Dans un article publié dans le quotidien du médecin, Notre ministre affirme que les médecins sont frileux et ne lui font aucune proposition…
On sait notre ministre malentendante en ce qui concerne les médecins, on ne la savait pas malvoyante : Ces propositions ont été faites dans le livre « la fin de notre système de santé ? – le déficit fait aussi des heureux. » écrit par Jean-Paul Hamon et Daniel Rosenweg, publié chez Albin Michel en avril 2015.
Il a été remis aux directeurs de cabinet qui se sont succédés au ministère de la santé ainsi qu’aux directeurs adjoint.
La ministre ose ces propos alors que le livre lui été remis, à elle aussi, en mains propres.
Non Madame la ministre, les médecins libéraux ne sont pas frileux !
ils font, et vous ont fait des propositions pour réformer le système de santé de façon durable, et pour ne plus céder chaque année 10 milliards de dettes supplémentaires à nos enfants .
Que la ministre nous montre son courage pour une vraie réforme.
Mais peut-être, la ministre n’est-elle pas « seulement » malentendante et malvoyante…. Peut-être est elle aussi malcomprenante !
Citation des propositions remises à la ministre :
PROPOSITIONS
On l’a vu tout au long de ces chapitres, la situation de notre système de santé s’est considérablement dégradée au point que plus grand monde n’y trouve son compte. Avec une dette cumulée de 94,3 milliards d’euros depuis l’an 2000, l’assurance maladie en déficit chronique est contrainte au régime permanent, réduisant petit à petit sa participation aux soins des Français qu’elle ne prend plus en charge qu’à 63% pour les besoins « ordinaires ». Les complémentaires voient parallèlement leur rôle croître, et avec lui leurs tarifs. Les Français, (trop ?) grands consommateurs de soins, au final, paient leur santé toujours plus cher, au point de parfois renoncer à se soigner. Parallèlement à ce problème de la prise en charge des patients, il manque des médecins à tous les niveaux de notre système de soins, en ville, à l’hôpital, en zone rurale… la féminisation de la profession, l’attractivité du salariat et une baisse du temps médical de praticiens de plus en plus désireux de préserver leur vie sociale depuis l’avènement des 35 heures font que la situation est tendue. La rémunération de la majorité des médecins libéraux, elle, n’est pas à la hauteur des enjeux. L’hôpital, quant à lui, se débat avec ses déficits pendant que les urgences sont débordées. Les dysfonctionnements perdurent et avec eux les gaspillages… On cherche en vain dans ce sombre bilan un rayon de soleil. Jean-Paul Hamon, vous avez évoqué beaucoup de ces problèmes au fil de ces pages : mais quelles sont donc maintenant les solutions que propose le président de la Fédération des médecins de France, et le généraliste de terrain que vous êtes ?
un plan qui réforme l’ensemble du système de santé, à tous les étages, parce que tout est lié. Un système qui soit réellement organisé autour du médecin généraliste, parce qu’il est proche, qu’ll est économiquement rentable quoi qu’en disent certains. Mais le généraliste seul perd en efficacité s’il n’est pas entouré de médecins spécialistes libéraux correspondants.
Le projet de la ministre de la Santé, qu’elle appelle « stratégie nationale de santé », est une occasion ratée de prendre le taureau par les cornes, de tout remettre à plat, et de mettre en place un nouveau dispositif de santé, fluide, efficient et satisfaisant pour tous. Ca ne demande pas des milliards supplémentaires. Les milliards, ils sont déjà là. Si l’on s’accorde à réformer en profondeur et intelligemment notre système de soins, on trouvera de très nombreuses pistes d’économies, on en connaît déjà beaucoup que j’ai évoquées précédemment. J’estime qu’un vrai plan Marshall peut faire économiser à la France plus de 30 milliards d’euros. Comment ? Voilà selon moi les chantiers, voilà à quoi devrait ressembler ce plan de relance et de modernisation de notre système de santé dont le médecin libéral doit rester, je le rappelle, le pivot. Ce qui signifie : en finir avec le schéma hospitalo-centré de notre système qui date de Robert Debré, système qui a été nécessaire en son temps mais qui maintenant montre ses limites.
Révolutionner le financement de la santé
Il faut un financement vérité. Les Français sont en droit de savoir précisément combien ils paient exactement pour leur couverture santé et à quoi ils ont droit précisément. Et ça, personne n’est capable de leur dire aujourd’hui. Car les Français – patients, employeurs, commerçants ou libéraux – ne font pas que verser leurs cotisations sociales aux Urssaf. Il faut maintenant ajouter à cette première facture santé la partie complémentaire : environ 20€ par mois pour un jeune, et plus de 100€ pour une personne âgée. N’oublions pas la CSG, qui représente à elle seule 36% des recettes de l’assurance maladie et s’applique sur toutes les formes de revenus, assurance vie et revenus fonciers compris. La CRDS ne doit pas être oubliée, même si elle sert à rembourser la dette, puisque ce sont des dépenses passées qui n’ont pas été financées. Ajoutons un zeste de taxe sur les tabacs, les taxes sur les revenus du patrimoine et les placements… Sans compter les dernières recettes, dites de niches, votées par les députés, comme sur les boissons sucrées ou énergisantes… Les forfaits hospitaliers, franchises sur les médicaments, et forfait à 1€ chez le médecin doivent évidemment s’y ajouter. J’en oublie, évidemment… On n’y comprend plus rien. Et surtout, le Français ne voit plus quand les recettes de l’assurance maladie augmentent, tellement c’est dissout. C’est bien tout l’intérêt politique de la manœuvre d’ailleurs…
Et si on remettait tout ça à plat ! Si on partait du principe que l’Assurance maladie assure seule l’ensemble du risque santé de l’ensemble des Français ? Une réforme qui pourrait faire économiser plusieurs dizaines de milliards d’euros. On supprime tous les régimes spéciaux (SNCF, RSI…), on supprime les quelque 880 mutuelles, assureurs, institutions de prévoyance. On améliore l’efficacité de la gestion de toute cette chaine, on fait des économies d’échelle… Enfin, il faut intégrer les économies sur la collecte : un seul prélèvement, à la source, mais sur l’assiette la plus large, comme pour la CSG. Evidemment, j’en conviens, ça demande une petite révolution technique et culturelle. Mais au moins, chaque Français saurait ce qu’il paye et à quoi il a droit. Contrairement à aujourd’hui où tout patient subit la double peine : il cotise beaucoup, à plusieurs reprises, et doit pourtant payer encore au moment de ses soins, à travers les nombreux restes à charge. Finie l’opacité des contrats des complémentaires qui affichent, par exemple, une prise en charge à 400% des lunettes, sans préciser que la base du calcul est de 3€… Cette réorganisation serait tout bénéfice pour le patient qui n’aurait plus qu’un interlocuteur, profiterait pleinement de la solidarité nationale, tout au long de sa vie, verrait son reste à charge réduit à néant, la qualité des prises en charge améliorée, le tout financé par les économies.
Caisses d’assurance maladie : 7 Mds€ d’économies
La Cour des Comptes a épinglé fin 2014, la gestion de la CNAMTS, la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. Elle estime que deux milliards d’euros sont dépensés inutilement dans la gestion, ils pourraient être utilisés à mieux rembourser les patients sur les soins ordinaires, pris en charge à 61% seulement. Il faut rajouter à ces deux milliards un milliard d’économies si la CNAMTS cessait de vouloir se poser en organisateur de soins, comme elle le fait avec le déploiement de « Sophia » dédié à prévention des maladies chroniques comme le diabète, l’asthme et l’hypertension. Sans oublier ses boutiques santé, ses coaching santé et autres dispensaires dits de prévention qui ne sont fréquentés que par des personnes déjà moult fois surveillées par ailleurs.
En réalité, les frais de gestion d’une société efficiente s’élèvent à environ 3%. La caisse de retraite des médecins, Carmf, qui gère les cotisations de 125 000 actifs et les pensions 52000 retraités, pour ne prendre que cet exemple, consacre elle 1,26% de son chiffre d’affaires aux frais de gestion ! Ça laisse rêveur… Les médecins seraient-ils de bons gestionnaires ?… Quand on regarde les comptes de l’assurance maladie, on s’aperçoit qu’elle consacre 14,3 milliards d’euros à son fonctionnement. Soit 5,9% de l’ensemble de ses dépenses (remboursements compris), qui s’élevaient en 2012 à 242,3 milliards d’euros. On voit bien là que la marge de toutes les économies potentielles est pour le moins très importante.
Complémentaires santé : 4,8 Mds€ à rendre aux patients
Les assurances complémentaires ne rendent pas chaque année aux français 5 milliards d’euros de cotisations qu’elles dilapident dans des frais de gestion dont la cour des comptes à montré qu’ils atteignent en moyenne 22% et grimpent parfois à 25 et même 28%. Si les complémentaires santé ramenaient leurs coûts de gestion à celui de la Cnam (par ailleurs jugé excessif), elles économiseraient 4,8 milliards qu’elles pourraient rendre aux patients sous forme de réduction des cotisations ou de meilleurs remboursements. Et si, comme le suggère Didier Tabuteau, titulaire de la chaire Santé à Science-Po, nous supprimions tout simplement les complémentaires santé, leurs sept milliards de frais de gestion suffiraient à combler le trou de l’assurance maladie.
Rationaliser les Urgences : 3 Mds€ d’économie…
La population a aussi son rôle à jouer dans la réorganisation des soins. En premier lieu, il faut l’éduquer, la sensibiliser à considérer l’hôpital comme ce qu’il doit être : un dernier recours. Au moins 50% des passages aux urgences hospitalières jugés injustifiés : ça doit changer ! Parce que ça coûte cher, parce ça n’est pas la mission de l’hôpital, parce qu’il y a pour ces cas une réponse qui fait depuis longtemps la preuve de son efficience : le médecin libéral de proximité. Encadrer et réduire l’accès aux urgences, c’est faire des économies, et c’est améliorer les conditions d’accueil des patients dont la venue à l’hôpital est vraiment justifiée. L’accès aux urgences hospitalières ne doit plus se faire qu’en ambulance ou sur un courrier du médecin traitant ou d’un autre spécialiste.
Dans le même temps les médecins libéraux doivent être encouragés à accueillir les pathologies qui n’ont rien à faire aux urgences hospitalières. Les 3 milliards d’euros de Migac, ces enveloppes interministérielles bouche-trous, doivent être modifiées de telle façon que ces services disposent des moyens d’accueillir les urgences vitales dans les meilleures conditions et que les médecins libéraux aient eux aussi les moyens d’accueillir convenablement dans les cabinets de ville les 10 millions de personnes qui n’iront plus aux urgences.
Médicaments : 10 milliards d’économies
C’est un chantier d’autant plus prioritaire que beaucoup de mesures sont relativement faciles à mettre en place. L’OCDE, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques, qui scrute l’économie de 34 pays membres, a constaté que les Français dépensent 169€ de plus par an en médicaments que la moyenne européenne. A 66 millions d’habitants, ça nous donne une marge d’économie de 10 milliards d’euros. Pourquoi ? Principalement pour deux raisons : les médicaments coûtent trop cher, et les Français en consomment trop facilement. Selon une étude de l’assurance maladie publiée en 2014, qui porte sur huit classes de médicaments représentant 40% de la consommation globale, le Français est de loin, le plus gros consommateur de médicaments d’Europe, en volume, et en coût.
Pas de prix élevé sans innovation. Il faut commencer par modifier notre politique de prix. Les nouveaux médicaments, sans valeur ajoutée, c’est à dire ceux classés ASMR V par la Commission de la transparence, ne doivent plus avoir droit à des prix élevés, mais être vendu au prix du médicament concurrent les moins cher déjà disponible.
Mieux négocier les prix. La France est le plus gros marché d’Europe, ce qui lui donne naturellement une puissance de négociation que nous sous-estimons et sous-exploitons. Pourtant, plusieurs études récentes ont montré que nos remèdes, dont nous sommes si friands, sont facturés par l’industrie 30% de plus qu’en l’Italie, y compris pour les génériques. Il faut utiliser notre force de négociation pour faire pression sur les laboratoires, arrêter les petits arrangements, et faire baisser notre facture de 30%, comme l’ont fait les Italiens ou les Allemands qui, eux passent par des appels d’offres.
Favoriser fermement les génériques. Parmi les solutions pour promouvoir les génériques, celle de l’Allemagne a donné d’excellents résultats. Son principe est simple : vous refusez un générique ? Libre à vous, mais vous serez remboursé au prix du générique le moins cher. Il faut que les ventes de génériques atteignent le niveau des allemands et des néerlandais, soit 68% du marché des médicaments. Il y a va de plus de 3 milliards d’économies. Il ne faudra cependant pas oublier de sécuriser les génériques, notamment dans leur présentation. La loi Bertrand de 2011 permet aux génériques de ressembler totalement au médicament princeps, d’origine, ceci afin d’éviter, notamment aux personnes âgées, les confusions. Afin aussi de faire adopter les génériques plus largement, par les prescripteurs et par les patients. Les génériqueurs ne l’ont pas fait pour les produits déjà sur le marché, arguant qu’il leur faudrait modifier toutes leurs chaines de fabrication. Ils ne le font pas plus pour les nouveaux génériques ; il faut que ça change.
Interdire les études de « non infériorité ». C’est un nouveau genre d’études promu par les laboratoires pour permettre l’entrée sur le marché de médicaments n’apportant aucune amélioration. Ces nouveaux produits sans aucun intérêt thérapeutique supplémentaire embolisent le marché du médicament et contribue à l’explosion de la consommation. On a déjà en France 5700 produits vendus sous 12000 présentations, ça devrait suffire. Faisons place aux vraies innovations !
Réformer le CEPS. Le Comité économique des produits de santé, négocie avec les laboratoires, en toute opacité, le prix des médicaments remboursables. Le CEPS doit publier le détail de chacune de ses décisions. Evidemment, le prix de vente d’un médicament devrait être le même en ville et à l’hôpital pour éviter les effets pervers du dumping pratiqué à l’hôpital par certains laboratoires pour mieux imposer en ville leurs médicaments les plus chers. Le récent cas des NACO, nouveaux anti coagulants oraux, notés « ASMR V », et qui coutent pourtant 1 milliard d’euros à l’assurance maladie est dans toutes les mémoires. Il faut redonner de la transparence au processus de fixation des prix.
Instaurer une formation indépendante. Mettons enfin en place une formation médicale continue, FMC, qui soit obligatoire et indépendante de l’industrie pharmaceutique. Les 500 millions d’euros nécessaires seraient à coup sûr récupérés au quintuple dans les 2 ans qui suivraient grâce à une meilleure efficience des prescriptions.
Hôpital : 25 Mds€ d’économies
La même OCDE a démontré qu’en matière de dépenses hospitalières, le différentiel des dépenses avec nos voisins offre une marge d’économies de 25 milliards. Plusieurs leviers existent pour rendre l’hôpital plus efficient, sans réduire la qualité de la prise en charge. Ces mesures relèvent de l’urgente nécessité si l’on veut enrayer le vrai déficit annuel des hôpitaux publics, celui qui apparaît avant tous les pansements, dont les cessions immobilières. Déficit qui s’est installé autour de 400 millions, selon le président de la Fédération hospitalière de France, qui représente les 1000 établissements publics de santé.
Réduire le nombre de lits. La comparaison européenne de l’OCDE fait apparaître qu’en moyenne, en 2012, chaque pays membre disposait de 4,8 lits d’hospitalisation pour 1000 habitants. En France, ce taux monte à 6,8 lits pour 1000 habitants. En Italie, ils en sont à 3,4 et en Grande-Bretagne à 2,8, et les populations ne sont pas en plus mauvaise santé. Il y a donc encore de la marge, malgré le mouvement de baisse enclenché en 2004 et manifestement stoppé depuis 2010. Pour cela, il faut éviter les hôpitaux cathédrales qu’on a du mal à remplir, comme à Corbeil-Essonne. Arrêtons de vouloir faire plaisir aux élus qui ne pensent qu’à créer des emplois, même s’ils sont subventionnés par une assurance maladie déjà bien malade financièrement.
Fermer les services inutiles. Attention, grosse dose de courage nécessaire : le ministère de la Santé l’avait dit lui-même, suite à quelques incidents : il faut pouvoir fermer les services qui travaillent si peu qu’ils en ont perdu leur expertise. Des hôpitaux de petite taille s’efforcent de maintenir des activité chirurgicale ou d’obstétrique alors que le nombre d’actes réalisés est très inférieur à la moyenne nationale de services comparables. Ca met en danger le patient, et ça coûte une fortune à la collectivité. Car pour avoir le droit de fonctionner il faut maintenir 3 équipes notoirement sous utilisées.
Recentrer l’hôpital sur ses missions premières. Plus généralement, il faut recentrer l’hôpital sur ce qu’il sait faire de mieux, l’hospitalisation, et laisser aux médecins de ville ce qu’ils savent si bien faire depuis toujours : le soin de premier recours. L’hôpital doit rester à l’hôpital et mieux communiquer avec la ville. Les dépenses colossales en informatique hospitalière – plus de 1,3Md€ par an – n’ont pas amélioré la communication avec la ville. Il faudrait une incitation forte comme diminuer de moitié la dotation informatique à tout hôpital qui ne communiquerait pas en temps réel avec la ville. Voilà qui remplacerait utilement une loi où il est demandé que la lettre de sortie… accompagne le malade sortant ! ce qui je crois avait déjà été préconisé par une certaine Simone Veil en 1975…
Eduquer les Français au bon usage de la santé
Pour le bien être des patients et des comptes de la sécu, éduquons les !
Mieux consommer les médicaments. C’est une étude comparative de l’assurance maladie publiée en 2014 qui l’a mis en lumière : les Français, souvent victime de la publicité, ont tendance à consommer de préférence les produits les plus récents et les plus chers, au détriment de molécules plus anciennes et des génériques qui restent souvent très efficaces. Tout cela justifie un vrai plan national d’éducation à la santé. Car si c’est bien le médecin qui prescrit, il lui est parfois difficile de résister aux pressions pour ne pas dire exigences de patients qui arrivent aujourd’hui dans nos cabinets pleins de la pseudo science médicale distillée sur internet mais surtout sous influence de publicités grand public habilement orientées. Le patient n’hésite plus à évoquer une perte de chance si on ne l’écoute pas.
Informer sur les coûts de santé. Une bonne éducation ne va pas sans une bonne information. Il faut que chaque patient sortant d’un cabinet médical, de l’hôpital… ait en main une facture, qu’il sache combien cet acte, ces soins ont coûté, quand bien même ce patient n’a avancé aucun frais. Trop de gens ignorent le prix de la santé.
Pour un juste usage des urgences. Beaucoup de gens qui embouteillent les urgences ont des symptômes depuis plusieurs jours et pourraient consulter en ville à moindre coût. Il faut l’aider en facilitant son information, mais il faut aussi l’inciter.
Investir dans les soins ambulatoires
Le nécessaire développement de la médecine ambulatoire n’engendrera malheureusement pas les 5 milliards d’économies annoncées par notre ministre. Même la Fédération Hospitalière de France a corrigé le tir espérant au mieux 500 millions. Il reste que l’ambulatoire doit se faire, et vite, si l’on veut rapidement réduire la dépense de l’assurance maladie mais aussi améliorer le confort des patients. Pour cela, il faut dégraisser le mammouth hospitalier et transférer l’activité sur le secteur libéral qui a l’avantage de la proximité.
Réformer vite et bien. Beaucoup l’ignorent, mais jusqu’en 1992 l’ambulatoire était purement et simplement interdit en France. Jusqu’en 2006, son recours a été fortement contingenté et un chirurgien orthopédiste opérant les canaux carpiens, par exemple, devait expliquer à son patient opéré en ambulatoire du côté gauche en janvier, que pour le côté droit il allait devoir attendre septembre, et… passer deux nuits à la clinique… car l’établissement avait épuisé son quota autorisé d’ambulatoire ! Et pourquoi deux nuits ? Parce que, pour l’assurance-maladie, les hospitalisations d’une journée n’existaient pas ! Il a finalement fallu attendre… mars 2014 pour que l’assurance-maladie supprime la fameuse « borne basse », la durée minimum d’hospitalisation pour les interventions d’une certaine importance. Cette borne basse qui a empêché les chirurgiens d’abaisser progressivement la durée d’hospitalisation de leurs patients et de réduire ainsi la dépense de l’assurance maladie… J’avais cru comprendre qu’il y avait urgence à faire des économies…
Adapter l’outil. Cheval de bataille tout juste sorti de l’écurie des pouvoirs publics (après s’y être opposé par tous les moyens) l’ambulatoire ne sera réellement une source d’économies que si on adapte l’architecture des bâtiments et les équipes y travaillant, médicales et paramédicales : le CHU Toulouse vient d’inaugurer un hôpital de 600 lits, comprenant 25 salles d’opération et… 20 lits d’ambulatoire ! Bravo l’anticipation !
Prévoir l’aval. Le transfert massif de certaines tâches de l’hôpital vers la ville, qui va inéluctablement accompagner la montée en puissance de la chirurgie et de la médecine ambulatoire, ne peut se faire que progressivement, mais nous devons donner d’ores et déjà les moyens à la médecine de ville d’accueillir les sorties précoces de l’hôpital. Il faut pour cela créer un métier qui n’existe pas ou peu en ville : les « aides soignantes libérales », placées sous le contrôle des infirmiers libéraux eux mêmes en coordination avec le médecin traitant.
Supprimer les SMUR dans les très grandes agglomérations.
Dans les grandes villes, les départements très urbanisés, on n’est jamais à plus de 15 mn d’un hôpital. Concentrons les moyens des SMUR, les Services mobiles d’urgence et de réanimation, dans les zones démographiquement faibles, là où l’habitat est dispersé. Et installons ailleurs, comme le font de nombreux autres pays européens, comme le font les Etats-Unis, des paramédicaux capables d’évacuer en 15 minutes les patients urgents vers un établissement de santé. L’économie est certaine, bien que difficile à évaluer car on ne sait pas combien coûte l’activité des Smur. Certains hôpitaux auxquels ils sont rattachés ne facturent aucune de leur prestation, pendant des patients qui ont sollicité un autre SMUR, d’un autre hôpital, pourront recevoir une facture de plusieurs centaines d’euros. L’opacité est totale. Le jeu vaut-il la chandelle d’or massif ? La question mérite d’être posée.
Tirer la HAD vers une organisation libérale
Si nous comparons une prise en charge d’un patient sous le régime dit de l’hospitalisation à domicile, HAD, à une prise en charge par une équipe de professionnels de santé libéraux, le coût varie de 3 à 1. La HAD coûte trois fois plus cher qu’une petite équipe constituée d’un médecin, d’une infirmière libérale et du kinésithérapeute et pourtant elle continue de se développer. Est-ce rationnel ? Efficient ? au moment où le virage des soins en ambulatoire se prend il convient de se poser la question : pourquoi maintenir un intermédiaire entre l’hôpital et la ville – les structures de HAD – qui coûte chaque année 859 millions d’euros pour 4millions de journées concernant 105 000 patients. Ne serait-il pas plus judicieux d’améliorer la communication entre l’Hôpital et la ville, et de mettre à disposition des professionnels libéraux l’assistante sociale qui leur manque et de créer enfin des aides-soignantes à domicile pour prendre en charge correctement les sorties précoces d’hôpital et compléter l’équipe médicale libérale.
Rendre la médecine libérale plus attractive
Six médecins sur dix sont des libéraux en France. Soit environ 120 000 généralistes et spécialistes. Un volume qui permet de mailler convenablement le territoire et de faciliter l’accès aux soins jusque dans les coins les plus reculés. Il faut conserver cette proximité menacée par la désertification et même la développer pour faire face à tous les défis qui attendent notre société : vieillissement, polypathologies, affections longue durée, mais aussi éducation, suivi… Quand il n’y a plus que huit diplômés sur cent pour choisir la médecine libérale la première année du diplôme, il y a urgence à redonner de l’attractivité à une médecine qu’on a dévalorisée et attaquée de manière démagogique. Pour cela, Il est urgent de changer les rapports entre la médecine de ville et l’hôpital, de placer les relations entre médecins et assurance maladie sur le mode de la confiance. Et il est urgent de déclencher un investissement massif sur la médecine libérale.
Réformer la rémunération. Évidemment, il faut revaloriser les actes, et les amener au niveau européen. Y compris pour les chirurgiens et chirurgiens dentistes, pour l’essentiel bloqués depuis 25 ans. Cela éviterait les réflexions démagogiques sur les renoncements aux soins. Les choses remises à plat, les tarifs redeviendront compréhensibles aux patients, et permettront aux médecins d’améliorer leurs conditions de travail. Par exemple, de pouvoir employer une assistante et un autre personnel médical, pour gérer les appels, les rendez-vous, les soins non programmés… comme dans la plupart des autres pays européens. Ce qui leur évitera les 57 ou 60 heures de travail hebdomadaires que nous connaissons en France et qui peuvent rebuter les jeunes diplômés.
Créer une classification des actes. C’est le passage obligé vers une réforme de la rémunération. L’activité des spécialistes cliniques, médecine générale incluse, est extrêmement variée et n’a jamais fait l’objet de la classification réclamée par la profession, comme cela existe pour les cliniques où chaque acte est identifié et côté. Il faut donc mettre fin au principe actuel qui veut que tout acte ou presque, quelle que soit sa durée, entre dans la case de rémunération « consultation ». Il faut identifier les principaux actes, leur durée nécessaire, et fixer une rémunération pour chacun de ces actes.
Modifier les études
C’est un des grands chantiers à lancer très vite car il n’y a plus que huit diplômés sur cent qui font le choix de la médecine libérale la première année de leur diplôme. Objectif principal : sensibiliser les étudiants à l’intérêt de la médecine libérale. Il est frappant de constater que le nombre de professeurs Universitaires chargés de former à la médecine générale la moitié des étudiants inscrits en médecine ne sont que 38 tandis que pour former l’autre moitié des étudiants aux autres spécialités on en compte 3000. Première aberration à corriger. Il faut aussi montrer aux étudiants l’intérêt de la médecine libérale qui ne se résume pas, loin s’en faut, à la « bobologie » que beaucoup de médecins hospitaliers voudraient simplement lui confier. Pour cela, il faut accueillir les étudiants plus massivement en stage. Le militantisme des médecins généralistes, qui ont mis un pied à l’hôpital malgré les obstacles, a permis aux médecins libéraux des autres spécialités de prendre conscience de la nécessité d’accueillir au sein de leurs cabinets des internes dans toutes les spécialités. Mais il faut aller plus loin. Il faut notamment simplifier l’octroi du label « maitre de stage ». L’expérience de terrain et la volonté de compagnonnage doivent permettre de devenir « maitre de stage ». Quand on sait que pour devenir la première « maitre de stage en gynécologie » de France, une gynécologue de Toulouse a dû batailler deux ans et demi à l’université, on mesure le chemin à parcourir pour généraliser et simplifier le dispositif. Parallèlement, il faut inciter les internes à effectuer leurs stages en zone démographiquement faible. Plusieurs exemples marchent et on peut s’étonner que des dispositions n’aient pas été prises pour les généraliser. Pour compenser les obstacles dissuasifs tels que l’éloignement, le manque de transports et de logement, comme en Corse, il faut doubler la rémunération des internes en stage, prendre en charge leurs transport ainsi que leur logement. Ça marche en Corse où la courbe de la démographie médicale s’est inversée, ça doit marcher ailleurs. Dans la Creuse, les maires ont accepté de construire des logements pour héberger les internes, ceux-ci découvrent une médecine de premier recours passionnante à exercer et ils s’installent. Tout le monde est gagnant.
Réinventer la « visite à domicile »
Ceux de ma génération qui ont connu la période où il n’était pas rare d’effectuer un bon tiers de ses actes en visite plutôt qu’en consultation, peuvent témoigner qu’on en apprenait plus en une seule visite sur le mode de vie des patients qu’en dix consultations au cabinet. Pourtant, il a été demandé au médecin de famille de limiter ses visites à domicile. Certes il est plus confortable de consulter au cabinet où il est plus facile de tenir un dossier, mais que faire lorsqu’il s’agit de personnes âgées, de personnes à mobilité réduite ou de personnes en fin de vie, de patients sortant d’hospitalisation précocement ? Ces patients nécessitent un déplacement, et souvent une bonne coordination avec les autres professionnels de santé, pour une prise en charge du malade la meilleure possible. Ces consultations à domicile, sont appelées aujourd’hui à se développer, vu l’évolution de notre société et des techniques. Elles seront consacrées par le développement de la médecine ambulatoire. Cette nouvelle forme de visites chez le patient devra être notablement revalorisée si l’on veut prendre en compte leur durée et leur complexité. Et pourquoi ne pas permettre aux médecins traitants qui sont parfois dans l’impossibilité d’assurer ces visites à domicile de le confier ponctuellement à des médecins mobiles. Leurs interventions seraient valorisées de l’ordre de deux fois le prix d’une visite normale, soit 2 V. Pour éviter les recours abusifs à ces médecins, toute demande de visite faite directement au médecin mobile ne devra être remboursée qu’au prix d’une consultation au cabinet du médecin.
De ma qualité de vie dépend la qualité de mes soins.
Alors que la qualité de vie des Français s’est améliorée avec l’avènement des 35 heures et de la société des loisirs, le quotidien du médecin libéral, lui, a peu changé sur le terrain : il travaille toujours beaucoup, endosse beaucoup de responsabilités, doit faire face aux contraintes administratives, à la bonne marche de son cabinet pour en préserver l’emploi quand il y a des salariés, et enfin à ses investissements. Le fort taux de suicide s’explique mieux quand on comprend tout ça, de même que le désintérêt, ces dernières années, des jeunes diplômés pour la médecine libérale. Une nouvelle tendance s’installe par ailleurs chez les nouveaux médecins, dont beaucoup sont des femmes : la préférence pour le salariat. Mais qui dit salariat dit moins de temps médical disponible (le salarié est aux 35 heures), un moindre maillage territorial… Il faut donc redonner de l’attractivité à la médecine libérale.
En finir avec les gardes de nuit et de WE. Pour améliorer définitivement les conditions d’exercice et pour rendre plus sexy l’exercice libéral aux yeux des jeunes diplômés, il faut en finir avec la contrainte de la permanence des soins (gardes de nuit et jours fériés). La médecine a changé, les patients ont changé, la société a changé, les médecins changent mais on leur reproche de ne pas faire la médecine d’il y a 40 ans. Le mouvement des médecins de 2002 a permis de mettre fin à ce système, mais la permanence des soins est loin d’être homogène sur le territoire. Il faut donc instaurer des dispositifs basés sur le volontariat et une vraie régulation par le Centre 15 et /ou un numéro national à 4 chiffres. La garde de ce qu’on appelle « la nuit profonde », de minuit à 8H, est acceptable si le médecin est véhiculé ; le médecin libéral est bien le seul à ne pas être accompagné dans la nuit profonde. Il doit être rémunéré à hauteur de quatre consultations par heure. Cette rémunération qui peut paraître élevée reste néanmoins inférieure à une seule sortie du SMUR.
Pour moins de 200 millions d’euros on pourrait organiser une permanence des soins sur tout le territoire et attirer des jeunes vers la médecine libérale alors que pour l’heure, ils vont massivement vers les urgences à la fin de leurs études et restent naturellement dans le salariat qu’ils ont toujours connu…
Un Forfait structure. Il faut déconnecter les actes réalisés d’un certain nombre de charges qui pèse sur le cabinet du médecin et le pousse à faire toujours plus d’actes, jusqu’à l’épuisement parfois. Pour cela, j’estime qu’il faut créé un forfait structure, qui ne doit pas être inférieur à 50 000€ par an mais qui pourrait cependant être variable en fonction du lieu d’installation et du mode d’exercice isolé ou regroupé. Il doit permettre de financer l’emploi d’une secrétaire, comme cela se fait dans la grande majorité des pays européens. Beaucoup de médecins n’ont pas de secrétariat, en France la moyenne est de 0,3 salarié par médecin contre 2,4 en Europe. Un médecin isolé, sans assistante doit donc répondre au téléphone, organiser les rendez-vous, ouvrir la porte, rédiger les courriers administratifs… La secrétaire est souvent une confidente supplémentaire, et du coup une aide capitale, comme celle qui, un jour, était venue m’alerter après avoir fait rentrer un patient dans la salle d’attente : « monsieur N. était en train de me parler et il s’est arrêté de parler pendant quelques secondes puis il a recommencé à me parler comme si de rien n’était ». L’adénome hypophysaire qu’on a trouvé sur le scanner doit son diagnostic précoce à cette secrétaire et il faut que les politiques finissent pas entendre qu’il faut donner des moyens aux médecins pour prendre en charge correctement les patients. Ce forfait structure doit aussi permettre au médecin de s’équiper correctement, en matériel informatique, de communication et de télétransmission, forfait maintenance inclus. Car ces investissements, finalement, sont réalisés pour rendre service avant tout à l’assurance maladie qui exige de nous la télétransmission, par exemple des feuilles de soins. Ce forfait structure remplacerait tous les forfaits soit disant à « objectifs de santé publique » donnant lieu à des contrôles tatillons et bien souvent inutiles. Il serait attribué en échange d’une continuité des soins et d’une coordination des soins. Le patient s’y retrouverait certainement mieux qu’avec les forfaits actuels qui introduisent des conflits d’intérêts majeurs entre le médecin et le patient.
Pour un vrai partage des documents médicaux.
J’en ai parlé longuement dans les pages précédentes, le DMP, le dossier médical personnel qu’on veut nous imposer depuis 2004 ne marche pas et ne marchera jamais. On a déjà dépensé 500 millions d’euros, ça suffit. Je propose que l’on offre à tous les médecins un logiciel, Apicrypt, déjà choisi spontanément, et sans subvention, par 50 000 médecins libéraux et de l’hôpital. Apicrypt peut être déployé en six mois pour 24 millions d’euros seulement. Il suffit déjà que les 25000 médecins des hôpitaux de Paris et les 3000 de Lille utilisent la messagerie comme ils en ont la possibilité pour que le nombre d’utilisateurs atteigne 75000..
Réformer de la médecine du travail.
Chaque salarié a pu le constater, pour certains même s’en moquer : la médecine du travail a perdu de sa noblesse et de son efficacité. Une réforme s’impose, dans l’intérêt de tous.
Redonner du sens à cette spécialité. La médecine du travail doit, pour être efficace, se limiter à effectuer les visites d’aptitudes et les visites de reprises après arrêt maladie. Elle doit aussi vérifier les conditions d’exercice au sein de l’entreprise, puisque c’est elle qui connaît le mieux les entreprises et leurs pratiques.
Parallèlement, et pour du sens à la réforme qui veut placer au centre de notre système de soins le médecin traitant, il faut imposer au salarié d’aller voir son médecin traitant tous les 2 ans, pour une visite complète durant laquelle le praticien vérifiera la tension, le poids, la vue, l’ouïe ainsi que les troubles musculo squelettiques du salarié. Il vérifiera également que les actes de prévention ont bien été effectués : frottis, coloscopie…, ainsi que les vaccinations qui seront répertoriées par le médecin ce qui évitera à chaque fois de chercher ce qui a été fait. Cette réorganisation, redorerait le blason d’une médecine du travail délaissée par les médecins, sans altérer la surveillance des salariés de ce pays.
Pas de surcoût. Le médecin traitant doit bien sûr être rémunéré spécialement pour ces visites forcément longues. Cela peut se faire par simple transfert d’un milliard pris sur les cotisations patronales existantes, donc sans surcoût. Une telle réforme aurait le double avantage de donner des moyens au médecin traitant tout en soulageant une spécialité délaissée.
jean paul Hamon
Président FMF
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