Gagner des médecins, ou du temps médecin.

L’accès aux soins et le fait que chaque français puisse avoir un médecin traitant sont deux préoccupations majeures de la CNAM (et c’est très louable).

Tellement majeures qu’il ne se passe pas UNE réunion sans qu’on nous serine  » 6 millions de patients sans médecin traitant dont 600000 en ALD en France  » (ou la variante avec les chiffres locaux selon la structure départementale ou régionale).

On en viendrait presque à se demander si c’est bien la qualité des soins qui préoccupe la CNAM, ou le fait de pouvoir mettre un nom de médecin traitant en face de chaque nom de patient !

Nous avons à la FMF des pistes (sérieuses) pour améliorer la situation, qui curieusement ne sont pas celles retenues par la CNAM.

 

La CNAM nous assure qu’une patientèle « moyenne » est de 1000 patients. Il ne manquerait donc « que » 6000 médecins (généralistes en fait) pour combler les vœux de M. Fatôme.

Alors la  première piste, la plus évidente, est de favoriser les installations. On s’accorde en général pour dire que 20% des diplômés n’exercent pas la médecine, ou du moins ne font pas du soin. Comme il existe 226000 médecins inscrits à l’Ordre, ça représente tout de même la bagatelle de plus de 20000 médecins, dont certains pourraient être sensible à une amélioration des conditions de l’exercice libéral.

Le choc d’attractivité que nous réclamons c’est d’augmenter massivement les rémunérations, de les simplifier, et de ne pas les lier à des forfaits illisibles, et qui peuvent disparaître du jour au lendemain par un tour de passepasse sur leurs conditions d’attribution.
Parce qu’un médecin qui gagne plus peut plus facilement investir dans son outil de travail, ses locaux, son matériel, et du personnel pour l’aider.
Et parmi ces moyens d’augmenter la rémunération figure en bonne place la possibilité de cumul des actes dans une même séance : gain important de temps, de disponibilité, d’efficacité, et au final d’argent. Comme souvent, un investissement qui peut sembler coûteux devient rapidement rentable à moyen terme.

Malheureusement actuellement c’est totalement inaudible pour la CNAM.

Un deuxième moyen est la réduction du temps administratif. Libérer du temps administratif permet de le consacrer du temps médical.

La DREES estime à 10% le temps administratif des médecins libéraux, soit 5h30 par semaine pour 54 h de travail au total.

Mais d’autres études des URPS ou une thèse récente estiment ce temps à 20%, voire 30%

Un calcul un peu brut pourrait donc retrouver 12000 à 36000 Equivalent-temps-plein (ETP) médecins en supprimant totalement l’administratif des 120000 médecins libéraux français.
C’est évidemment impossible, mais on peut s’en approcher.

Simplement là encore les médecins et la CNAM ne voient pas les choses de la même façon :

Les médecins pensent « suppression ».
La CNAM pense « délégation ».

La CNAM prône les assistants médicaux, qui peuvent être utiles, voire très utiles, mais dont les conditions d’attributions écartent une très grande partie des médecins, faute de locaux, faute de possibilité d’ « upgrader » un poste existant en poste d’assistant, faute d’exercice dans les critères léonins de la convention.
Elle pense aussi qu’une utilisation massive des téléservices est LA solution à tous nos problèmes, alors qu’ils en sont parfois la cause :

  • Téléservices inadaptés ;
  • non intégrés aux logiciels (le service ATMPi n’est toujours pas revenu depuis le mois de mai et  la déclaration des ALD depuis les logiciels est une utopie) ;
  • non généralisés à tous les organismes d’assurance maladie.

Alors que nous réclamons depuis des lustres les mêmes mesures de bon sens, qui ne sont pas du ressort de la CNAM, mais qu’elle pourrait appuyer :

  • l’application de la circulaire de 2011 sur la rationalisation des certificats ;
  • la possibilité pour les les patients qui ne consultent QUE pour un arrêt de 1 à 3 jours (et n’ont même pas besoin d’un traitement) de s’autodéclarer sur declare.ameli.fr comme le font tous ceux qui sont positifs au Covid ;
  • la possibilité pour les parents qui ont besoin de « jours enfants malades » de les prendre sur simple déclaration sur l’honneur à leur employeur ;
  • la suppression du certificat pour inscrire un bébé à la crèche ;
  • la suppression de même pour les cantines et centres aérés en cas d’absence pour cause de maladie sans exiger une consultation facturée 25 ou 30 € à la communauté pour ne pas facturer 3 à 5 € l’absence d’un enfant ;
  • de façon générale, l’abolition d’une foultitude de « certifalacon » tous plus délirants les uns que les autres pour tout et n’importe quoi, et souvent sans aucune base légale ;
  • la fin des duplicatas pour les dégradés.

Nous avons porté (une nouvelle fois !) ces demande lors de la réunion avec Pierre Albertini, chargé d’une « Mission Flash » sur le sujet, malheureusement sans beaucoup de succès. A noter que ces tâches totalement inutiles ne sont PAS délégables.

Enfin, on peut régler, ou au moins améliorer le problème récurrent des rendez-vous non honorés.

Ils atteignent le chiffre astronomiques de 28 millions par an ! soit, à raison de 4500 à 5000 actes en moyenne par médecin et par an, l’équivalent de l’activité annuelle de 6000 médecins. 

Tiens donc, justement le nombre qui nous manque pour fournir un médecin traitant à tous !
Peut-être le gouvernement pourrait-il réfléchir à des mesures incitatives pour favoriser le civisme ?

 

Donc si on compte bien on peut espérer gagner quelques milliers de médecins « réels », si la revalorisation est suffisante, 6000 à 18000 ETP  en délégant ou en supprimant la moitié du travail administratif, et 6000 ETP en supprimant les rendez-vous non honorés. Donc, facilement et rapidement, bien plus que nécessaire pour rendre à nouveau l’exercice libéral vivable, voire agréable, et la vie des patients plus facile.
Mais ça nécessite un fort investissement du gouvernement avant le retour sur investissement.

 

Evidemment ça ne réglera pas non plus tous les problèmes, parce que la signature d’un contrat médecin traitant n’est pas la panacée universelle, sauf pour les comptes de la CNAM.

Signer une déclaration médecin traitant est facile à faire, mais sommes-nous pour autant prêts à le faire si on n’a pas les moyens de soigner ce nouveau patient correctement ? si on n’a pas d’accès facile aux avis de second recours, pas d’accès facile à l’hospitalisation, et toujours par contre des contrôles tatillons sur nos prises en charge ?
Tout n’est pas qu’une question d’argent ou de nombre de médecins.