Les fourches caudines de l’ANDPC ou le retour d’Ubu

La Formation Médicale Continue est une obligation déontologique pour les médecins. C’est même une obligation légale triennale dans le cadre du DPC. Et cette tendance à l’obligation risque de se renforcer à l’heure où l’on parle d’obligation de recertification pour les médecins.

Malheureusement la supervision du DPC est sous l’égide d’une administration ubuesque pour laquelle TOUT doit rentrer dans des cases et avec laquelle il est très difficile de dialoguer ; le personnel de l’A2FM perd donc une part non négligeable de son temps à tenter de faire coïncider les formations qu’elle propose et les grilles de l’ANDPC.

Voici un petit florilège des difficultés rencontrées :

1er point : toutes les formations doivent entrer dans le cadre des orientations prioritaires fixées par le ministère de la Santé. Malheureusement ces orientations prioritaires ne recouvrent pas vraiment les réalités de terrain. C’est ainsi que le PAERPA (programme pluridisciplinaire pour les « Personnes Âgées En Risque de Perte d’Autonomie ») est une orientation prioritaire, alors que les gestes d’urgence de réanimation en cas d’arrêt cardio-respiratoire non.

2ème point : Il ne suffit pas qu’une fomation entre dans le cadre des orientations prioritaires pour être validée, il faut aussi qu’elle entre dans les orientations prioritaires de VOTRE SPÉCIALITÉ. L’ANDPC ne conçoit pas la notion de transversalité et d’universalité de la médecine et ne comprend pas qu’un psychiatre puisse vouloir avoir des notions de cardiologie, ou qu’un gynécologue veuille se former sur la thyroïde. Une formation sur la migraine a ainsi été refusée aux pédiatres parce que l’orientation « Prise en charge de la douleur » ne fait pas partie des orientations prises en charge pour les pédiatres ! Les formations transversales sont considérées comme de la culture personnelle, et donc non prises en charge et non validantes.

3ème point  : Une formation Excellencis est un ensemble de 3 modules au choix, à piocher dans la liste des modules en ligne. On aurait pu penser que l’ANDPC aurait accepté que sur ces trois modules un au moins puisse sortir du cadre. Que nenni ! Les trois modules doivent tous faire partie des orientations prioritaires de la spécialité du médecin.

4ème point : Alors que selon la ministre Agnès Buzyn la pertinence des soins est un axe majeur de la nouvelle politique de santé, l’ANDPC regarde elle avec une grande suspicion tous les programmes de l’orientation prioritaire 31 « Amélioration de la pertinence des soins » ! au point de considérer que les organismes de formation s’en servent comme fourre-tout pour les formations ne rentrant pas dans une autre orientation, et de les refuser avec une grande constance…

5ème point : Justement sur d’autres points l’ANDPC manque de constance. Il faut savoir qu’un programme validé par l’ANDPC ne l’est que pour une session unique. Il faut donc le faire revalider à chaque nouvelle session, même si c’est exactement le même. Et bien la deuxième fois, la validation acceptée la première fois peut être refusée. Donc on téléphone, on argumente, on perd du temps. Et parfois on a la surprise d’avoir une validation totalement à côté du sujet :

Otoscopie, diagnostics faciles à ne pas manquer

Module accepté une 1ere fois avec l’orientation prioritaire (31) pour tous : Amélioration de la pertinence des soins. Mais rejet à la deuxième session. Programme finalement accepté avec l’orientation prioritaire (1) pour les Généralistes(mais pas pour les ORL ni les pédiatres !) qui correspond à l’un des 2 items suivants

  • Orientation n° 1 : patients à risque cardiovasculaire et métabolique, pathologies cardiovasculaires à tous les stades : évaluation des facteurs de risque et facteurs pronostiques.
  • Orientation n° 1 : dépistage de la maladie rénale chronique (population ciblée, examens pratiqués, prise en charge initiale)

Diagnostics cliniques dermatologiques pédiatriques
Module accepté avec l’orientation prioritaire (31) pour tous : Amélioration de la pertinence des soins. 
Mais rejet à la deuxième session. Programme finalement accepté avec l’orientation prioritaire (2) pour les Généralistes (mais pas pour les dermatologues ni les pédiatres !) qui correspond à l’un des 2 items suivants

  • Orientation n° 2 : patients porteurs de BPCO et asthme, incluant diagnostic précoce et sevrage tabagique
  • Orientation n° 2 : dépistage des cancers (peau, sein, col utérin, colon) : population ciblée, dépistage organisée, examens pratiqués, prise en charge initiale

Que ceux qui comprennent le lien entre la dermatologie pédiatrique et BPCO nous l’expliquent, parce que c’est un peu nébuleux pour nous.

6ème point : certains modules ne trouvent aucune grâce aux yeux de l’ANDPC, qui considère par exemple que « Entorse de la cheville » ou « Bronchiolite et Asthme du nourrisson » n’offrent aucun intérêt pour la formation des médecins, de quelque spécialité qu’ils soient, et donc refuse leur validation …

AU TOTAL : les tutelles réclament des médecins qu’ils se forment. C’est normal et déontologique. Mais non seulement les budgets sont réduits à la portion congrue, mais en plus le champ des sujets de formation se réduit lui aussi comme peau de chagrin. 

Tempérons toutefois les choses : l’ANDPC ne fait qu’appliquer les directives de ses propres tutelles : c’est le Ministère de la Santé qui fixe les orientations prioritaires et impose la limitation de prise en charge à ces orientations. Et c’est le Ministère de la Santé qui met en place cette procédure de validation de formations médicales par des administratifs non médecins … À vouloir tout réguler on perd de vue le but premier du DPC : la formation continue des médecins.

Libéral ? vous avez dit libéral ? 

Rappelons-nous aussi que les programmes DPC sont “offerts” aux libéraux en contrepartie d’honoraires bloqués. Ils sont donc indirectement financés par les médecins qui devraient pouvoir déterminer eux-mêmes la formation dont ils ont besoin.