Il y a deux ans j’avais regretté que la LFSS 2021 oubliait les libéraux. J’avais tort ! Mieux vaut être oublié que matraqué comme le fait le PLFSS 2023 !
Parcourons-le un peu :
L’article 23 impose (dans un texte où elle n’a rien à faire) la 4ème année d’internat aux internes de médecine générale, sans aucune concertation, et préférentiellement dans les zones de difficulté d’accès aux soins.
L’article 26 crée un conseil consultatif de l’imagerie médicale, composé de membres « volontaires », tellement volontaires qu’il pourra y avoir des nominations autoritaires en cas de carence de volontaires. Ces même volontaires, s’ils ne sont pas en mesure de répondre ou s’ils refusent de répondre aux interrogations de l’assurance maladie, seront taxés d’une amende de 1% des aides à l’acquisition du matériel d’imagerie versées les 12 mois précédents ! Et à quoi sert ce conseil ? à finaliser plus finement et plus rapidement les baisses (le texte parle d’actualisation, mais dans les faits ce sont toujours des baisses) de tarifs fixées arbitrairement par l’UNCAM en application de l’article 99 de la LFSS 2017 dont nous réclamons pourtant l’abrogation depuis 6 ans bientôt. Donc on demande aux radiologues d’aider l’UNCAM à fixer leurs propres baisses de tarif, sous peine d’amende s’ils ne collaborent pas.
L’article 27 oblige les biologistes à signer avant le 1er février 2023 la nouvelle convention (qui pourtant a jusqu’au 31/03/2023 pour être signée par les syndicats représentatifs) et à trouver 250 millions d’économies sur les actes de biologie. A défaut, la CNAM se chargera de le faire. Les biologistes ont pourtant été depuis 2 ans ½ au premier plan de la lutte contre le Covid et leur rôle dans le diagnostic a été primordial, au prix évidemment d’une hausse de leur activité. Le « quoi qu’il en coûte » c’est vraiment fini pour les médecins !
Et avec l’article 44 on atteint le sublime ! Les CPAM font des contrôles d’activité des libéraux, c’est bien connu. Pas toujours dans les règles, ça l’est moins. Mais ces pauvres malheureux du service médical n’ont pas le personnel suffisant ! et donc ils ont eu cette merveilleuse idée : ils vont échantillonner une période de quelques mois (au lieu des 3 ans habituels), relever les erreurs ou les fautes de facturation, et extrapoler à 3 ans pour calculer le montant de l’indu !!
Mais l’assurance maladie est magnanime : elle prévoit « une procédure contradictoire qui garantit les droits des personnes ou établissements contrôlés » ; avec toutefois ce piège ultime :
Lorsque la somme fixée en application de l’alinéa précédent recueille l’accord écrit du professionnel, distributeur ou établissement, son montant est opposable aux deux parties.
Ce qui signifie en français courant que si vous acceptez l’indu, vous reconnaissez par là-même être coupable et vous vous fermez la porte à toute contestation ultérieure. Et vous l’ouvrez toute grande à une procédure complémentaire de la CPAM en Commission des Pénalités pour une amende supplémentaire (non déductible du BNC) pouvant aller jusqu’à 50 % de l’indu.
C’est comme si la gendarmerie vous disait : « vous êtes passé 2 fois en 3 mois devant un radar en excès de vitesse, on peut donc penser que vous avez fait 24 excès de vitesse en 3 ans, on vous enlève 24 points sur votre permis et on vous demande de payer l’amende correspondant à 24 infractions ».
On savait la CNAM férue du délit statistique, mais là on arrive au délit potentiel statistique, néanmoins condamnable ! la présomption d’innocence est totalement bafouée. La CNAM est cependant habituée à de telles manipulations des chiffres. Pas plus tard que le 30/09/2022 elle a ainsi annoncé « entre 185 et 285 millions d’euros par an de fraudes pour les médecins généralistes libéraux » . Mais cette estimation est faussée dès le début puisque faite en ciblant 579 médecins aux prescriptions « atypiques ». Parmi eux 292 fraudeurs avérés et 4 millions d’euros de préjudice. Que la CNAM se permet d’extrapoler aux 57000 généralistes libéraux, alors que l’échantillon de base ayant été sélectionné soigneusement parmi les plus différents de la moyenne, comment peut-on faire une estimation de la fraude totale sur la base d’un échantillon non représentatif ? Sauf si la CNAM considère une fois de plus que nous sommes TOUS des fraudeurs.
La FMF recherche donc activement quelques députés pour déposer un amendement d’annulation de cet article.
Et enfin il y a l’article 47, qui fixe l’Ondam 2023 à seulement 3,7 % de progression, soit bien en deçà de l’inflation. Avec encore une différence de traitement pour les libéraux puisque si on regarde les chiffres de plus près l’Ondam des soins de ville progresse de 2,9 % seulement mais celui des établissements de santé de 4,1 %.
Mais quand il n’y en a plus, il y en a encore ! L’inénarrable député Thomas Mesnier, spécialiste des projets de loi coercitifs à l’installation, a eu ainsi la fabuleuse idée de déposer un amendement à l’article 22 pour ne permettre l’installation qu’en ZIP ou ZAC, ou uniquement en remplacement d’un médecin partant à la retraite en dehors de ces ZIP et ZAC (ce qui ne manquera pas de donner de la valeur aux patientèles de ces retraités). Et donc de supprimer toutes les aides à l’installation en ZIP et ZAC puisqu’elles ne seraient plus utiles ! Donc les nouveaux installés auraient le choix entre payer pour une patientèle hors zone déficitaire ou s’installer gratuitement en ZIP ou en ZAC, mais sans aucune aide à l’installation. On croit rêver ! Ou plutôt cauchemarder.
Le PLFSS 2023 est donc un très mauvais cru pour les libéraux.
Et d’ailleurs, puisque je parlais en début d’article de l’amnésie des politiques, que devient l’article 83 de la LFSS 2021 ? celui qui prévoyait de revoir les modalités de financement des syndicats représentatifs pour compenser le temps et l’investissement importants que représente l’action syndicale au détriment de notre activité professionnelle ? Au mieux il est au point mort, au pire il est abandonné, mais en tout cas on n’en entend plus parler !