Ou quand les soutiens d’Alain JUPPE s’allient à la gauche pour choisir « le bâton »
« La matraque » est alors ressortie au sein de la commission des affaires sociales au cours des débats sur les amendements au PLFSS, et l’art 419 est présenté par Madame LE HOUEROU, député PS de la 4è circonscription des Côtes d’Armor : il enterre la liberté d’installation en instituant un conventionnement sélectif. L’amendement est adopté en commission avec le soutien de plusieurs députés de droite qui pensent pouvoir lutter ainsi contre la désertification. Raisonnement simpliste de responsables politiques qui méconnaissent totalement cette problématique et qui ignorent que leur décision, si elle était adoptée en séance, ne ferait qu’aggraver une situation déjà catastrophique !
Pour visionner la vidéo de cet échange :
La désertification n’est qu’un symptôme de la « maladie » et tout médecin qui se respecte vous dira que le traitement symptomatique n’est pas, par définition curatif, mais uniquement palliatif ! La désertification n’est que l’aspect visible du refus par les jeunes confrères de l’exercice libéral qui est devenu pour eux un véritable repoussoir. La faute à qui ? Aux responsables politiques qui se sont succédés au pouvoir depuis une trentaine d’années et qui ont rendu ce mode d’exercice intenable ! Intenable en terme de charge de travail, de responsabilités, de tracasseries administratives et réglementaires, en termes de déséquilibre d’un exercice qui se dit conventionnel et qui dans la réalité voit le partenaire CNAM tout puissant face au médecin libéral isolé. Les jeunes ont mille fois raison, et la FMF les soutient et dénonce ce problème depuis des années (voir les nombreux témoignages sur MEDIAPART). Et le choix du mode d’exercice est vite fait en faveur du salariat, en face il y a pléthore de places vacantes dans les hôpitaux.
Ces politiciens autant incompétents qu’irresponsables ont oublié que l’état peut certes imposer un conventionnement sélectif mais qu’il ne pourra jamais imposer à un médecin d’exercer en libéral !
Aujourd’hui les français récoltent les fruits des erreurs passées de leurs responsables politiques et ils en souffrent à la différence de nos anciens ministres et présidents qui eux ont leurs médecins personnels et les hôpitaux militaires pour les soigner. Combien de nos concitoyens n’ont même pas accès aujourd’hui à un médecin traitant au sens ne serait-ce qu’administratif du terme ?
Et pourtant ceux qui veulent faire notre bien sortent régulièrement de leur chapeau cette mesure coercitive qui va immanquablement faire rejeter encore plus l’exercice libéral par les jeunes : il faudrait qu’ils aillent travailler là ou leur conjoint ne pourrait le faire et là où les pouvoirs publics ont retiré toutes leurs administrations et services ? (Le dessin de Plantu qui illustre cet article résume avec talent cette situation !)
Les seuls qui à la rigueur seraient satisfaits par cette contrainte nouvelle sont les médecins des villes en passe de prendre leur retraite et qui pourraient revendre leur « droit à soigner » en zone dite sur dotée ! Encore que ce qualificatif laissé à l’appréciation des ARS est à observer à la loupe. En effet il ne tient pas compte de l’âge des médecins en place.
Face à cette évidence il y a pourtant des élus auto proclamés référents en santé, comme Jean-Louis COSTES (Député de la 3è circonscription du Lot-et-Garonne), soutien d’Alain JUPPE, qui s’en réjouissent !
« … Dans le cadre de la préparation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a examiné ce matin un amendement visant à étendre aux médecins libéraux un dispositif de régulation favorisant leur installation dans les zones rurales.
Cette proposition a donné lieu à un vif échange au sein de la commission.
Jean-Louis Costes, qui propose depuis longtemps cette solution pour lutter contre la désertification médicale, a défendu cet amendement et rallié à son point de vue beaucoup de ses collègues du groupe Les Républicains… L’amendement a été adopté, malgré l’avis très réservé de la rapporteur socialiste, et sera donc intégré au texte discuté en séance lors de l’examen du PLFSS 2017.
Face à la crise que traversent les territoires comme le Lot-et-Garonne, il est urgent de mobiliser l’ensemble des solutions possibles, en particulier lorsqu’elles ont déjà fait leurs preuves pour d’autres professions de santé (pharmaciens, infirmiers, sages-femmes…) »
Alors que Bruno LEMAIRE a totalement abandonné l’idée du conventionnement sélectif basé sur la question : pourquoi ne pourrait-on pas contraindre les médecins à s’installer où l’état le veut comme pour les gendarmes ou les instituteurs… NDLR : parce que justement il ne sont ni gendarmes ni instituteurs ! Comment un élu qui se dit responsable peut-il poser une interrogation aussi naïve ? Cette idée fait son chemin chez des élus du parti Les Républicains et il parait important de solliciter une réponse claire sur le sujet chez les principaux candidats aux primaires de la droite.
Les médecins sont perplexes, les plus mûrs se souviennent avec douleur du traitement que leur avait infligé Alain JUPPE en 1995, d’autres prétendent qu’il a changé et pour preuve citent ses paroles de repentir : « …Je n’ai pas su, à l’époque, vous dire mon attachement viscéral à la médecine libérale, aux valeurs qu’elle défend et au rôle social qu’elle remplit. Je n’ai pas su davantage vous convaincre que la réforme que je portais était la première étape d’une refondation de l’assurance-maladie en France. Je n’ai pas su vous convaincre qu’au-delà de l’équilibre financier, je souhaitais assurer la pérennité de la sécurité sociale… ».
Un doute m’envahit, est-ce que Mr JUPPE sait ou se souvient bien que la liberté d’installation fait partie des valeurs de la médecine libérale ?
Médecin libéral attaché aux valeurs de ce mode d’exercice depuis 35 ans, quand j’entends les déclarations d’un Jean-Louis COSTES, fidèle soutien d’Alain JUPPE, je ne peux que penser à la célèbre citation de Charles PASQUA : « Les promesses des hommes politiques n’engagent que ceux qui les reçoivent »
Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, Lyon 3è, Responsable de la CELLULE JURIDIQUE de la FMF