Merci au Docteur Maudrux pour ce nouveau courrier écrit sans ambages et bravo pour son courage inlassable de mettre en mots le constat issu de sa longue expérience, au prix de sa propre tête à la présidence de la CARMF. Cette lettre du Docteur Maudrux dit une fois de plus ce que les hommes lucides et non compromis disent tout bas. Puisse le Docteur Maudrux avoir raison lorsqu’il promet qu’un tarif de 55 € la consultation pourrait équilibrer les comptes de notre CARMF et offrir aux futurs retraités une pension plus que correcte en ressuscitant les vocations libérales ! Son rêve de bonne gestion aurait pu devenir une solution réalisable si une minorité autocratique n’en avait pas décidé autrement et ne s’apprêtait pas à faire sans lui, piétinant par la même occasion la majorité des médecins de terrain qui l’ont élu démocratiquement. Pourvu que ces confrères dont il a le soutien comprennent le message édifiant de leur Président et comment ils ont l’avenir de la médecine indépendante en leurs mains ! Le Docteur Maudrux a raison de souligner que la démocratie ne semble plus respectée, dans ce domaine comme dans d’autres, dans notre pays qui dit pourtant vouloir montrer les atouts d’une république exemplaire, avec comme devise « Liberté, égalité, fraternité » et comme symbole la Sécurité sociale, édifice exemplaire du droit pour chacun d’être soigné sans différence avec quiconque. La puissance de certains, qui conjugue le déni du respect de l’avis du terrain avec parfois l’incompétence, leur arroge le droit de ne plus se remettre en question, en entraînant la faillite de ces systèmes solidaires et des valeurs qu’ils portent, et il est logique, comme le Docteur Maudrux, de parler de dictature. Personnellement, je me suis aperçue du premier pas de cette dictature administrative lors de la fermeture arbitraire et sans préavis de l’accès au secteur 2 en 1989 : j’étais alors très jeune installée comme généraliste secteur 1, toute pétrie de ma vocation médicale et certaine de pouvoir, comme mes aînés, être honorée de ce dévouement au prix respectable que me conféraient mes longues études, mes responsabilités et les soins consciencieux que j’apportais à ceux qui me faisaient confiance. Hélas, depuis près de 30 ans, le respect de mon investissement s’est amenuisé, mes honoraires se sont ridiculisés aux yeux de mes confrères européens, mon pouvoir d’achat a fondu par rapport à celui que j’aurais pu espérer, mes charges ont été croissantes, mes avantages de secteur 1 ont été détournés peu à peu, l’Assurance Maladie a chargé ma barque d’une partie de son travail d’assureur et de contrôleur, même si j’ai refusé certains de ces transferts comme la télétransmission ou le remplissage assujettissant des cases du ROSP. L’obligation prochaine du tiers-payant que mon serment d’Hippocrate me fait proposer sans hésitation à ceux qui le nécessitent, aura raison de mon indépendance pourtant nécessaire à la dispensation de soins justes et consciencieux. Le puzzle sournois des financiers finira par diluer la distinction entre honoraires d’une part et remboursements aux cotisants d’autre part, les avantages de la profession libérale de médecin auront disparu au profit de ses inconvénients, les jeunes médecins qui boudent l’exercice libéral l’ont bien compris ! Ma fin de carrière dans un paysage désertifié de ses médecins promet un exercice à l’abattage peu conforme à mes valeurs et ma retraite s’annonce sombre, et de plus, je m’interroge de qui et comment je serai soignée… Le carrosse de l’excellence de la médecine à la française deviendra une citrouille sans saveur, et à coup sûr moins appréciée des Français auxquels on l’aura servie en plat gratuit mais non choisi. La responsabilité de cette soupe à la citrouille non dénuée de risque sanitaire en reviendra à ceux qui ont ôté au monde médical la baguette d’un exercice serein et respecté. Je souhaite que ce courrier du Docteur Maudrux donne envie aux médecins de terrain de reprendre leur baguette. Mais presque trente ans d’exercice m’ont appris que le bon médecin dévoué pouvait accepter bien des promesses jamais tenues, se contenter d’aumônes de 2 euros quand 20 seraient nécessaires, se faire dépouiller sans broncher, et même redemander le bâton pour se faire battre ! Dans l’élaboration du menu de l’exercice médical, le plat de couleuvres servi depuis trente ans à la table des négociations professionnelles accompagne remarquablement bien le traditionnel plat de lentilles bientôt rejoint par notre citrouille! Même si le vent des élections faisait virer de bord la barque en train de chavirer, une partie du mal est fait, ici comme dans le reste du pays. Peut-être que la disparition de l’essence même des valeurs médicales, et l’abnégation de son serment d’Hippocrate qu’on veut lui faire abjurer réveillera-t-elle le sursaut salvateur, la petite révolution des mentalités chez nos confrères le nez dans le guidon et chez nos concitoyens pas encore assez malheureux dans leur majorité malgré la misère intolérable qui croît dans notre beau pays des droits de l’homme ! Allez, Docteur Maudrux, croisons-les doigts pour que votre rêve devienne peut-être bientôt réalité