C’est la seule vraie surprise de la LFSS (Loi de financement de la sécurité sociale) 2021 : le principe d’indemnités journalières sans le délai de carence de 90 jours est enfin acté. Ça ne figurait absolument pas dans le PLFSS 2021.
Art. L. 622-2.-Les assurés mentionnés à l’article L. 640-1 bénéficient de prestations maladie en espèces dans les conditions prévues à l’article L. 622-1 sous réserve d’adaptations déterminées par décret, pris sur proposition du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales
Cette rédaction très alambiquée est difficile à décrypter (il y a des renvois en cascade de texte en texte …). Il en ressort tout de même que les libéraux pourront bénéficier d’indemnité journalières, versées par les régimes d’assurance maladie (et non plus par la CARMF), à partir du 1er juillet 2021. les modalités ne sont pas définies, mais on sait déjà que :
Les travailleurs indépendants relevant de l’article L. 640-1 sont redevables, pour la couverture de prestations maladie en espèces prévues à l’article L. 622-2, d’une cotisation supplémentaire assise sur les revenus d’activité mentionnés au premier alinéa du présent article, dans la limite d’un plafond. Pour les travailleurs indépendants ne relevant pas de l’article L. 613-7, cette cotisation supplémentaire ne peut être inférieure à un montant fixé par décret. Le taux et le plafond de cette cotisation supplémentaire sont fixés par décret sur proposition du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales.
Donc en pratique on sait
- que nous devrons payer une cotisation supplémentaire non définie actuellement
- qui nous donnera droit à des indemnités journalières pas plus définies
- et que ça doit rentrer en vigueur le 1er juillet 2021
mais rien de plus en fait.
Le problème étant que cette disposition concerne TOUTES les professions libérales sauf les avocats. Et que ces professions représentent un très large éventail d’exercices et de rémunérations. Le danger étant une non proportionalité des IJ par rapport aux cotisations pour favoriser les petits revenus : par exemple des IJ plafonnées à une base d’un PASS (plafond anuel de la sécurité sociale d’environ 40000 €) et des cotisations sur une base maximale de 5 PASS. Ce qui serait évidemment désavantageux pour la majorité des médecins libéraux.
La CARMF avait demandé depuis longtemps de pouvoir mettre en place un tel dispositif et avait même préparé un projet chiffré (faisabilité, projections, cotisations, prestations …). Cette initiative de la représentation nationale lui coupe l’herbe sous le pied.
Il est évident que cette nouvelle disposition doit faire l’objet d’une VRAIE négociation conventionnelle pour rédiger un avenant conventionnel qui lui sera entièrement consacré (il y en marre des avenants fourre-tout !) pour mettre au point tous ces détails … qui ne sont pas des détails. La CARMF est évidemment l’interlocuteur privilégié pour nous donner les données chiffrées nécessaires à la négociation.
Alors certes tout ne sera pas négociable puisque justement les cotisations et les IJ seront fixées par décret.
Mais on peut parfaitement négocier l’intégration de cette nouvelle cotisation dans les avantages conventionnels, lesquels ont été bien écornés (de 285 millions d’euros par an !) par la baisse de la cotisation maladie de 9,75 à 6,50 % qui n’a profité qu’à l’assurance maladie, et par la hausse de la CSG, dont la compensation n’a pas été totale pour les médecins secteur I.
Il est donc possible de réclamer la même prise en charge que pour la cotisation Assurance Maladie (donc un reste à charge de seulement 0,1% pour les médecins secteur I) ; on pourrait d’ailleurs y adjoindre l’intégration de l’AVAT, aux mêmes conditions.
Cette négociation éventuelle devrait toutefois démarrer (très) rapidement pour avoir une chance d’aboutir avant le 1er juillet 2021. Or M. Fatome a pour l’instant exclu toute négociation avant les élections URPS, ce qui ne laisserait alors aucune possibilité de négociation dans le court délai restant.
Autre question : la délégation à la CPAM du paiement des IJ (comme pour la COVID actuellement) ne s’appliquera-t-elle qu’à l’actuelle période de carence de 90 jours ? ou à la totalité de la période indemnisable ? et donc aurons-nous une diminution de notre cotisation CARMF ? Mes sources à la CARMF me disent que seule la période de 90 jours serait concernée, mais ce n’est écrit nulle part dans la LFSS.
Et les périodes d’arrêt de travail indemnisées seront-elles enfin défiscalisées pour les arrêts liés à une ALD comme dans le droit commun ?
Donc beaucoup de questions qui appellent des réponses précises.