Depuis la mise en place de l’OPTAM et de l’OPTAM-CO en remplacement du CAS, la FMF n’a jamais caché son peu d’enthousiasme pour ces options tarifaires.
Au contraire, la CNAM les promeut intensément, en particulier auprès des nouveaux installés. Avec succès puisqu’au 04/09/2018 49,6% des secteur II et Secteur I avec DP y avaient adhéré ! (chiffres aimablement fournis par la CNAM à la CPN du 19/09/18).
Cela peut sembler pourtant curieux puisqu’en théorie l’OPTAM et l’OPTAM-CO entraînent une augmentation des remboursements AMO aux assurés, ainsi que le paiement d’une indemnité aux praticiens ayant tenu leurs engagements. Ça l’est moins si on réalise que le véritable but de ces options est la diminution progressive des dépassements d’honoraires, voire la disparition du secteur II.
La CNAM l’admet d’ailleurs à demi-mot dans les documents présentés lors de la CPN du 19/09/18 :
Tous les médecins n’avaient pas compris qu’il fallait réduire leur dépassement pour maintenir leur pratique tarifaire compte tenu des majorations (l’option repose sur la stabilité du montant de l’acte et non sur la stabilité du montant du dépassement)
Comment l’expliquer ? par la magie du « taux de dépassement recalculé ».
Rappelons quels sont les engagements des médecins signataires des OPTAM :
- Respect strict du tarif opposable (TO) pour les cas de Tiers-payant obligatoires
- Ne pas réaliser moins d’actes au TO en moyenne annuelle que sur la période 2013-2015
- Ne pas avoir un taux de dépassement moyen supérieur sur l’année supérieur au taux de dépassement moyen recalculé de la période 2013-2015, sans pouvoir de toute façon pratiquer des dépassements moyens de plus de 100%
Les items 1 et 2 ne posent pas beaucoup de problèmes de compréhension. Mais c’est dans l’item 3 que se cache le piège de l’OPTAM.
Un dépassement recalculé est le montant qui serait compté pour le même montant total si la base de remboursement avait été celle du tarif opposable secteur I. Ce qui peut sembler favorable aux praticiens secteur II puisque leur base de remboursement est moindre que le TO, si on rapporte le dépassement au TO il diminue d’autant.
Sauf que ce dépassement recalculé est aussi recalculé à postériori à chaque revalorisation d’honoraires !
Prenons un exemple pratique pour comprendre :
Pour un médecin spécialiste secteur II qui facture sa consultation 50 €, le dépassement réel est de 27 € (50 € – CS à 23 €)
Le dépassement recalculé par rapport au tarif du 31/12/15 est de 22 € puisque le TO était alors de CS+MPC+MCS = 28€ , soit 78,6 % (22/28).
Mais le MCS est passé depuis à 5 €. Le TO de la consultation spécialisée devient donc de 30 €, que la CNAM applique au calcul rétroactivement. Le taux de dépassement moyen autorisé n’est alors plus que de 20/30 = 66,7% ! Le médecin OPTAM peut toujours facturer 50 €, mais pas appliquer un dépassement de 78,6% sur les 30 € du TO qui mettrait sa facturation à 53,60 €. C’est le sens de la phrase
l’option repose sur la stabilité du montant de l’acte et non sur la stabilité du montant du dépassement
Bien évidemment, pour ceux qui bénéficiaient d’un dépassement possible au plafond de 100 % en 2016 (soit 28+28 = 56 €), ce dépassement est plafonné à ce jour à 86,7% !
Normalement la CPAM doit accompagner les médecins signataires de l’OPTAM. En particulier l’article 3 de l’annexe 21 de la convention prévoit :
Article 3 Avenant à l’option en cas de hausse des tarifs de remboursement des actes pendant la durée de l’option
Pendant la durée de l’option, les hausses des tarifs de remboursement donnent lieu à un avenant à l’option soumis au médecin. Cet avenant comporte le taux de dépassement et la part d’activité réalisée à tarifs opposables recalculés en fonction des nouveaux tarifs de remboursement.
Afin que l’augmentation des tarifs de remboursement bénéficie à la fois aux patients en améliorant la prise en charge des soins et aux médecins qui tout en réduisant leur taux de dépassement doivent pouvoir conserver une certaine latitude dans la fixation de leurs tarifs, un avenant à l’option est soumis aux médecins adhérant dans lequel figurent les taux de dépassement et d’activité à tarifs opposables recalculés en fonction des nouveaux tarifs de remboursement.
Ces nouveaux taux d’engagement sont fixés de manière à ce que le gain lié aux revalorisations des tarifs de remboursement soit partagé à part égale entre les patients et les médecins adhérant à l’option.
Dans les faits des hausses de tarif ont bien eu lieu depuis l’entrée en vigueur de la Convention … mais les médecins signataires n’ont pas reçu les avenants réglementaires, ne leur permettant pas ainsi d’ajuster leur pratique tarifaire.
Pourtant ils ont bien besoin de ces éléments puisque :
si à l’issue de deux trimestres consécutifs, la caisse constate le non-respect par le médecin de l’un ou l’autre des engagements souscrits dans le cadre de l’option, elle lui adresse un courrier d’avertissement signalant d’une part, les anomalies constatées et d’autre part, le fait que si le non-respect des engagements est constaté à l’issue d’une année civile, une procédure de résiliation de l’adhésion est susceptible d’être mise en œuvre
La CNAM manque donc à son obligation d’accompagnement qui est aussi précisée dans les annexes 18 et 20 :
A compter de la date d’adhésion à l’option, l’assurance maladie informe le médecin, chaque trimestre, sur le suivi de sa pratique tarifaire : taux de dépassement constaté, part de l’activité réalisée au tarif opposable, montant des honoraires sans dépassement et montant des dépassements d’honoraires.
Le médecin est informé de la mise à disposition de ces données sur Espace Pro.
Dans les faits, cet « accompagnement » n’est mis en place que pour les médecins qui « dérapent ». Toujours dans les documents de travail de la CPN :
Médecins concernés : médecins adhérents à l’option dont l’écart avec les taux d’engagement est supérieur à 5 points sur le T1 2018.
Et pour les autres, l’information sur EspacePro est malheureusement décalé d’un, voire deux, ou même trois trimestres, ce qui ne permet pas de suivre correctement les choses.
Il faut donc consacrer du temps et de l’énergie au suivi tatillon de sa comptabilité, ce qui réduit encore l’intérêt d’un OPTAM financièremement de moins en moins intéressant au fur et à mesure des revalorisations tarifaires.
L’intérêt de l’OPTAM est principalement dans la possibilité d’utiliser toute le nomenclature des secteur I (ou presque) et en particulier les consultations complexes, en permettant une prise en charge correcte des patients. C’est plus un choix éthique qu’un choix financier. Mais l’éthique, si elle réchauffe le cœur, ne fait pas bouillir la marmite et ne rembourse pas les emprunts d’investissements en matériels performants pour bien soigner ses patients, ce qui est aussi de l’éthique …