La rentrée 2022 va apporter son lot de procédures MSO/MSAP au niveau de l’hexagone, comme si les IJ étaient un problème majeur alors que la démographie, l’hôpital, les urgences sont en souffrance.
Si en rentrant de vacances vous trouvez un avis de RAR, lisez cet article jusqu’au bout !
Comme tous les ans la CNAM a réalisé en 2022 une requête informatique sur son système SIAM-ERASME, dans le cadre des grands thèmes nationaux de recherche pour le contrôle des professionnels de santé (thème n°27) : « Activité d’un praticien – Activité d’un auxiliaire médical – Activité d’un tiers », pour cibler dans tous les départements les plus forts prescripteurs d’Indemnités journalières (IJ). Chaque CPAM reçoit la liste des médecins « à redresser ». Il s’agit très majoritairement de MG et la période d’observation des IJ s’étend du 01/11/2021 au 28/02/2022.
C’est une procédure 100% administrative, s’appuyant sur l’art. L 162-1-15 du code de la sécurité sociale (voir en fin d’article), à la main des directeurs de CPAM et les médecins conseils lorsqu’ils sont présents, ne le sont que pour donner un « habillage médical », d’où l’incompréhension des médecins incriminés, qui eux parlent malades et médecine, alors que le directeur parle de chiffres et de statistiques qu’il est beaucoup plus facile de « soigner » que des patients !
Mais quid de l’autorisation CNIL pour ce traitement informatique conformément aux préconisations de cet organisme ?
Quid de la décision n° 89-117 du 24 octobre 1989 exigeant l’information des Commissions Paritaires Locales (CPL) où exercent ces médecins de ces requêtes informatiques, de leurs motivations, de leur mise en route et de leurs résultats ?
Le système de traitement des données SIAM-ERASME a été autorisé par plusieurs délibérations de la CNIL que je rappelle ci-dessous :
- n° 88-31 du 22 mars 1988,
- n° 89-117 du 24 octobre 1989,
- n° 96-002 du 16 janvier 1996,
Mais la CNIL a émis un certain nombre de réserves qui s’imposent à l’assurance maladie.
La CNAM a d’ailleurs été rappelée à l’ordre par la CNIL en novembre 1991 sur ce point et la circulaire du 11 avril 1996 de la CNAMTS DGR n°36/96 rappelle par ailleurs cette obligation à toutes ses CPAM : « Les formalités spécifiques au thème 27 (Activité d’un praticien, d’un auxiliaire médical ou d’un tiers) étendues au thème 38 ( Activité des professionnels de santé, des tiers et des établissements de soins) doivent faire l’objet d’une information particulière des personnes intéressées (CNIL – Délib. du 24 octobre 1989) au travers des instances conventionnelles compétentes, CMPL ou autres. »
Constatant l’absence de respect de ces mesures, la FMF a donc déposé plainte sur ce motif auprès de la CNIL le 1er mars 2022, plainte enregistrée le 23 mars 2022 sous le n°22005853, et dans sa réponse du 17 mai 2022 La CNIL informe la FMF qu’elle « est intervenue auprès de la CNAM afin de lui rappeler ses obligations et l’alerter sur la nécessité de respecter les règles en vigueur. »
Manifestement la plupart des CPAM, en dépit des injonctions de la CNIL, continuent de ne pas les respecter étant donné qu’à la connaissance de la Cellule Juridique de la FMF, parmi la vague de procédures de Mise Sous Objectif (MSO)/Mise Sous Accord Préalable (MSAP) 2022, seul le département de la Loire (et je veux rendre ici hommage à la CPAM de Saint Étienne) a informé la CPL 42 d’une procédure de MSO !
A ce stade je souhaite faire un petit rappel historique de la procédure MSO/MSAP et donner les conseils de base aux médecins.
Au départ il n’y avait que la MSAP, mais cela surchargeait de travail la CPAM qui devait passer par la commission des pénalités (même si elle n’a qu’un avis consultatif), et le contrôle médical qui devait valider un à un chaque arrêt au cours de la période MSAP ! Dans mon expérience 99% des arrêts étaient validés ce qui prouvait que cette mesure était inutile voire inappropriée ! Sur la demande probable de la CNAM, le législateur a introduit la MSO qui décharge totalement le service médical et surcharge le médecin incriminé !
Tout médecin confronté à une mesure de MSO devrait par principe la refuser, mais attention le RAR arrive fréquemment au mois d’août pendant les vacances et en absence de réponse sous 15 jours, le médecin est réputé accepter la MSO !
Pourquoi refuser la MSO ?
L’accepter c’est accepter d’être coupable alors que les CPAM ne respectent pas le texte de l’article L.162-1-15 du code de la sécurité sociale en ce sens qu’elles ne respectent pas l’activité comparable ! Et l’analyse fine du RIAP des médecins retrouve la plupart du temps les raisons bien réelles d’un taux d’IJ supérieur à la moyenne.
L’accepter s’est se priver de tout recours juridique pour cette mesure inique.
L’accepter c’est se faire pénaliser à coup sûr au bout, l’objectif imposé par la CPAM étant inatteignable. Je rappelle pour mémoire que le médecin en MSAP n’est lui potentiellement pénalisé qu’à la 2è récidive ; et aucune pénalisation n’est intentée en France pour ce motif étant donné qu’il y a un Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) en embuscade, un juge ayant avancé que la MSAP n’était pas une sanction !
L’accepter c’est courir le risque de voir la CPAM revenir à la charge les années suivantes !
Si vous refusez la MSO la CPAM soit abandonnera, soit essayera de vous placer sous MSAP mais pour cela elle doit :
- Réunir la commission des pénalités où vous serez défendus par des confrères qui peuvent refuser la MSAP, mais le directeur peut « s’asseoir » sur leur décision mais dans ce cas
- Le directeur de la CPAM doit saisir le directeur de l’UNCAM.
- Si ce dernier valide la MSAP le médecin peut la contester devant le TA.
- Malheureusement dans mon expérience les juges rejettent les référés suspension jugeant « qu’il n’y a pas urgence » à agir dans cette procédure ! ce qui est un déni de droit étant donné que le jugement sur le fond interviendra alors que la période de MSAP a été effectuée. Raison pour laquelle la FMF réclame maintenant des dommages et intérêts quand le TA rejette une MSAP déjà effectuée.
Certaines CPAM comme sur le Rhône, privilégient la prévention et le dialogue en recevant les médecins ainsi ciblés au niveau de commissions où participent un administratif, un médecin conseil et un confrère de la CPL. Cela permet aux médecins d’entendre les problématiques des caisses et aux CPAM d’entendre ceux de médecins ! Cela demande du temps et un engagement mais c’est beaucoup plus efficace (les statistiques de la CPAM 69 le prouvent) que des procédures de MSO/MSAP autant inutiles qu’inappropriées.
Il y a en effet des pistes pour essayer d’optimiser la prescription d’IJ et surtout éviter la désinsertion professionnelle (50% des salariés en arrêt après 6 mois de durée). Quelques exemples :
- Arrêter systématiquement les arrêts le vendredi et non le dimanche lorsque le salarié ne travaille pas le week end,
- Solliciter systématiquement le médecin conseil via AMELI PRO lorsque le MG se rend compte que le salarié ne pourra plus travailler à temps plein pour envisager une mise en invalidité,
- Pour les accidents du travail, respecter la notion de consolidation,
- Faire la différence entre l’aptitude à travailler et l’aptitude au poste (qui dépend du médecin du travail), et lorsqu’un salarié ne va pas pouvoir réintégrer son poste, savoir provoquer une visite de pré reprise avec le médecin du travail afin d’organiser la visite de reprise, le salarié n’étant pas en arrêt…
A l’usage, la FMF pense que l’art L.162-1-15 est « mal né » apportant une solution inappropriée à un problème mal posé. Comment comparer l’activité d’un médecin à partir de critères administratifs alors que ce sont des paramètres médicaux qui caractérisent cette activité ?
Et je ne peux m’empêcher de rajouter deux remarques en conclusion :
- Les directeurs de CPAM qui opposent l’art L162-1-15 aux médecins devraient s’attacher à respecter de leur côté la législation informatique et liberté de la CNIL !
- Quant à nos parlementaires qui ont si mal rédigé cet article de loi, et qui aujourd’hui cherchent des remèdes (naturellement coercitifs) à la désertification médicale, ils devraient se rendre compte que ces contraintes à l’exercice libéral et le harcèlement qu’elles occasionnent en sont l’une des raisons !
Confraternellement
Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, Président de la FMF Auvergne Rhône-Alpes, CELLULE JURIDIQUE FMF
PS : Article L162-1-15 modifié par l’art. 61 de la Loi n° 2017-1836 du 30/12/2017 :
« I.- Le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut décider, après que le professionnel de santé a été mis en mesure de présenter ses observations et après avis de la commission prévue à l’article L. 114-17-1, à laquelle participent des professionnels de santé, de subordonner à l’accord préalable du service du contrôle médical, pour une durée ne pouvant excéder six mois, la couverture d’actes, produits ou prestations figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17 et L. 165-1 ainsi que des frais de transport ou le versement des indemnités journalières mentionnés, respectivement, au 2° de l’article L. 160-8 et à l’article L. 321-1 et aux 1° et 2° de l’article L. 431-1 du présent code ainsi qu’aux 1° et 2° de l’article L. 752-3 du code rural et de la pêche maritime, en cas de constatation par ce service :
1° Du non-respect par le professionnel de santé des conditions prévues, respectivement, au 2° de l’article L. 160-8 et à l’article L. 321-1 et au 1° ou au 2° de l’article L. 431-1 du présent code ainsi qu’aux 1° et 2° de l’article L. 752-3 du code rural et de la pêche maritime ;
2° Ou d’un nombre ou d’une durée d’arrêts de travail prescrits par le professionnel de santé et donnant lieu au versement d’indemnités journalières ou d’un nombre de tels arrêts de travail rapporté au nombre de patients pour lesquels au moins un acte ou une consultation a été facturé au cours de la période considérée significativement supérieurs aux données moyennes constatées, pour une activité comparable, pour les professionnels de santé exerçant la même profession dans le ressort de la même agence régionale de santé ou dans le ressort du même organisme local d’assurance maladie ; »