En rajoutant L’article L.162-1-15 au code de la sécurité sociale en 2004 (loi de santé du 13 août 2004), le législateur a donné un pouvoir exorbitant aux directeurs de CPAM qui en usent et en abusent. Tous les ans sur directives du national, la CNAM, ils «mettent la pression» sur les médecins, harcèlement ordinaire aux conséquences parfois dramatiques (comme ce médecin du Nord qui a malheureusement tenté de mettre fin à ses jours).
Cela pousse vers le salariat les jeunes et vers la retraite ceux en âge de la prendre ! C’est selon moi un des facteurs aggravants d’une démographie préoccupante et de la désertification en médecine générale en dissuadant l’installation en libéral !
Que dit ce texte:
« …Le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut décider… de subordonner à l’accord préalable du service du contrôle médical, pour une durée ne pouvant excéder six mois… en cas de constatation par ce service… d’un nombre ou d’une durée d’arrêts de travail prescrits par le professionnel de santé et donnant lieu au versement d’indemnités journalières ou d’un nombre de tels arrêts de travail rapporté au nombre de patients pour lesquels au moins un acte ou une consultation a été facturé au cours de la période considérée significativement supérieurs aux données moyennes constatées, pour une activité comparable, pour les professionnels de santé exerçant la même profession dans le ressort de la même agence régionale de santé ou dans le ressort du même organisme local d’assurance maladie … »
Les mots importants ont été placés en gras et je vais reprendre ces thèmes successivement:
« rapporté au nombre de patients » critère apparemment non respecté pour cibler ces confrères ainsi harcelés. Par exemple ce confrère dont je viens d’analyser l’activité et qui a certes 2,7 fois plus d’Indemnités Journalières (IJ) totales que la moyenne mais n’en a plus que 0,66 fois rapportées au nombre de ses patients ce qui lui vaut même d’être « mono étoilé » sur le RIAP (Relevé Inter régimes d’Activité de Prescriptions) 2021 – c’est l’inverse du guide Michelin, l’excellence vaut moins d’étoiles ! – C’est-à-dire que l’assurance maladie reconnaît elle-même ses faibles prescriptions en la matière, ce qui ne l’a pas empêchée de l’inclure dans la liste des médecins pouvant justifier d’une mesure d’accord préalable pour les IJ (Mise Sous Objectif / Mise Sous Accord Préalable : MSO/MSAP).
« aux données moyennes constatées, pour une activité comparable » Comment comparer l’activité de médecins ? Pour moi il y a autant de modes d’activité que de médecins ! Et quels critères utiliser: le nombre de patients ? d’actes ? Les pathologies traitées ? Leur gravité ? la typologie de la patientèle ? Le secteur géographique d’installation ? L’environnement professionnel ? …
« dans le ressort du même organisme d’assurance maladie » Ce n’est pas un critère de comparaison fiable ! A 500 mètres de distance 2 médecins ont une patientèle extrêmement différente parce que le recrutement n’est pas que local même si la proximité de certaines entreprises peut avoir une influence sur les pathologies traitées (troubles musculo-squelettiques par exemple), et parce qu’in fine le médecin a une patientèle « qui lui ressemble » . Entre un médecin et ses patients il y a une relation de confiance et un patient peut traverser un département pour consulter son médecin; avec le temps, patients et médecins se sélectionnent et le médecin a la patientèle qui partage sa vision du soin, ce qui n’a rien à voir avec l’implantation locale.
L’analyse fine de ces critères montre que même au sein d’un groupe médical il n’y a pas 2 médecins qui ont une activité comparable rendant inapplicable cette mesure de « mise sous tutelle » des prescriptions d’IJ.
Et c’est le principal argument pour contester devant le TA toute mesure de MSAP !
L’exploitation du RIAP de l’année 2021 de tous les médecins qui se sont adressés à la CELLULE JURIDIQUE de la FMF apporte l’explication à un taux d’IJ supérieur à la moyenne régionale, et la preuve est apportée par la procédure elle-même, en MSAP 99% des arrêts sont validés par le service médical montrant ainsi qu’ils sont médicalement justifiés, même si l’actualité nous apprend que les arrêts sont en hausse de 4% d’une année sur l’autre. Quoi d’étonnant avec la crise sanitaire liée à la Covid et ses complications (Covid long) et la crise économique liée à la situation mondiale ?
Le médecin, notamment généraliste, est un professionnel à part, à la fois scientifique et humaniste, c’est le dernier « amortisseur social » et tout le système se repose sur lui. Aussi, cela nous paraît particulièrement inique que le système le rende responsable de cette situation !
Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, Auvergne Rhône-Alpes, CELLULE JURIDIQUE FMF