10 ans de restrictions de prise en charge des transports sanitaires

Depuis quelques années les dépenses liées aux frais de transport des malades explosent. 

En partie parce que la population vieillit, mais en partie aussi parce que le comportement non citoyen de certains patients (« j’ai droit à… ») et de certains transporteurs, et la difficulté à refuser de certains prescripteurs, ont entraîné des dérives importantes.

Le législateur a donc choisi de réguler ces dépenses en restreignant les conditions de prise en charge par l’Assurance Maladie.

En 2006, l’arrêté du 23 décembre 2006 met en place un référentiel précisant quel moyen de transport peut être prescrit en fonction de l’état du patient

  • L’ambulance est réservée aux cas nécessitant un transport en position obligatoirement allongée ou demi-assise, un transport avec surveillance par une personne qualifiée ou nécessitant l’administration d’oxygène, un transport avec brancardage ou portage ou un transport devant être réalisé dans des conditions d’asepsie.
  • Un Transport Assis Professionnalisé (TAP par VSL ou Taxi) peut être prescrit en cas de déficience ou incapacité physique invalidante nécessitant une aide au déplacement technique ou humaine mais ne nécessitant ni brancardage ni portage, déficience ou incapacité intellectuelle ou psychique nécessitant l’aide d’une tierce personne pour la transmission des informations nécessaires à l’équipe soignante en l’absence d’un accompagnant, déficience nécessitant le respect rigoureux des règles d’hygiène, déficience nécessitant la prévention du risque infectieux par la désinfection rigoureuse du véhicule.

La circulaire DHOS/F4/DSS/1A/2007/330 du 24 août 2007 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses liées au transport de patients met en place un encadrement particulier des forts prescripteurs par l’assurance maladie via la procédure de mise sous accord préalable prévue à l’article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale. A cet effet, les médecins dont les prescriptions de transports sont les plus atypiques verront celles-ci, après passage devant la commission ad hoc, soumises à l’accord préalable du service médical, pour une période déterminée.

Le Décret n° 2011-258 du 10 mars 2011 réserve, à compter du 1er avril 2011, la prise en charge des frais de transport des assurés en ALD aux patients « dont l’incapacité ou la déficience ne leur permet pas de se déplacer par leurs propres moyens ».

La circulaire du 27 juin 2013 précise enfin qu’ « un patient en ALD qui se rend à une consultation en utilisant son véhicule personnel, par ses propres moyens et sans personne accompagnante, ne pourra être remboursé de ses frais de transport » et que « s’agissant des transports sans lien avec l’ALD, les patients en ALD bénéficient des conditions de prise en charge de droit commun ».

Donc où en sommes-nous actuellement ?


Pour être remboursé, le transport doit répondre à au moins l’une des situations suivantes :

  • le transport est lié à une hospitalisation (complète, partielle, ambulatoire). Les séances de chimiothérapie, de radiothérapie ou d’hémodialyse sont assimilées à une hospitalisation,
  • le transport est lié aux traitements ou examens prescrits au titre de l’ALD dont souffre votre patient qui présente, par ailleurs, une déficience ou une incapacité définie par le référentiel de prescription des transports,
  • le transport est en lien avec un accident du travail ou une maladie professionnelle

Donc en dehors des transports pour hospitalisation ou AT-MP, les médecins sont soumis au référentiel des transports sanitaires définissant les déficiences qui peuvent justifier la prise en charge des transports par l’assurance maladie, l’ALD étant une condition nécessaire mais non suffisante comme avant 2011.

On peut le retrouver résumé sur la notice qui accompagne les formulaires S3138 ou S3139 ou sur AMELI, dans sa documentation pour les assurés ou pour les transporteurs

Attention, ce référentiel est opposable, et les caisses n’hésitent pas à l’utiliser comme argument dans les procédures de récupération d’indus !

Cependant, la lecture attentive de la notice du formulaire S3138 permet de se rendre compte qu’il n’est pas toujours nécessaire d’être en ALD ou en AT pour pouvoir bénéficier de la prise en charge des transports, contrairement à ce que pensent la plupart des médecins, mais les conditions sont strictes.

Particularité du transport en ambulance :
Il peut être prescrit et pris en charge […] dès lors que votre patient présente au moins une déficience ou incapacité nécessitant un transport :
  • en position obligatoirement allongée ou demi-assise,
  • avec surveillance par une personne qualifiée ou l’administration d’oxygène,
  • avec brancardage ou portage ou un transport devant être réalisé dans des conditions d’asepsie.

ce qui permet d’envoyer le patient dément en ambulance en consultation dermatologique pour cette lésion suspecte, ou la patiente oxygénodépendante passer une radio après une mauvaise chute, sans lien avec leur ALD, ou même s’ils ne sont pas en ALD (au taux de 65% de prise en charge évidemment), alors que la caisse répond invariablement que cette possibilité n’existe pas.

Mais cette possibilité est réservée aux transports en ambulance (pas pour les TAP ou les transports privés donc) et pensez bien à écrire en toutes lettres « Sans rapport avec l’ALD » dans le cadre du haut pour qu’un membre de la famille ou le transporteur n’aille pas rajouter une croix dans la case « en rapport avec l’ALD », vous mettant en situation délicate avec la caisse.

C’est d’ailleurs le cas de la plupart des CERFA : il est tellement facile de rajouter une croix que la tentation peut être parfois trop forte …