Le Forfait Patientèle Médecin Traitant reconnaît financièrement le rôle important du médecin traitant pour le suivi des patients et la coordination (article 15.4.1 de la Convention) :
Le médecin traitant s’assure de la coordination dans la prise en charge avec les autres professionnels de santé de ses patients. Dans ce cadre, il tient à jour, pour chacun des patients qui l’ont choisi, le dossier médical qu’il enrichit, en tant que de besoin, des données cliniques et paracliniques (examen de biologie, radiologie, etc.). Il est en mesure, notamment à partir de ce dossier, d’établir une fiche de synthèse médicale reprenant le projet thérapeutique incluant le calendrier de suivi et les échanges avec les autres professionnels de santé pour avis ou suivi coordonné. Cette fiche de synthèse peut alimenter le dossier médical partagé du patient.
Cette rémunération peut sembler importante : prenons le cas d’un généraliste « moyen » avec une patientèle de 800 adultes de plus de 16 ans, dont 100 en ALD de moins de 80 ans, 30 de plus de 80 ans sans ALD et 70 de plus de 80 ans en ALD, et de 100 enfants de moins de 16 ans dont 30 de moins de 3 ans.
Cela représente une somme annuelle de (6×30)+(5×670)+(42×130)+(70×70) soit 13890 € par an, censée rémunérer tout ce que le médecin traitant fait en dehors de la présence des patients :
- regarder et ranger les examens biologiques
- regarder et ranger les courriers des correspondants, les compte-rendus d’examens, d’hospitalisation, d’opérations chirurgicales
- mettre à jour le dossier en fonction des ces éléments
- recontacter les patients si besoin pour une ordonnance de traitement, de biologie, d’imagerie
- rédiger les protocoles de soins
- répondre aux demandes des patients transmises par le secrétariat
- … et lire un peu pour sa FMC personnelle et rester performant
Cette somme semble suffisamment importante à la CNAM pour qu’elle estime qu’elle recouvre aussi le travail d’alimentation du DMP, et en particulier de l’alimentation avec la synthèse du dossier, qui doit donc préalablement être rédigée.
Voyons cependant les choses d’un autre angle ; la CNAM estime qu’un médecin fait 3 consultations par heure (puisque les assistants devaient permettre de passer de 3 à 6…). C’est déjà méconnaître que les médecins font aussi des visites, mais passons. L’heure de travail d’un médecin vaut donc 75 €.
A ce compte-là, les 5 € de FMT d’un patient entre 6 et 79 ans sans ALD représentent … 4 minutes de temps de médecin. C’est déjà bien trop court pour la somme de travail à effectuer hors rémunération à l’acte, cela devient franchement ridicule quand il est question de réfléchir à la synthèse, de la rédiger, et de la mettre en ligne.
Pour un enfant de moins de 6 ans, on monte à … 4 mn 48 secondes … les 48 secondes supplémentaires sont probablement prévues pour le remplissage du carnet de santé, obligatoire pour pouvoir coter la MEG.
Pour un adulte en ALD de moins de 80 ans ou un patient de plus de 80 ans sans ALD, on atteint 33 mn 36 sec.
Et pour un adulte de plus de 80 ans en ALD, 56 mn par an. Je demande un contrôle anti-dopage à celui qui arrive à gérer le dossier d’un patient de plus de 80 ans en ALD en moins de 56 mn par an (biologies, comptes-rendus, Protocoles et mise à jour du dossier …), d’autant plus qu’ils sont le plus souvent polypathologiques et poly-ALD, ce qui multiplie le travail mais n’augmente pas la rémunération.
Et on ne parle même pas des spécialistes de second recours, qui sont eux censés alimenter le DMP avec leurs compte-rendus d’examen gratis pro deo, puisqu’ils ne sont pas médecins traitants et n’ont donc pas de FPMT !
Ou alors on peut considérer que 13890 € représentent 185 heures de travail annuelles. Soit un mois et dix jours de travail pour un salarié à 35 heures par semaine, à ne faire que ça.
Dans le même temps, pour la création purement administrative des DMP, les pharmaciens ont obtenu une rémunération (certes minime, voire minimaliste) d’un euro par DMP.
La rédaction du Volet de Synthèse Médicale est un acte à haute valeur médicale et intellectuelle ajoutées, et engage la responsabilité du rédacteur. Elle doit être rémunérée décemment. La rédaction d’un Protocole d’Examen Spécial article L. 324-1 pour les ALD non exonérantes, beaucoup moins difficile et beaucoup moins longue, est honorée C1,5 soit 34,50 € (27 mn 36 s de temps médecin), preuve que la CNAM il y a quelques années avait conscience que le travail et la responsabilité méritent d’être honorés. La même logique doit mener à déterminer une rémunération de la rédaction du VSM à la hauteur du travail que cela représente, ainsi que de l’alimentation du DMP par les spécialistes.