Le 21 novembre 2023, la revue « Que Choisir » a publié un éditorial intitulé « J’accuse l’Etat », mettant en lumière les disparités dans l’accès aux soins de santé en France.
La revue a réitéré, avec une opiniâtre constance, depuis plus d’une décennie, son appel à une régulation plus stricte de l’installation des médecins en exercice libéral. Elle souligne l’incohérence de cette situation, en la comparant avec les règles existantes pour d’autres professions libérales telles que les sages-femmes, les infirmières, les kinésithérapeutes et plus récemment les dentistes. Ces règles auraient prouvé, selon la revue, leur efficacité pour un meilleur accès aux soins à travers le pays, remettant en question la liberté d’installation des médecins libéraux et dénonce « le spectacle affligeant d’un gouvernement faisant preuve d’immobilisme ».
Depuis plus de 150 ans, la répartition des médecins en France est étroitement liée à la proximité des facultés de médecine. Cette tendance, clairement mise en évidence par une série de cartes historiques*, montre que les territoires abritant des universités de médecine ont constamment bénéficié d’une meilleure dotation en médecins. Ce phénomène de métropolisation de l’offre de santé ne concerne pas seulement les médecins libéraux mais également les équipements hospitaliers.
Dans un récent communiqué de presse la Direction de la Recherche des Etudes de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) rappelle que l’accessibilité aux médecins généralistes continue de se dégrader en 2022, en raison de la poursuite de la baisse du nombre de médecins généralistes libéraux ainsi que de la croissance de la population mais que cette dégradation s’effectue néanmoins à un rythme moins important que les années précédentes (-0,8 % contre -1,8 % par an en moyenne entre 2015 et 2021).
La DREES confirme également, une fois de plus, que les médecins généralistes libéraux sont les professionnels de santé les mieux répartis sur l’ensemble du territoire français. Cette répartition est évaluée en comparant l’accessibilité moyenne des 10 % de la population ayant la meilleure dotation en médecins généralistes à celle des 10 % les moins bien dotés, donnant un ratio de 3,9. Ce chiffre est nettement inférieur à ceux d’autres professions de santé comme les chirurgiens-dentistes qui affichent un ratio de 7,8, les kinésithérapeutes de 6,7, les infirmières de 6,1, et les sages-femmes de 5,2, dont l’installation est pourtant réglementée
A une période où l’attractivité de la médecine libérale est au cœur des discussions des négociations conventionnelles, le fait de relancer le débat sur la coercition à l’installation des médecins libéraux représente un signal particulièrement inquiétant pour l’ensemble du monde libéral.
* Emmanuel Vigneron. Inégalités de santé, inégalités de soins dans les territoires français. Les Tribunes de la santé 2013/1 (N°38) pages 41 à 53