Les patients ayant de plus en plus de mal à trouver un médecin pour les soigner, les gouvernements et les caisses multiplient les projets censés favoriser l’installation dans les « zones défavorisées », ce qui est est plutôt une bonne idée, en tout cas meilleure que les idées de coercition qu’on voit régulièrement resurgir chez les politiques, tant à gauche qu’à droite.
A côté des aides conventionnelles des deux dernières conventions, on a vu arriver des aides plus spécifiquement destinées aux jeunes, les contrats de Praticien Territorial de Médecine (PTM) déclinés en
- PTMG : Praticien Territorial de Médecine Générale
- PTMA : Praticien Territorial de Médecine Ambulatoire : à la suite d’un PTMG ou pour les spécialistes.
- et maintenant PTMR : Praticien Territorial de Médecine de Remplacement
De quoi s’agit-il ? En échange d’une activité en zone défavorisée, dans le secteur à tarif opposable (ou au minimum à l’OPTAM) , on assure au médecin une meilleure couverture maternité (ou paternité) et maladie, voire un complément de rémunération pour les PTMG et PTMR.
Quelles obligations pour le médecin ?
Le PTMG et le PTMA s’engagent à faire au moins 165 consultations au tarif opposable par mois pour une activité considérée à temps plein d’au moins 9 demi-journées par semaine (en dessous, c’est un mi-temps !) et a justifier cette activité par un envoi mensuel de récapitulatif d’activité à l’ARS (les 6 premiers mois, ensuite l’envoi est trimestriel), HORS activité de permanence de soins.
L’ARS peut par ailleurs demander des engagements complémentaires :
- permanence des soins ambulatoire dans le cadre de l’organisation régionale ;
- actions destinées à améliorer la prescription ;
- actions d’amélioration des pratiques ;
- actions de dépistage, de prévention et d’éducation à la santé ;
- actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins ;
- actions de collaboration auprès d’autres médecins…
Pour les PTMR, l’engagement est de 5000 actes dans l’année (!!!) pour un temps plein, 2500 pour un mi-temps, y compris là la PDS.
Quels avantages en pratique ?
Pour tout le monde, une meilleure couverture sociale :
En cas d’arrêt d’activité pour cause de maternité : l’équivalent de 135 consultations au tarif opposable par mois
En cas d’interruption pour cause de paternité, la rémunération forfaitaire est égale à 36 % de la rémunération mensuelle forfaitaire versée pour cause de maternité.
En cas d’interruption pour cause de maladie, la rémunération forfaitaire est égale à 50 % de la rémunération mensuelle forfaitaire versée pour cause de maternité.
Le bénéfice de ce versement est limité à une période de trois mois par arrêt de travail et dès lors que l’arrêt de travail est supérieur à sept jours.
Ces indemnisations s’entendent pour un temps plein, et sont divisées par 2 en cas de mi-temps.
Pour certains, un complément de rémunération :
Les PTMG qui n’atteignent pas 300 consultations dans le mois (à temps plein) bénéficient d’une compensation financière qui leur permet d’atteindre ce minimum de 300 consultations. Les honoraires de PDSA ne sont pas pris en compte dans le seuil, ni les honoraires d’un remplaçant éventuel quand le PTMG part en vacances : c’est presque la reconnaissance d’un droit aux congés payés !
Les PTMR reçoivent à la date anniversaire du contrat une rémunération complémentaire aux honoraires perçus d’un montant forfaitaire équivalent à 200 consultations de médecine générale au tarif opposable pour une activité à temps plein.
Qui est éligible ?
Pour les PTMG : médecins spécialisés en médecine générale, à la condition qu’ils ne soient pas déjà installés ou que leur installation en cabinet libéral date de moins d’un an
Pour les PTMA : le médecin libéral conventionné au sens de l’article R. 1435-9-23 du CSP, pour un contrat d’une durée minimale de trente-six mois renouvelable une fois, dans la limite de soixante-douze mois au total
Pour les PTMR : le médecin spécialiste en médecine générale ayant soutenu sa thèse depuis moins de trois ans et non installé, ou l’étudiant remplissant les conditions prévues à l’article L. 4131-2 ou un assistant spécialiste à temps partiel au sein d’un établissement public de santé, pour un contrat d’un an renouvelable au maximum pour 6 ans.
Les points litigieux
Déjà un point scandaleux qui montre bien à quel point Marisol Touraine balladait les libéraux : le décret sur les PTMR était déjà signé et parti au Conseil d’État pour validation alors même qu’il était toujours censé être en discussion avec les syndicats !
La notion de temps plein est pour le ministère de la Santé une notion très floue : 9 demi-journées hebdomadaires pour les PTMG et PTMA, à 8 demi-journées on est déjà dans du mi-temps ! alors que pour l’avenant 3 de la Convention le temps plein est à 8 demi-journées ! Et 5000 actes par an pour les PTMR alors que la moyenne pour les médecins installés est de 4600 actes ! Autant dire qu’aucun PTMR ne touchera l’indemnité pleine. Et encore, le ministère voulait sortir les actes de PDSA du décompte des PTMR, alors même que la PDSA est souvent une grosse partie de l’activité des remplaçants, et n’a reculé que sous la pression des syndicats.
On peut se demander aussi si un médecin travaillant en zone défavorisée aura vraiment du mal à effectuer 300 consultations mensuelles. Il aura plutôt à mon avis du mal à ne pas se laisser déborder par l’afflux des patients. Le complément de rémunération des PTMA et PTMG ne devrait donc pas coûter cher à l’ARS.
Enfin dernière petite mesquinerie : pour bénéficier de la couverture maladie et maternité améliorée, il faut justifier d’un trimestre travaillé AVANT l’arrêt. Mais attention, un trimestre ce n’est pas 3 mois consécutifs, mais un trimestre civil. Ceux qui attaquent le 2 février devront attendre le 30 juin pour être malade.
Alors signer ou pas signer ?
Ceux qui ont signé l’ont fait surtout par effet d’aubaine : si de toute façon vous êtes éligible, pourquoi refuser une amélioration de votre prise en charge ? Le même raisonnement s’applique aussi à ceux qui ont signé l’option démographie de la convention 2011, ou le COSCOM de la convention 2016.
Mais il n’est pas du tout évident que les maigres avantages proposés (qui devraient d’ailleurs être proposés à TOUS les médecins) suffisent à faire basculer la décision d’exercer dans une zone défavorisée plutôt que dans une zone offrant d’autres avantages, en particulier en confort de vie.
D’ailleurs les résultats ont été très mitigés et les 200 premiers contrats de la fournée 2013 ont mis longtemps à être signés.