Interview de Jean-Paul Hamon dans « Le Populaire »
En Creuse, le pari réussi d’une petite commune pour lutter contre les déserts médicaux
Le président de la Fédération des médecins de France (FMF) a choisi de venir parler des solutions pour lutter contre les déserts médicaux à Royère-de-Vassivière (Creuse) car la commune et le monde médical ont su relever ce défi.
Royère-de-Vassivière est-il un village peuplé d’irréductibles Creusois ? En tout cas, une chose est sûre, face à la menace des déserts médicaux, élus, médecins, spécialistes, infirmières et pharmaciens ont su réagir. Ils se sont réunis et ont trouvé une solution adaptée au territoire : la création d’un pôle santé avec un partage des fichiers et des réunions. Un travail collectif.
Un bon accueil des internes
C’est pourquoi Jean-Paul Hamon, le président de la Fédération des médecins de France a choisi de prendre Royère comme exemple pour montrer que des solutions existent. Tout d’abord, « les internes sont accueillis ici ». Les quatre médecins qui gravitent autour de ce pôle de santé regroupant Royère, Faux-la-Montagne, Peyrelevade, Bugeat, en accueillent cinq en ce moment.
Ici, « les praticiens ont choisi de se répartir les internes entre eux afin de faire découvrir un métier, une mission passionnante ! » Et cela fonctionne puisque certains restent. « Deux d’entre eux ont choisi de s’installer sur le plateau avec nous », se félicite Jean-Claude Etilé, médecin généraliste à Royère et ancien parisien en mal de campagne. Ce qui prouve bien que le fait de « découvrir l’exercice en milieu rural incite à s’installer ». Et ce qui permet au président de la Fédération d’insister sur l’efficacité des mesures incitatives à l’inverse du coercitif…
De meilleurs salaires
Par exemple, prenez les salaires. « Alors que nous sommes dans une société des 35 heures, comment voulez-vous donner envie à un jeune médecin d’exercer de 8 à 20 heures avec des permanences le week-end s’il ne gagne que 2.000 euros ! En plus, les internes font des horaires de malade. » Jean-Paul Hamon demande un doublement du salaire de l’interne. Il prend l’exemple de la Corse où la Région a pris en charge ce doublement de salaires. Ce qui a permis de relancer l’installation.
Des logements pour les apprentis médecins
À Royère, justement, les élus ont mis la main au porte-monnaie. Le maire, Raymond Rabeteau, explique comment il a rénové et proposé deux logements pour héberger les apprentis médecins. Mais pour le président de la Fédération, cela ne suffit pas. Il demande que soit mis en place un véritable plan Marshall pour enrayer cette chute du nombre de médecins. « Vous savez, même Paris est touché. Il y a une véritable crise de la médecine libérale. »
Des incitations pour les maîtres de stage
Hormis le doublement du salaire des internes, Jean-Paul Hamon préconise une incitation financière pour chaque médecin maître de stage. Jean-Claude Etilé reconnaît qu’elle est quasi inexistante alors que « prendre un stagiaire, ça signifie finir plus tard et passer moins de temps avec ses enfants. » Sans oublier un forfait structure digne de ce nom. C’est à dire : une aide pour pouvoir embaucher une secrétaire. « Le médecin doit être libéré de la partie administrative. » Rebutante et prenante. Jean-Claude se souvient d’être passé de trois formulaires différents à ses débuts à une vingtaine aujourd’hui.
Une bonne connexion internet
Le médecin de Royère en profite aussi pour lancer un appel aux élus. « Sans Internet et la fibre partout, les médecins auront du mal à s’installer. Bien souvent leurs conjoints sont dans des professions intellectuelles, qui pourraient être exercées à distance mais la couverture numérique n’est pas assez performante en Creuse. »
Chercher des solutions adaptées au contexte
Les médecins préfèrent donc aborder le problème des déserts médicaux de manière globale car la solution trouvée à Royère ne sera pas nécessairement la bonne ailleurs, insiste Jean-Claude. D’ailleurs, Jean-Luc Léger, conseiller départemental, précise que la construction d’une maison de santé sans projet bien ficelé ne sert à rien. « Ce serait une coquille vide », assure le président de Creuse Grand Sud. En conclusion, « il reste peut-être à inventer un modèle d’équilibre entre la médecine libérale et le service public. »