- A l’heure où la CNAM et son Directeur Général Thomas Fatôme, à travers leur CET (contrat d’engagement territorial), souhaiteraient nous faire travailler plus pour gagner moins;
- alors que les médecins libéraux travaillent déjà en moyenne 55 heures par semaine, 225 jours par an (contre 218 jours pour un cadre au forfait);
- alors que la file active des médecins généralistes a augmenté entre 2016 et 2021 ainsi que le nombre d’actes par jour travaillé;
- alors que le CNOM souligne également qu’en 2021, la part des territoires effectivement couverts par une prise en charge ambulatoire s’élevait à 96 % les week-ends et jours fériés, et à 95 % les soirées en semaine (sans repos compensateur);
- et à l’écoute des déclarations du ministre de la santé François Braun sur Europe 1 le 3 février 2023, qui a dit, je cite « On doit pouvoir avoir un médecin traitant quand on en a besoin, même si c’est le week-end» ou « Je veux qu’on ait accès à un médecin (libéral) la nuit »,
rappelons que l’article L. 4121-1 du Code du Travail stipule que l’employeur a l’obligation de prévenir les risques professionnels, dont les risques psychosociaux.
Le rapport, dit Gollac, du Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail les a définis comme « les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental »
Six catégories de facteurs de risques peuvent exposer les travailleurs à des troubles psychiques (dépression, trouble anxieux) ou des maladies cardio-vasculaires :
- Intensité et temps de travail : Surcharge de travail, existence d’objectifs irréalistes ou flous, longues journées de travail, instructions contradictoires, travail en horaires atypiques, imprévisibilité des horaires de travail
- Un travail exigeant émotionnellement : tension avec le public, contact avec la souffrance ou la détresse humaine, exigence de devoir cacher ses émotions
- Un manque d’autonomie : faibles marges de manœuvres pour faire son travail, rythme de travail imposé, ne pas participer aux décisions
- Des rapports sociaux au travail dégradé : des relations conflictuelles avec les collègues ou la hiérarchie, aucune perspective de carrière, un déficit de reconnaissance
- Des conflits de valeurs : ne pas pouvoir faire un travail de qualité
- Une insécurité au travail : incertitude sur l’avenir de son métier, restructurations, non maintien du niveau de son salaire
L’épuisement professionnel ou Burn-out, est reconnu par l’OMS depuis 2020 comme un syndrome d’épuisement spécifiquement professionnel, dont la prévalence (1-2) a été évaluée en France à 49% des médecins (48% des médecins généralistes, 52% des internes, 44% des anesthésistes et 57% des urgentistes).
Il est donc frappant de constater le contraste saisissant entre des médecins libéraux refusant avec force la validation des fameux items de chacun des 4 paniers proposés par la CNAM dans le cadre du funeste CET, alors qu’ils remplissent pour la très grande majorité d’entre eux l’ensemble des six critères aboutissant à des troubles psychiques ou cardio-vasculaires majeurs. C’est avec cynisme que l’assurance maladie nous demande de travailler toujours plus, d’assurer des gardes de nuit de PDSA sans repos compensateur, de participer à la régulation et à l’effection du SAS, de travailler au moins 35 samedis matin par an, d’augmenter encore plus notre file active de patients, de participer à une réserve libérale sur sollicitation de l’ARS, de participer aux missions de la CPTS….Quel salarié pourrait supporter ce stress au travail, ce harcèlement moral et cette violence liée au travail ?
Le suicide des médecins, une réalité effrayante, une souffrance taboue. En effet, les médecins se suicident en moyenne 2,5 fois plus que le reste de la population, dans le plus grand anonymat. Deux médecins canadiens, un psychiatre, le Dr Joy Albuquerque, et un généraliste, le Dr Sarah Tulk, démontrent en 2019 dans le « Canadian Medical Association Journal » que le suicide est un risque professionnel pour les médecins. Les auteurs rapportent que le suicide « est la seule cause de mortalité qui est plus élevée chez les médecins que les non-médecins ».
Monsieur le ministre, la santé des médecins doit être une de vos préoccupations absolue, au même titre que celle de l’ensemble de nos concitoyens, et malheureusement vous regardez ailleurs.
Il est donc urgent, au risque d’aggraver encore plus la situation sanitaire de notre pays, de mettre en place des stratégies préventives visant à améliorer la souffrance morale et physique de l’ensemble du corps médical.
Monsieur le ministre François Braun, monsieur le Directeur Général Thomas Fatome, il parait grand temps de distinguer l’illusion de la vérité concernant l’accès aux soins. On peut définir la vérité comme étant la connaissance de ce qui est vrai et conforme avec la réalité. La recherche de la vérité implique donc que l’on puisse atteindre un certain niveau de lucidité et de compréhension de la situation. L’illusion, au contraire, consiste à croire ou faire croire au Français des choses fausses, à décrire une situation qui semble être différente de ce qu’elle est réellement.
Il me semble donc fondamental d’écouter enfin la désespérance des médecins de terrain, ces médecins qui sont au contact quotidien des Français, au risque malheureusement de devoir vous passer d’eux à court terme en raison d’un épuisement professionnel particulièrement sévère.
Kansoun Z, Boyer L, Hodgkinson M, Villes V, Lançon C, Fond G. J Affect Disord. 2019 Mar 1;246:132-147. doi: 10.1016/j.jad.2018.12.056. Epub 2018 Dec 18. PMID: 3058019
Dutheil F, Parreira LM, Eismann J, Lesage FX, Balayssac D, Lambert C, Clinchamps M, Pezet D, Pereira B, Le Roy B. Int J Environ Res Public Health. 2021 Nov 16;18(22):12044. doi: 10.3390/ijerph182212044. PMID: 34831796
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