pouvait évoquer un VPPB, mais la manœuvre de Hallpike, même au fauteuil était rigoureusement impossible à réaliser. La pauvre grand-mère souffrant de surcroit d’une arthrose rachidienne sévère. Il ne lui manquait plus que la DMLA ! Quand l’interrogatoire devient difficile et l’examen clinique quasi-impossible, que faire ? Une épreuve calorique ? Une IRM ? N’y a-t-il pas un moment où il apparait plus raisonnable de s’abstenir ?
C’est ainsi que cet exposé sur les troubles de l’équilibre de la personne âgée m’a donné en quelque sorte une vision de l’avenir. Et lorsque je vois une personne âgée qui tient à peine debout, je me dis in petto : « Bon Dieu, pourvu que ça ne m’arrive pas ! »
Beaucoup de choses intéressantes dans cet atelier, j’ai un peu mieux compris le terme de « presbyvestibulie », bien noté la fréquence du VPPB qui augmentait avec l’âge, et que la personne âgée avait de plus en plus de mal à décrire au fur et à mesure qu’elle vieillissait. Et surtout, j’ai noté que le vestibule était loin d’être le seul en cause dans ces troubles de l’équilibre du grand âge, et que les anti-vertigineux qui sont prescrits par réflexe, histoire de prescrire quelque chose, sont la plupart du temps rigoureusement inefficaces dans ces cas.
Bref, tout ça, je m’en doutais un peu, mais c’est mieux quand c’est dit.
A noter également la fréquence certainement sous-estimée des causes iatrogènes chez ces patients volontiers polymédicamentés. Tout comme en réa, à partir de trois tuyaux, le malade est en danger ; à partir de cinq lignes sur l’ordonnance, la personne âgée augmente ses risques de chute.
Bref, je suis ressorti bien armé pour affronter mes prochains vertigineux… Avec cependant toujours le même embarras ce matin devant ce malade en fauteuil :
Là, on perçoit immédiatement la détresse du patient, et tout autant celle de son entourage : Il faut absolument proposer quelque chose. Tout d’un coup, on est sommé d’être le sauveur à la hauteur de la situation.
Vient ensuite la phrase qui tue :
La suite, vous la connaissez aussi bien que moi : Lorsque l’examen clinique vestibulaire est possible, il est le plus souvent normal, tout comme la VNS. Si la manœuvre de Hallpike est positive, Bingo ! C’est que du bonheur.
Après il arrive tout de même que le patient arrive à bien décrire une séméiologie fonctionnelle typique, il arrive tout autant que l’on découvre un Parkinson ou une insuffisance cérébelleuse, ne soyons pas négatifs, mais avouez qu’il est tout de même très fréquent qu’avec toute notre science, un interrogatoire soigneux et un examen clinique et VNS complet, nous soyons rigoureusement incapables de répondre à la question :
Alors, « presbyvestibulie » ? Pourquoi pas ? L’essentiel n’est-il pas de répondre quelque chose ! Et surtout de mettre un mot qui ait un peu plus de « classe », bref, de ne pas passer pour un nul. Mais avouons tout de même que cela revient à dire la même chose que : « c’est l’âge, la vieillesse », « vous n’avez plus vingt ans ».
Enfin, si j’ai bien tout compris !
S’il y avait un truc pour ne pas vieillir, je crois que ça se saurait ! Mais comme je le dis souvent, c’est ça ou mourir jeune ; et si j’ai conscience de vieillir, c’est au moins la preuve que je suis encore en vie.
Quant à bien vieillir, c’est une autre histoire !