ROSP : comment contester intelligemment ?

Faut-il accepter les chiffres de la CNAMTS ?

Pour la troisième fois la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) est versée cette année. Au-delà des débats de fond : faut-il accepter ou refuser la ROSP ? les objectifs sont-ils médicalement pertinents ? un autre problème se pose : la CNAMTS décide seule si et combien chaque médecin peut toucher, d’une façon très opaque et difficilement contrôlable, donc contestable. Il y a quand même un certain nombre de points sur lesquels on peut se pencher, sans forcément perdre un temps tel que ce ne soit pas rentable. {La patientèle Médecin Traitant} C’est le point le plus facile à contester : la CNAMTS se base sur son relevé « officiel » de patients vous ayant choisi comme MT et vous balance sur EspacePro un nombre sorti du néant comme les Tables de la Loi remises à Moïse. Mais les CPAMs, dans leur infinie bonté, vous envoient aussi le relevé papier trimestriel de votre patientèle (ou du moins le faisaient jusqu’au 31/12/14) et maintenant le mettent à disposition dans EspacePro si vous vous connectez avec votre CPS. Il suffit de les téléchargez (faites-le maintenant, avant la prochaine mise à jour, pour avoir le décompte de décembre 2014). La CPAM pousse la prévenance à mettre le nombre de patients concernés à la fin de chaque récapitulatif. Pour être honnête, il faut quand même penser à retirer les morts et ceux qui ont déménagé, qui sont comptés avec les autres ! (preuve que la CPAM sait parfaitement mélanger les torchons et les serviettes). Il ne vous reste plus qu’à additionner les sous-totaux pour avoir une estimation de votre patientèle légalement aussi valable que celle d’EspacePro (on voit mal un tribunal décider qu’un listing CPAM est erroné) et souvent bien supérieure. Cette année, j’arrive ainsi à 993 vs 859 ! Vous pouvez aussi contrôler le listing MSA, mais chez moi il ne diffère pas du nombre affiché sur EspacePro. Quant aux autres régimes, ils ne daignent pas envoyer une quelconque information. C’est le moyen de réclamer le plus profitable : en effet le calcul de la ROSP se fait en points (au maximum 1300), multiplié par 7 € du point, agrémenté d’une règle de 3 par rapport à une clientèle fictive « normalisée » de 800 patients. Donc tout patient en plus vous fait gagner quelques euros, sans aucun travail supplémentaire. {Le volet organisationnel } Il est là plus difficile de contester. Soit vous avez un logiciel et éventuellement une aide à la prescription et transmis les factures à la caisse, soit vous ne l’avez pas fait. Si vous l’avez fait en retard, vous pouvez négocier un arrangement avec votre CPAM, sous réserve de ne pas être en conflit ouvert avec elle. Par contre il faut bien noter que les exigences ne sont pas très sévères : il faut avoir utilisé au moins une fois les téléservices (quitte à aller se faire une déclaration MT à soi-même chez un copain utilisateur d’EspacePro : on ne peut pas vous taxer de fausse déclaration, c’est la caisse qui remplit cet item !), et d’être capable (et non pas de le faire réellement) d’éditer une fois par an une fiche de synthèse pour ses patients (fiche de synthèse qui ressemble d’ailleurs comme deux gouttes d’eau à celle qu’on fait quand on fait une CA à un patient en ALD). Quant aux horaires du cabinet : mettez-vous partout en rendez-vous, et ne marquez surtout pas d’horaires de visites : au moins la caisse ne pourra pas s’appuyer là-dessus pour contester que vous avez quitté votre cabinet pour faire une V MU ! Il est cependant un point qu’il est possible de contester : c’est le taux de télétransmission : en effet, si vous êtes en dessous de 2/3 (et non 66% comme on entend souvent) de taux de télétransmission, vous pouvez faire une croix sur le volet organisationnel qui représente 1750 € pour tous les médecins et 2800 € pour les généralistes (qui sont les seuls concernés par la synthèse annuelle). Si vous êtes limite, vous avez intérêt à vérifier ce que vous indique votre logiciel de facturation, qui, s’il est bien fait, vous met les pourcentages que VOUS avez enregistrés. {Le volet « Indicateurs de suivi médical »} Il n’y a sur ce plan-là pas beaucoup de contestation possible : je n’ai aucune idée du nombre de traitements antibiotiques par 100 patients de 16 à 65 ans hors ALD (sisi c’est le libellé !) que j’ai prescrits ou du pourcentage de génériques que mes pharmaciens ont délivrés. Si votre logiciel est bien fait, que vos dossiers sont bien tenus et que vous savez le faire, vous pouvez par contre extraire le nombre de mammographies chez les femmes de 50 à 74 ans ou de frottis chez celles de 25 à 65 ans, ou d’HbA1c chez vos diabétiques. Je l’ai fait (avec succès) la première année, mais c’est assez chronophage, trop pour être rentable, je ne le fais plus. Mais par contre, vous pouvez contester le nombre de diabétiques (ça c’est facile à trouver) sur lequel la CNAMTS fait ses calculs, ce qui peut être utile si vous êtes en-dessous du seuil fatidique de 10 en-deça duquel elle ne prend même pas en compte l’indicateur. En effet, d’une part elle ne comptabilise que les diabétiques du Régime Général, et d’autre part elle ne compte que les patients sous antidiabétiques. L’article 26 de la convention précise : Pour les médecins traitants, la patientèle prise en compte pour le calcul des indicateurs est la patientèle médecin traitant (MT) de l’ensemble des régimes d’assurance maladie à la date de mise en œuvre du dispositif. Elle est réévaluée chaque année à date anniversaire du début du dispositif. Dans l’attente de la mise à disposition du calcul des indicateurs sur l’ensemble des régimes d’assurance maladie obligatoire, les indicateurs sont calculés sur la patientèle du régime général. Il est donc admis que la CNAMTS, pour des raisons techniques, ne compte que ses patients. Cependant en théorie les patients de tous les régimes doivent être pris en compte. Quant à la définition des diabétiques, s’il est bien précisé pour le décompte des HbA1c «Nombre de patients traités par antidiabétiques», pour les résultats des HbA1c ou des LDL-Cholestérol il est juste marqué «Nombre de patients MT diabétiques de type 2». Vous pouvez donc légitimement réclamer que soient comptabilisés au moins les patients en ALD pour diabète, même s’ils sont équilibrés par le régime seul. Ces modalités peuvent vous permettre de repasser au-dessus du seuil de 10 diabétiques, et donc de ne plus neutraliser les items correspondants. {Le cas des nouveaux installés} De nombreux jeunes médecins installés après le 01/01/2012 ont eu et ont encore le plus grand mal à se faire payer leur ROSP. On leur objecte souvent que le calcul n’est pas possible parce que la patientèle prise en compte est celle au 31/12/2011, ou que le point de départ n’est pas calculable car là encore il faudrait les chiffres au 31/12/2011. Ce n’est pas ce que dit la Convention : – Article 26 : Pour les médecins traitants, la patientèle prise en compte pour le calcul des indicateurs est la patientèle médecin traitant (MT) de l’ensemble des régimes d’assurance maladie à la date de mise en œuvre du dispositif. Elle est réévaluée chaque année à date anniversaire du début du dispositif. – Article 26.4 : le niveau initial du médecin est défini à partir de la situation médicale initiale du médecin au moment de l’entrée en vigueur du dispositif ou de l’adhésion du médecin à la convention lors d’une nouvelle installation (T0) Et même plus, l’article 26.2 précise que les nouveaux installés ont droit à être mieux rémunérés : Les parties conventionnelles conviennent de soutenir la première installation en libéral en majorant la valeur du point pendant une durée de trois ans, selon des modalités définies en annexe XVII. Annexe XVII, article 2.4 : Afin de soutenir le médecin s’installant pour la première fois, celui-ci bénéficie de la rémunération à la performance selon les conditions particulières décrites ci-après. Pendant les trois premières années suivant son installation, et pour les indicateurs relevant de la qualité de la pratique médicale, la valeur du point sera majorée de 15 % la première année, 10 % la deuxième année et de 5 % la troisième année. Plus de précision dans l’article sur les Faux Calculs de la ROSP {Conclusion} Comme d’habitude avec les caisses, il faut savoir faire valoir ses droits et ne pas se laisser impressionner par l’opacité des procédures et des textes. La passivité des médecins fait le jeu des caisses, c’est à nous de réagir pour ne pas nous laisser faire ! Pour réclamer, il suffit d’écrire à sa CPAM de référence (un mail à son ou sa DAM avec accusé de réception suffit, la réclamation est transmise à l’échelon supérieur). Mais faites-le avec des arguments, et vous êtes sûrs de gagner, comme 90% de ceux qui l’ont fait en 2014.