A propos des indemnités journalières et de l’application de l’article L162-1-15 du code de la sécurité sociale par les CPAM
Partout en France, des dossiers de mise sous entente préalable (art L162-1-15) de médecins généralistes pour ce que Madame la caisse appelle « atypie du taux d’ IJ », et ce que la FMF nomme « délit statistique », sont transmis par les directeurs de caisses aux commissions des pénalités.
C’est l’application de l’art L162-1-15 du code de la sécurité sociale qui permet d’initier ces procédures ; encore faut-il que soit respectée la notion « d’activité comparable » et c’est là où se situe l’utilisation abusive de ce texte de loi par les directeurs de CPAM, l’activité n’étant que très sommairement comparée :
Les caisses ne tiennent compte que du nombre d’IJ indemnisées, au mieux rapportées au nombre de consultations en les comparant à la moyenne des médecins exerçant dans le ressort de la même ARS, c’est nettement insuffisant pour cibler un médecin selon les termes de la LOI !
Ainsi il n’est tenu aucun compte de l’activité réelle du médecin, et notamment :
- > Du nombre de C, de V, d’actes réalisés en urgence,
- > Du nombre de patients en ALD attestant de pathologies lourdes et de ceux reconnus « travailleurs handicapés »,
- > Du nombre d’IJ prescrites dans le cadre de l’assurance maladie et dans celui du régime accident du travail / maladies professionnelles,
- > Du profil socio-professionnel de la patientèle avec notamment le nombre de patients actifs (20<âge<60ans) et ceux proches de la retraite (50<âge<60 ans), le ratio masculin/féminin, le pourcentage de fonctionnaires, d’actifs salariés et le profil professionnel de ces actifs (travailleurs manuels, ouvriers ou du secteur tertiaire…), l’importance de la patientèle pédiatrique et gériatrique (qui ne sont pas concernés par les arrêts en maladie ou accident de travail),
- > Des éventuelles orientations du médecin (traumatologie, médecine du sport …),
- > Du lieu d’installation du médecin…
Tous ces paramètres influent de façon très significative sur l’activité des médecins et le nombre de jours d’arrêts prescrits et indemnisés par les caisses (à titre d’exemple lorsque le médecin prescrit 7 jours d’arrêt à un salarié ou à un fonctionnaire les caisses, du fait des délais de carence différents, indemnisent 4 jours pour le salarié et 6 jours pour le fonctionnaire soit un différentiel de près de 30%).
Aussi se baser sur une moyenne statistique, une courbe de Gauss en l’occurrence, et dire que l’activité de tous les médecins au sein du ressort d’une même ARS quelque soit leur implantation est comparable, est une ineptie sur le plan statistique et un abus de droit sur le plan juridique.
A titre personnel j’exerce sur le 3è arrondissement et mon activité n’a rien à voir avec celle d’un confrère exerçant en périphérie (un ami sur Vaulx-en-Velin me disait l’autre jours qu’il avait des patients issus de 39 nationalités, pour moi c’est moins de 10 ! )
La FMF et sa CELLULE JURIDIQUE seront systématiquement aux côtés de ces confrères injustement harcelés. Aussi je leur conseille vivement :
- > De demander le plus rapidement possible (dès la réception du R.A.R.) à la caisse les éléments qui ont permis de comparer son activité à celle de la moyenne,
- > De refuser le mirage de la MSO (Mise Sous Objectif) proposé comme une solution avantageuse par les caisses : accepter c’est implicitement accepter d’être « coupable » alors que vous êtes victime de délit statistique, c’est risquer de passer sous le coup de l’art L162-1-14 et ses lourdes pénalités financières (2 fois le plafond de la sécurité sociale, soit actuellement 6 062 €) si vous n’atteignez pas l’objectif et enfin c’est vous exposer à de nouvelles MSO dans le futur.
- > De ne pas se présenter seuls devant la commission des pénalités et de se faire accompagner au moins par un confrère syndicaliste rompu à ces procédures et au mieux par un avocat spécialisé. Et dans ce but, contactez votre assureur pour faire jouer votre garantie « assistance juridique »
- > Si vous êtes placés effectivement sous entente préalable de contester la décision devant la juridiction compétente voire de déposer un référé contre la procédure et/ou son application (référé annulation, référé suspension), votre avocat pourra vous conseiller utilement en fonction du stade de la procédure.
Par le passé, la convention signée par la CSMF nous avait fait goûter la maîtrise qualifiée de « médicalisée » des dépenses de santé, mais avec l’application à la hussarde de l’art L162-1-15 il s’agit là d’une maîtrise standardisée ; aujourd’hui sont concernées les IJ après une brève campagne sur les transports sanitaires et la kiné … Et demain ?
Les français feraient bien de se poser la question parce que ce sont eux qui sont in fine concernés par les prescriptions de leur médecin traitant et ces derniers vont encore plus se raréfier du fait de cette chasse aux délits statistiques propre à vider le secteur libéral de ses médecins traitants en fin de carrière et à dégoûter les jeunes qui auraient eu envie d’y venir !
Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, CELLULE JURIDIQUE FMF
Contact : 06 09 42 56 95
Courriel : mgarrigougran001@cegetel.rss.fr
Voir également : L’article L162-1-15 «pour les nuls»