DERAPAGES CONTROLES

En fin politicien, partant de faits avérés, il ironise sur une facette de la vérité ou la déforme suffisamment pour lui donner l’apparence d’un scoop qu’il lâche en fin d’intervention comme pour ne pas être contredit, lorsque les médias, très friands de ce type de provocations, lui donnent la parole. Il a ravi ce rôle au Président de la Mutualité, Jean-Pierre DAVANT, prompt à attaquer le corps médical et cela s’est fait de la même manière, par une agression médiatique que les juges n’ont pas trouvé diffamatoire contrairement à la Mutualité . Et hop un concurrent de moins.

Je relève néanmoins une contradiction qui ne manque pas de m’étonner : les patients chaque fois qu’ils sont interrogés plébiscitent leurs médecins et le président du CISS qui est censé les représenter s’obstine à les clouer au pilori ? En revanche il a soutenu la loi HPST (3) pas forcément favorable aux patients qu’il représente, et surtout il est resté très silencieux sur les errements du plan grippe A H1N1 ainsi que pour les franchises médicales instaurées au 1er janvier 2008 et qui sont très pénalisantes pour ses mandants : cherchez l’erreur.
Interrogé en 2008 sur ce sujet, il a habilement botté en touche en stigmatisant une fois de plus les médecins « qui seraient très malins en se faisant payer leur prime RCP (4) et les 3/4 de leur retraite par les français ». La réalité étant la prise en charge d’une partie de la RCP pour les seules spécialités à risque exposées par les modifications législatives notamment depuis l’arrêt « Perruche  » et les 2/3 des cotisations URSSAF et ASV (5) des médecins en contre partie d’honoraires bloqués (un rapport parlementaire a montré que la sécurité sociale récupérait bien plus que ce qu’elle offrait aux médecins avec la prise en charge des 2/3 de leurs cotisations d’assurance maladie ceux-ci ayant des frais de santé moindres que le restant de la population du fait de la coutume des honoraires gratuits – Quant à l’ASV ce n’est qu’un tiers de la cotisation retraite et le régime qui est déficitaire va probablement disparaître).

En mars 2009, à propos d’un médecin qualifié spécialiste en médecine générale qui avait coté sa consultation CS=23€ au lieu de C=22, il déclarait qu’une augmentation de 1€ c’était énorme et cela faisait 5 à 6 000 € de plus par an de revenus pour les médecins confondant habilement et volontairement recettes et bénéfice (quand le médecin encaisse 1€ de plus il lui reste, charges déduites entre 0,40 et 0,50 € de bénéfice). Et si on analyse plus finement les coûts et revenus, la rémunération moyenne des français a selon les pouvoirs publics (6) progressé de 22,9% entre 2003 et 2010 alors que la lettre clé C des médecins a gagné 10% et l’inflation 13% : le C des médecins a donc perdu 3% sur une période où la moyenne des français progressait de 10 points. Ces chiffres à eux seuls montrent l’ampleur de la désinformation du président du CISS, et l’observation du terrain avec une désertification en marche le montre bien : je rappelle ici que seuls 180 médecins sur une promotion de 3 500 ont choisi en 2007 de s’installer en libéral sur toute la France pour exercer la médecine générale.

Enfin sa dernière intervention le 9 février 2010 sur les ondes de France Info a été à la hauteur du personnage et j’hésite encore entre l’incompétence et la manipulation quand il dit que les « médecins avaient du payer à leurs épouses des sacs à main ou des playmobils à leurs enfants avec la prime à l’informatisation » parce que justement :
– Les médecins qui ne télétransmettent pas encore les feuilles de soins aujourd’hui sont ceux qui avaient refusé cette prime à l’époque suivant les consignes syndicales de la CSMF.
– Cette prime n’était pas du tout une prime mais une récupération de la taxe exceptionnelle imposée à la profession par Le plan JUPPE : le remboursement de la prise en charge par la sécurité sociale de leurs cotisations sociales pour les médecins en secteur 1 et une taxe équivalente pour ceux exerçant en secteur 2 (en moyenne les médecins en secteur 1 avaient reversé 8 000 F et ceux en secteur 2 13 000 F), et Richard BOUTON, président de MGF (7) avait du négocier avec le gouvernement d’alors pour que ces sommes alimentent un fond, le FORMMEL (8) qui verserait une prime à l’informatisation de 9 000 F aux médecins qui s’équiperaient. C’est-à-dire que le médecin en secteur 1 qui acceptait de s’équiper à l’époque récupérait ce qui lui avait été retiré et dans le même temps les Parlementaires recevaient une prime 10 fois supérieure pour leur équipement informatique ce qui m’avait fait écrire à l’époque qu’eux devaient avoir un PC en platine ! (ils percevraient encore actuellement 1 000 € par mois, soit 12 000 € annuels pour cela).
Tout était parti du dernier rapport de la Cour des Comptes qui regrettait que des praticiens préfèrent les FSP (9) aux FSE (10), le traitement des premières par les caisses d’assurance maladie revenant à 1,74€ contre 0,21 € aux secondes, soit un différentiel de 1,53 €, mais l’activité première des médecins est de soigner et non de faire à leur place le travail des caisses d’assurance maladie (entendez s’occuper du remboursement) et pourtant une majorité de médecins, notamment les spécialistes en médecine générale ont recours à la télétransmission faisant par là même économiser des sommes importantes à l’assurance maladie, exactement si je reprends les calculs des magistrats de la rue de Cambon 1,53€ par feuille de soins et sachant que l’assurance maladie les indemnise « généreusement » comme le souligne le CISS de 0,07 € par feuille, l’assurance maladie gagne donc 1,46€ par feuille de soins sur le dos des praticiens ! Et faire une FSE demande du temps, de l’équipement et de multiples vérifications et tracasseries à mille lieux des « 0,07 € pour appuyer sur la touche enter » comme on peut le lire sur la première page du site internet du CISS.

La réalité des faits montre bien l’ampleur de la désinformation et je ne peux douter qu’un responsable de ce niveau se trompe par ignorance, il s’agirait donc bien d’une action concertée destinée à jeter le discrédit sur une profession dévouée au service des malades avec en son sein des spécialistes en médecine générale derniers remparts de la santé solidaire et c’est sans doute pour cela qu’il faut abattre ceux qui gênent … Les associations de patients se rendent-elles compte que leur président, probablement par ambition personnelle, les dirigent à l’opposé de leurs intérêts ?

Autrefois les monarques avaient leur bouffon qui savait jouer de la provocation et de la diffamation en leur lieu et place, à l’époque on le nommait « le fou du roi », aujourd’hui c’est le titre d’une émission satirique sur une radio publique, mais la santé et la médecine en générale demeurent des enjeux sérieux peu propices aux calembours et aux bons mots notamment quand nous côtoyons journellement la souffrance de nos concitoyens.

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, Lyon 3UNION GENERALISTE

Pour aller plus loin, lire le blog du Dr Christian LEHMANN :
[->http://enattendanth5n1.20minutes-blogs.fr/archive/2010/02/12/patients-si-vous-saviez-qui-vous-represente-au-sommet-de-l-e.html]

Ou pour rire à la manière du « fou du roi » celui du Dr Dominique DUPAGNE
[->http://www.atoute.org/n/article145.html]


(1) CISS ([->http://www.leciss.org/partenaires.html]) : Collectif Inter associatif Sur la Santé

(2) AIDES ([->http://www.aides.org/]) : première association française de lutte contre le VHI/SIDA et les hépatites.

(3) Loi HPST : Loi Hôpitaux patients Santé Territoires

(4) RCP : Responsabilité Civile Professionnelle

(5) ASV : Avantage Spécial Vieillesse

(6) [->http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RELFSS/Chap14-aspects-gestion-personnel-regime-general.pdf]

(7) MGF : MG France, syndicat de médecins généralistes

(8) FORMMEL ([->http://www.securite-sociale.fr/comprendre/dossiers/comptes/2005/recette_ccss9_6.pdf]) FOnd de Réorientation et de Modernisation de la MEdecine Libérale

(9) FSP : feuille de soins papier

(10) FSE : feuille de soins électronique