Durant la torpeur estivale et juste avant la rentrée sportive, les ministres de la santé et des sports ont conjointement signé l’Arrêté du 24 juillet 2017 fixant les caractéristiques de l’examen médical spécifique relatif à la délivrance du certificat médical de non-contre-indication à la pratique des disciplines sportives à contraintes particulières, qui est paru au JO le 15/08/2017.
Autant dire que les médecins et les patients auront peu de temps pour se mettre à jour avant le rush des certificats de la rentrée.
Pourtant la rédaction d’un certificat de non-contre-indication à la pratique sportive devient, au moins pour certains sports, un sport à risque en soi, alors même que l’an dernier on nous avait enfin accordé une petite simplification pour les sports \ »normaux\ ».
L’obligation de moyens qui est déjà le fait de la profession médicale est ici strictement encadrée. Je ne saurais trop conseiller aux collègues de lire attentivement le texte de l’arrêté reproduit en fin d’article. Le « C’est juste pour un certificat Docteur… » de beaucoup de patients n’est vraiment plus de mise.
Cet arrêté appelle quand même quelques remarques et interrogations. A-t-il été pris en concertation avec les médecins et les fédérations sportives ou sort-il tout droit des considérations technocratiques d’un énarque ? On trouve dans le corps du texte :
selon les recommandations de la Société française de médecine de l’exercice et du sport.
La SFMES est-elle une société savante reconnue par tous ?
Qui doit payer pour ces dépenses supplémentaires ? Autant il est admissible de penser qu’à l’occasion d’un examen de prévention (qui fait partie des missions des médecins traitants) il est loisible de rédiger un certificat de non-contre-indication pour les sports « normaux », autant il est anormal de faire supporter à la collectivité des angio-IRM (le nom habituel des remnographies artérielles), des ECG, des épreuves d’effort ou des bilans glucido-lipidiques, ophtalmologiques ou ORL pour que certains puissent continuer à pratiquer leur sport favori.
Est-il également normal, alors que les délais d’attente pour les indications liées à des pathologies sont déjà longs, de demander de tels examens pour du dépistage ?
L’arrêté énonce très clairement quels sont les éléments d’exploration obligatoires, mais ne précise absolument pas à partir de quel degré d’anomalie sur ces examens le sport devient contre-indiqué. Comment alors connaître la marche à suivre ? Une hypercholestérolémie à 2,50 g est un résultat anormal. Est-ce une contre-indication à être rugbyman après 40 ans ?
L’arrêté oblige aussi tous les joueurs de rugby a bénéficier d’un ECG de repos à partir de 12 ans. En dehors du fait que le rôle de dépistage de cet examen est l’objet de polémiques, au point que le CNGE ne le recommande pas , il reste encore de nombreux cabinets de médecine générale qui n’en sont pas équipés. Cela laisse augurer de grosses difficultés pour le début de la prochaine saison, au moins dans les terres de rugby où ça va forcément bouchonner dans les cabinets équipés.
Enfin on trouve ces mots au début du texte : « par tout docteur en médecine ayant, le cas échéant, des compétences spécifiques. »
Donc si vous vous sentez parfaitement à l’aise en médecine du sport, êtes compétents ET équipés du matériel nécessaire à un ECG, un examen ORL complet (y compris équilibration/ perméabilité tubaire, évaluation vestibulaire, acuité auditive), un examen dentaire, un examen psychiatrique, un examen ophtalmologique (avec acuité visuelle, champ visuel, tonus oculaire et fond d’œil), vous pouvez signer les certificats de non-contre-indication à la pratique des disciplines sportives à contraintes particulières.
Sinon, passez donc la main et adressez ces patients à un confrère médecin du sport, ou même à un service de médecine du sport, qui sera (peut-être) équipé de toute l’infrastructure nécessaire et des gens compétents pour l’utiliser.
Ce texte est l’exemple même de la mesure prise sans concertation et bâclée. Il serait nettement plus judicieux de mettre en place une VRAIE consultation régulière de prévention, prise en charge par l’Assurance Maladie, sans se lancer dans une débauche d’examens complémentaires dont on ne connaît ni l’intérêt, ni l’impact sur l’aptitude à la compétition, et d’un coût prohibitif.
Mais le faire supposerait un VRAI changement de point de vue des autorités de tutelle sur la médecine libérale et ses compétences !
Texte de l’arrêté :
La ministre des solidarités et de la santé et la ministre des sports,
Vu le code du sport, notamment ses articles L. 231-2-3 et D. 231-1-5,
Arrêtent :Article 1
La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre II du code du sport (partie réglementaire-arrêtés) est remplacée par les dispositions suivantes :
Section 1 Certificat médical
Art. A. 231-1.-La production du certificat médical mentionné à l’article L. 231-2-3 pour les disciplines dont la liste est fixée à l’article D. 231-1-5 est subordonnée à la réalisation d’un examen médical effectué, par tout docteur en médecine ayant, le cas échéant, des compétences spécifiques, selon les recommandations de la Société française de médecine de l’exercice et du sport.
Cet examen médical présente les caractéristiques suivantes :
1° Pour la pratique de l’alpinisme au-dessus de 2 500 mètres d’altitude :
- une attention particulière est portée sur l’examen cardio-vasculaire ;
- la présence d’antécédents ou de facteurs de risques de pathologie liées à l’hypoxie d’altitude justifie la réalisation d’une consultation spécialisée ou de médecine de montagne ;
2° Pour la pratique de la plongée subaquatique, une attention particulière est portée sur l’examen ORL (tympans, équilibration/ perméabilité tubaire, évaluation vestibulaire, acuité auditive) et l’examen dentaire ;
3° Pour la pratique de la spéléologie, une attention particulière est portée sur l’examen de l’appareil cardio-respiratoire et pour la pratique de la plongée souterraine, sur l’examen ORL (tympans, équilibration/ perméabilité tubaire, évaluation vestibulaire, acuité auditive) et l’examen dentaire ;
4° Pour les disciplines sportives, pratiquées en compétition, pour lesquelles le combat peut prendre fin, notamment ou exclusivement lorsqu’à la suite d’un coup porté, l’un des adversaires se trouve dans un état le rendant incapable de se défendre et pouvant aller jusqu’à l’inconscience, une attention particulière est portée sur :
- l’examen neurologique et de la santé mentale ;
- l’examen ophtalmologique : acuité visuelle, champ visuel, tonus oculaire et fond d’œil (la mesure du tonus oculaire et le fond d’œil ne sont pas exigés pour le sambo combat, le grappling fight et le karaté contact) ;
Dans le cadre de la pratique de la boxe anglaise, la réalisation d’une remnographie des artères cervico-céphaliques et d’une épreuve d’effort sans mesure des échanges gazeux est également exigée tous les trois ans pour les boxeurs professionnels et les boxeurs amateurs après quarante ans ;
5° Pour les disciplines sportives comportant l’utilisation d’armes à feu ou à air comprimé, une attention particulière est portée sur :
- l’examen neurologique et de la santé mentale ;
- l’acuité auditive et l’examen du membre supérieur dominant pour le biathlon ;
- l’examen du rachis chez les mineurs pour les tireurs debout dans la discipline du tir ;
6° Pour les disciplines sportives, pratiquées en compétition, comportant l’utilisation de véhicules terrestres à moteur, une attention particulière est portée sur :
- l’examen neurologique et de la santé mentale ;
- l’examen ophtalmologique (acuité visuelle, champ visuel, vision des couleurs) ;
7° Pour les disciplines sportives comportant l’utilisation d’un aéronef, une attention particulière est portée sur :
- l’examen neurologique et de la santé mentale ;
- l’examen ophtalmologique (acuité visuelle, vision des couleurs) ;
- l’examen ORL (tympans, équilibration/ perméabilité tubaire, acuité auditive, évaluation vestibulaire) ;
- l’examen de l’épaule pour les pratiquants du vol libre et du parachutisme ;
- l’examen du rachis pour les pilotes de planeur léger ultra-motorisé de classe 1 ;
8° Pour la pratique du rugby à XV et à VII :
- a) En compétition ou hors compétition, il est complété par la réalisation d’un électrocardiogramme de repos à la première délivrance de licence à partir de 12 ans puis, tous les 3 ans jusqu’à 20 ans, puis tous les 5 ans jusqu’à 35 ans ;
- b) A partir de 40 ans, en compétition, il est complété par la réalisation :
- d’un bilan cardiologique comprenant un électrocardiogramme, une échocardiographie et une épreuve d’effort ainsi que d’un bilan biologique glucido-lipidique à 40 ans, 43 ans, 45 ans, 47 ans et 49 ans puis une fois par an après 50 ans ;
- d’une remnographie cervicale tous les 2 ans pour les joueurs de première ligne entre 40 et 44 ans et, à partir de 45 ans, tous les ans pour les joueurs de première ligne et tous les 2 ans pour les joueurs des autres postes ;
- c) A partir de 40 ans, hors compétition, il est complété par :
- la réalisation tous les 5 ans d’un bilan cardiologique comprenant un électrocardiogramme et une épreuve d’effort ainsi que d’un bilan biologique glucido-lipidique ;
- la réalisation d’une remnographie cervicale ou lombaire tous les ans pour les joueurs de première ligne présentant des antécédents de pathologie cervicale ou lombaire ;
9° Pour la pratique du rugby à XIII, une attention particulière est portée sur l’examen orthopédique de l’appareil locomoteur.
Mise à jour du 9/08/2018
L’Arrêté du 9 juillet 2018 modifiant l’article A. 231-1 du code du sport fait disparaître les obligations d’ECG et d’épreuve d’effort pour le rugby et passe à 2 ans la périodicité de l’examen ophtalmologique des boxeurs amateurs.