Le gouvernement a, à l’occasion du PLFSS 2018, fait voter un amendement qui modifie l’article 83 de la loi de santé du 27/01/2016 et supprime pour le moment l’obligation de Tiers Payant AMO au 30/11/2017.
Certains syndicats de médecins libéraux ont triomphé, mais la FMF reste vigilante car la menace persiste bel et bien.
Ce recul à la dernière minute sur une disposition emblématique du quinquennat de François Hollande laisse pourtant planer un certain nombre de questions et appelle quelques remarques.
Tout d’abord, l’obligation de TP AMO pour les patients en ALD qui consultent pour la pathologie pour laquelle ils sont en ALD ou pour le risque maternité n’est pas annulée, et est réitérée dans cet amendement
Art. L. 162‑1‑21. – Sans préjudice des dispositions des articles L. 381‑30‑1, L. 432‑1, L. 861‑3 et L. 863‑7‑1, les bénéficiaires de l’assurance maternité et les bénéficiaires de l’assurance maladie atteints d’une affection de longue durée mentionnée aux 3° et 4° de l’article L. 160‑14, pour les soins en relation avec l’affection concernée, bénéficient du tiers payant sur la part des dépenses prise en charge par l’assurance maladie obligatoire. Les professionnels de santé exerçant en ville le mettent en œuvre dans les conditions prévues aux articles L. 161‑36‑3 et L. 161‑36‑4.
Ensuite ce n’est pas une véritable annulation, mais tout au plus un ajournement. D’ores et déjà le principe du TPG pour 2018 est réaffirmé :
3° Avant le 31 mars 2018, aux fins de rendre le tiers payant généralisable le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le calendrier de mise en œuvre opérationnelle du tiers payant intégral et les prérequis techniques à cette mise en œuvre tant sur la part des dépenses prise en charge par l’assurance maladie obligatoire que sur celle prise en charge par les organismes complémentaires. […] Cette concertation devra permettre de fixer le calendrier selon lequel le tiers payant intégral pourra être généralisable à tous les assurés dans des conditions techniques fiabilisées. Elle devra également identifier les publics prioritaires pour lesquels un accès effectif au tiers payant devrait être garanti au-delà des patients déjà couverts obligatoirement.
Enfin on peut légitimement se poser la question de la raison de ce recul.
Officiellement :
la mise en place du tiers payant généralisé a soulevé des difficultés pratiques pour les professionnels de santé dont il convient de prendre la pleine mesure. Aussi, la ministre des solidarités et de la santé a confié à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) une mission sur les conditions techniques du tiers payant généralisé pour les professionnels de santé. Les conclusions de cette mission font ainsi apparaitre que « le maintien dans la loi de l’obligation du tiers-payant pour tous les patients au 30 novembre 2017 est désormais irréaliste », l’avancement des chantiers de simplification de la facturation constituant un préalable.
Cette raison ne tient pas la route si on l’examine.
Le TP AMO en télétransmission ne pose aucun problème technique dans 99% des cas (moins de 1% de factures sont rejetées). Il est déjà très largement pratiqué au titre du TP « social » sans entraîner aucun souci.
L’IGAS écrit même précisément le contraire dans son rapport !
La mission propose de dissocier les calendriers de déploiement entre AMO et AMC, car la montée en charge est atteignable à court terme en part AMO alors qu’elle serait repoussée dans le temps en cas de synchronisation des deux calendriers.
D’ailleurs dans le même texte le gouvernement se félicite des bons chiffres des TP ALD et maternité :
La pratique du tiers-payant s’est fortement développée depuis 2015 pour les patients en situation de précarité (notamment pour les bénéficiaires de l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) avec un taux de tiers-payant de 99,1 % en 2017) et les patients atteints d’une affection de longue durée (ALD) ou couverts au titre de l’assurance maternité pour lesquels le tiers-payant représente respectivement 98,6 % et 90,4 % des soins.
On peut plutôt se poser la question d’une difficulté technique du côté des caisses. En cas de TP généralisé AMO, il n’est plus possible de retenir les franchises sur les remboursements aux assurés, et il faut donc mettre en place des procédures de recouvrement qui sont d’une part peut-être techniquement difficiles à mettre en place, et d’autre part immédiatement visibles et vont inévitablement mettre cet aspect des choses en pleine lumière.
Or les franchises et les participations forfaitaires représentent plus d’un milliard et demi d’euros par an ! Il ne fait aucun doute que les tutelles ne sont pas prêtes à renoncer à ce pactole.
La mise en évidence des franchises ne cadre pas du tout avec l’objectif affiché par le gouvernement :
Il convient dès lors de changer de méthode en mettant en place d’abord les outils pour faciliter cette pratique de facturation, tant sur la part obligatoire que complémentaire. La mise en œuvre d’un tiers payant intégral généralisable est en effet l’objectif cible, car elle permettra de lever complètement les freins financiers à l’accès aux soins.
La mission d’évaluation confiée à l’IGAS s’est retranchée derrière des difficultés techniques inexistantes ; ses conclusions lui ont été dictées par les autorités politiques devant l’impossibilité de récupérer de manière non voyante des franchises maintenues par le précédent gouvernement, qui présentait le tiers payant comme « un marqueur de gauche ».
La FMF restera donc méfiante et déterminée à s’opposer à l’obligation d’un tiers payant source de perte de temps médical et de perte d’indépendance des médecins.