Le Médecin traitant et la rédaction de l’avis d’ARRET DE TRAVAIL S3116f

La rédaction d’un arrêt de travail par le médecin n’est pas un acte anodin ; c’est un certificat médical avec une portée médico-légale qui engage la responsabilité du médecin.

Il doit être daté du jour de l’examen du patient et en aucun cas être anti ou post daté par le médecin sauf à s’exposer à des poursuites pour certificat de complaisance. Je rappelle que le médecin appose sa signature sur un document mentionnant : « …je soussigné, certifie avoir examiné (nom et prénom) : …. et prescrit un arrêt de travail jusqu’au … » Le médecin ne peut certifier que ce qu’il a personnellement constaté.

Mais sur le terrain le médecin traitant est confronté à des patients qui lui disent :

  • être malades depuis un ou plusieurs jours avant la consultation et être restés chez eux,
  • ou c’est le médecin qui n’a pu les accueillir le jour même…

Le médecin traitant n’a pas à endosser cette responsabilité « sociale » et se mettre en danger en rédigeant un faux en écriture s’il antidate le certificat ou s’il certifie que le patient était malade à une date antérieure à son examen : tout au plus peut-il noter dans la partie « correspondance » destinée au contrôle médical que le patient a déclaré qu’il était malade depuis telle date.

J’attire également votre attention sur cette partie correspondance où les médecins sont légalement obligés de noter les « …éléments d’ordre médical justifiant l’arrêt de travail… »

L’article L162-4-1 du code de la sécurité sociale impose en effet aux médecin la mention sur le volet n°1 du triptyque d’arrêt de travail les éléments d’ordre médical justifiant l’interruption du travail, en précisant, si besoin, les éléments expliquant une demande de sorties sans restriction d’horaire (les sorties sont autorisées habituellement en dehors des heures de présence obligatoire au domicile : 9 à 11 et 14 à 16).

Le médecin ne doit pas noter le diagnostic et toujours garder à l’esprit qu’il s’agit d’un certificat et qu’il certifie ce qu’il écrit en apposant sa signature au bas de l’imprimé. Attention à ne pas certifier des allégations du patient sans préciser que c’est bien le patient qui le prétend notamment dans les situations de conflit ou de harcèlement au travail. Si le médecin veut le noter sur le certificat ,il ne doit pas oublier de préciser : « …allégué par le patient… ou le patient me déclare que … » au risque de se voir poursuivre par un employeur qui disposerait au cours d’une procédure ultérieure du volet n°1 (volet qui je le précise ne lui est en principe pas destiné mais qu’il peut récupérer par exemple lors de l’échange des pièces d’un procès devant le tribunal des Prud’hommes).

A propos des éléments médicaux … il n’est pas interdit de porter un diagnostic, c’est tout au plus un conseil, je pense en effet qu’il revient au médecin de donner les stricts éléments nécessaires au contrôle médical pour effectuer sa mission sans toutefois donner trop de précisions (comme un diagnostic) qui pourraient ultérieurement lui être opposables.

A propos de la prolongation de l’arrêt, elle doit sauf exception (impossibilité matérielle ou absence) être rédigée par le médecin qui a établi l’arrêt de travail initial ou par le médecin traitant.

A propos de la date portée sur l’arrêt de travail, c’est bien la date de l’examen et elle ne détermine pas la date de l’interruption du travail qui elle est fournie par l’employeur, ainsi le patient vu le soir et qui a travaillé la journée ne « perdra pas sa journée » si la date de l’arrêt est celle du jour ! En revanche le salarié peut reprendre son travail avant la date notifiée sur l’arrêt maladie et là aussi c’est bien la date communiquée par l’employeur qui déterminera les indemnités versées par la caisse de sécurité sociale. Certains employeurs exigent dans ce cas un certificat de reprise rédigé par le médecin afin de se prémunir contre d’éventuelles poursuites en cas d’accident de travail au cours de cette période de reprise anticipée : là aussi le médecin devra refuser de rédiger un tel certificat à postériori.

A propos des fonctionnaires ou apparentés (collectivités locales ou territoriales) le médecin doit informer son patient qu’il ne doit remettre à son administration que les volets 2 & 3 de la liasse et conserver le volet n°1 qu’il pourra présenter au médecin en cas de contrôle médical, afin de préserver le secret médical. Cette disposition a été précisé par circulaire (Circulaire FP/4 n° 2049 du 24 juillet 2003) (2) à la suite d’un questionnement au Conseil constitutionnel qui a donné réponse pour l’article 25 ajoutant l’article L162-4-1 au Code de la sécurité sociale (1).

Un point reste néanmoins critiquable sur le plan déontologique, la qualification du médecin n’apparaît plus sur le volet n°3 (employeur), ce qui est parfait pour les salariés mais pas pour les fonctionnaires et apparentés qui transmettent les volets 2 & 3 à leur administration : il faudrait que le volet n°2 ne comporte que les nom, prénom et n° d’identification du médecin et que sa qualification n’apparaisse qu’exclusivement sur le volet n°1. Cela va faire l’objet d’un questionnement de la CELLULE JURIDIQUE de la FMF auprès des autorités compétentes.

Ceux qui souhaitent consulter ces textes trouveront leur reproduction ci-dessous ainsi qu’en fin de lettre les liens pour les télécharger sur les sites internet de Légifrance et du Conseil constitutionnel

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, 
Cellule juridique


(1) LA RÉPONSE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR L’ARTICLE 25 ajoutant l’article L162-4-1 au code de la sécurité sociale :

50…Considérant que le I de l’article 25, qui ajoute un article L. 162-4-1 au code de la sécurité sociale, prévoit que, lorsqu’ils établissent une prescription d’arrêt de travail donnant lieu à l’octroi d’indemnités journalières par l’assurance maladie, les médecins sont tenus de mentionner sur les documents produits à cet effet « les éléments d’ordre médical justifiant l’interruption de travail » ; que, lorsqu’ils établissent une prescription de transport en vue d’un remboursement, les médecins doivent indiquer sur ces documents « les éléments d’ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit » ; qu’il est ajouté que les médecins « sont tenus en outre de porter sur ces mêmes documents les indications permettant leur identification par la caisse et l’authentification de leur prescription » ;

51. Considérant que les députés requérants soutiennent que cette disposition porte une « atteinte peu acceptable » au secret médical, qui est « une des composantes à la fois les plus certaines et les plus sensibles de la vie privée puisqu’il touche directement à l’intimité physique voire psychologique de la personne » ;

52. Considérant que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen implique le droit au respect de la vie privée ; que ce droit requiert que soit observée une particulière vigilance dans la transmission des informations nominatives à caractère médical entre les médecins prescripteurs et les organismes de sécurité sociale ; qu’il appartient toutefois au législateur de concilier le droit au respect de la vie privée et l’exigence de valeur constitutionnelle qui s’attache à l’équilibre financier de la sécurité sociale ;

53. Considérant qu’il ressort des termes mêmes de la disposition critiquée que les informations d’ordre médical en cause sont destinées au seul « service du contrôle médical » ; que les médecins-conseils composant ce service sont, en vertu de l’article 104 du code de déontologie médicale, astreints au secret sur les renseignements médicaux directement ou indirectement nominatifs qui leur sont transmis, y compris envers l’organisme qui fait appel à leurs services ; que devront toutefois être mises en place des modalités d’acheminement de ces documents aux médecins-conseils de nature à assurer la stricte confidentialité de la transmission des informations qu’ils contiennent ; qu’eu égard à sa finalité, qui est de remédier à l’augmentation excessive des dépenses en cause et à leur caractère éventuellement injustifié, la disposition critiquée ne porte pas au respect de la vie privée, sous la réserve ci-dessus énoncée, une atteinte de nature à méconnaître l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen…

(2) La Circulaire FP/4 n° 2049 du 24 juillet 2003 relative aux modalités de traitement des certificats médicaux d’arrêt de travail pour maladie des fonctionnaires ; Fonction publique, réforme de l’État et aménagement du territoire – NOR : FPPA0300112C

Paris, le 24 juillet 2003

Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de l’aménagement du territoire
à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires d’État,
Mesdames et Messieurs les préfets de région et de département

L’article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a institué l’obligation, pour les médecins traitants, de faire figurer sur les certificats d’arrêt de travail pour maladie les motifs médicaux justifiant leurs avis. Ces dispositions doivent permettre au service du contrôle médical des caisses de sécurité sociale de s’assurer que la prise en charge des prestations maladies est médicalement justifiée.

En application de ces dispositions, le régime général de sécurité sociale a modifié le formulaire de demande de congé pour maladie qui comporte trois volets « duplicopiables », dont seul le premier comporte mention des motifs médicaux justifiant l’arrêt de travail.

La conformité de la loi avec les textes constitutionnels a été confirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999. Le Conseil constitutionnel a, toutefois, assorti sa décision de préconisations strictes destinées à assurer la préservation du secret médical. C’est ainsi que l’acheminement du premier volet du certificat, qui comporte les mentions médicales, doit être assuré dans des conditions de nature à en sauvegarder la confidentialité.

Pour les ayants droit du régime général de sécurité sociale, la préservation de la confidentialité des données d’ordre médical a pu être garantie par la réorganisation des services courrier des caisses de sécurité sociale, afin d’assurer un dépouillement des envois sous le contrôle d’une autorité habilitée à connaître du secret médical.

Cependant, ce type d’organisation n’est pas adapté à la fonction publique de l’État, les fonctionnaires remettant directement leurs certificats d’arrêt de travail à leurs services du personnel, qui ne sont pas habilités à traiter les données médicales confidentielles. En effet, pour les ayants droit du régime de sécurité sociale des fonctionnaires, le service du contrôle médical est situé dans les centres de sécurité sociale gérés par les mutuelles de fonctionnaires.

Il est cependant nécessaire que le problème de confidentialité des données médicales nominatives trouve une réponse adaptée.

En conséquence, les fonctionnaires sont invités à transmettre à leurs services du personnel les seuls volets des certificats d’arrêt de travail qui ne comportent pas de mentions médicales à caractère personnel (volets 2 et 3).

Le volet no 1 devra être conservé par le fonctionnaire. Ce volet devra être présenté à toute requête du médecin agréé de l’administration, notamment en cas de contre-visite organisée en application de l’article 25 du décret no 86-442 du 14 mars 1986 modifié relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie, ou de tout autre examen médical réalisé par un médecin agréé en vue de l’obtention ou de la prorogation d’un congé ordinaire de maladie, d’un congé de longue maladie ou d’un congé de longue durée.

Je vous rappelle que la protection du secret médical constitue un droit pour tous les individus auquel il convient d’être particulièrement vigilant. Aussi, je vous demande de bien vouloir assurer l’information de tous les fonctionnaires placés sous votre autorité sur ces nouvelles dispositions. Vous veillerez, notamment, à ce que les services du personnel ne soient pas destinataires du volet no 1 des certificats médicaux d’arrêt de travail et retournent aux intéressés les certificats qui leur seront adressés par erreur.

Vous vous assurerez que les agents non titulaires, qui sont tenus d’adresser à leur centre de sécurité sociale le premier volet des certificats médicaux d’arrêt de travail dont ils sont bénéficiaires, soient clairement informés que la présente circulaire ne leur est pas applicable.

Pour le ministre et par délégation :
Le directeur général de l’administration
et de la fonction publique, Jacky RICHARD

La Circulaire FP/4 n° 2049 du 24 juillet 2003 relative aux modalités de traitement des certificats médicaux d’arrêt de travail pour maladie des fonctionnaires

LA RÉPONSE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR L’ARTICLE 25 ajoutant l’article L162-4-1 au code de la sécurité sociale