Lorsqu’ils sont remplacés ou qu’ils ont un interne, la plupart des médecins prêtent à leur remplaçant ou à leur interne leur CPS (Carte de Professionnel de Santé) sans se rendre compte qu’ils se mettent en danger, ainsi que ces remplaçants ou internes.
En effet, ce prêt est considéré comme une fraude par la CNAM. Les sanctions, tant financières que pénales, peuvent donc être lourdes.
C’est aussi légalement une usurpation d’identité. La signature avec la CPS est considérée comme équivalente à une signature manuelle :
Pour les applications télématiques et informatiques du secteur de la santé, la signature électronique produite par la carte de professionnel de santé est reconnue par les administrations de l’Etat et les organismes de sécurité sociale comme garantissant l’identité et la qualité du titulaire de la carte ainsi que l’intégrité du document signé. Ainsi signés, les documents électroniques mentionnés à l’article L. 161-33 sont opposables à leur signataire.
Ce qui signifie que les documents signés avec une CPS prêtée peuvent être considérés comme des faux d’une part, mais aussi d’autre part qu’ils engagent la responsabilité du possesseur de la CPS et non celle du remplaçant ; par exemple en cas de récupération d’indu pour une prescription « en dehors des clous » de transport.
Enfin l’utilisation de la CPS pendant une période de congé peut être considérée comme une preuve de non respect de l’interdiction d’activité libérale quand on est remplacé ou du congé maternité, et donc ne pas permettre l’indemnisation de ce congé maternité.
Le prêt de la CPS est pourtant d’une très grande fréquence et d’une grande banalité. Il est même souvent permis, voire encouragé, par les CPAM, qui ferment les yeux, leur intérêt étant de favoriser la télétransmission (qui de plus est une obligation conventionnelle) et l’utilisation des téléservices, mais JAMAIS par écrit évidemment. Par écrit, j’ai reçu (il y a 7 ans déjà) cette réponse qui nie même l’existence du problème :
Alors comment faire ? la solution est (théoriquement) simple (sic !), utiliser la CPS de remplaçant que tout remplaçant thésé reçoit automatiquement (re sic !) après son inscription à son CDOM. Ou pour les remplaçants non thésés, la CPF (Carte de Professionnel en Formation) que les internes peuvent demander et recevoir gratuitement.
Oui mais la solution simple ne l’est plus du tout quand il s’agit de paramétrer son logiciel pour qu’il accepte une CPS de remplaçant et la lier à son propre compte de titulaire. C’est un premier frein.
D’autre part, les CPS de remplaçant et les CPF ont des fonctionnalités réduites, et ne peuvent PAS accéder à AmeliPro, ni donc aux téléservices.
Ce qui évidemment pénalise les patients, et dessert les médecins titulaires, puisqu’une part croissante du Forfait Structure est liée à l’utilisation des téléservices, et que les seuils d’utilisation minimaux augmentent aussi, de façon assez importante, pour une rémunération de 630 € en 2019 et 2020 :
Les médecins en congé maternité ou qui sont absents pour une longue durée (et pas forcément pour des vacances, mais aussi pour une formation ou une maladie) seront donc pénalisés sur ces items, la CNAM étant incapable de différencier dans ses statistiques les périodes remplacées ou non et donc de les individualiser pour ne calculer les pourcentages QUE sur les périodes où le titulaire est présent.
La raison de l’impossibilité d’accés est simple, mais aussi simple à corriger, pour peu que les tutelles veuillent s’en donner la peine : pour accéder à AmeliPro et configurer cet accès, il faut un numéro ADELI … et évidemment seuls les médecins installés en ont un.
Deux possibilités pour corriger ce problème :
- soit utiliser le RPPS, qui n’existe que depuis 2009 (10 ans) et ne sert toujours strictement à rien à part enquiquiner les médecins qui doivent le faire figurer partout ;
- soit faire comprendre aux informaticiens de la CNAM et de l’ASIP qu’une CPS de remplacant ou une CPF utilisée en liaison avec une CPS de titulaire doit avoir accès aux mêmes fonctionnalités que cette CPS, mais en pouvant être identifiée individuellement.
Et la CPE dans tout ça ?
La CPE c’est la Carte de Personnel en Etablissement, que les médecins peuvent demander pour leur personnel non médical. Mais pour un cabinet médical libéral ce sera une CPE non nominative. Celle de ma secrétaire est libellée « Cabinet Médical du Dr Richard TALBOT » avec mon numéro ADELI. C’est un peu gênant puisque je travaille en association avec un autre praticien, que la secrétaire est commune au cabinet, mais que seul mon nom apparaît. Le CDOM assure ne pas pouvoir établir de CPE nominative au nom de ma secrétaire ou non nominative mais rattachée à la SCM (toujours le problème du numéro ADELI …)
A quoi sert cette CPE ? principalement au DMP : elle permet de créer un DMP et de l’alimenter par l’interface web. Accessoirement elle peut aussi servir à établir les FSE (Feuilles de soin électroniques) qui devront ensuite être certifiées par la CPS du praticien. C’est utilemais un peu limité.
Demain nous aurons (peut-être) des assistants dans nos cabinets. Ils devront pouvoir accéder au DMP des patients pour les consulter, aux services d’EspacePro, au remplissage en ligne des dossiers d’admission en EHPAD, à la consultation des droits en ligne (ADR er ADRi) qui n’est actuellement possible qu’avec une CPE nominative. Et jongler avec 2 ou 3 CPE en fonction du médecin qu’ils assistent, puisqu’il est prévu, sauf exception, qu’ils se partagent entre plusieurs praticiens.
Les CPx n’ont pas évolué au même rythme que la médecine et sont restées bloquées au 20ème siècle alors que nous sommes entés dans le 3ème millénaire. Il faut que la CNAM et l’ASIP s’attellent à les faire progresser, si elles veulent vraiment que leur usage se généralise et que leur domaine d’utilisation s’élargisse à plus que la facturation et la télétransmission.